Martyres d’Orange
juillet 1794
La petite ville de Bollène se trouve dans le district d’Orange. Le Comtat-Venaissin venait d’être annexé à la France en 1791. Il s’y trouvait deux couvents de femmes, Ursulines et Sacramentines.
Le monastère des Ursulines remontait à 1609, celui des Sacramentines à 1725. L’année 1792, les couvents furent officiellement fermés, confisqués, et les Religieuses contraintes à vivre dans le siècle.
Dans un premier temps, les deux Supérieures purent louer une maison pour reconstituer une vie à peu près conventuelle ; mais les Sacramentines durent se replier à Pont-Saint-Esprit, où l’aumônier laissait le Saint-Sacrement dissimulé dans une armoire, pour permettre aux Religieuses de faire leur adoration.
Quand la Convention voulut leur imposer le serment Liberté-Egalité, les Religieuses opposèrent une ferme fin de non-recevoir, considérant que ce serment était nettement anti-religieux. D’ailleurs, le tribunal d’Orange devait écrire à leur sujet que les béates ont déclaré qu’il n’était pas au pouvoir des hommes de les empêcher d’être religieuses.
En avril 1794, on leur interdit de sortir de leur maison, jusqu’à leur transfert à la prison d’Orange, qui eut lieu le 2 mai suivant. Il y eut ainsi cinquante-cinq Religieuses incarcérées dans la prison de la Cure, sans compter quelque deux cents autres femmes.
En attendant l’heure suprême, les Religieuses s’organisèrent en vie de prière, occupant leur journée de cinq heures du matin à dix-neuf heures du soir en dévotions diverses ; elles se confessaient à haute voix et faisaient la communion de désir.
Vers neuf heures elles étaient appelées par petits groupes, pour être «jugées» sur leurs crimes. Celles qui demeuraient en prison, priaient à genoux, invoquant la force du Saint-Esprit pour leurs Sœurs ; elles récitaient jusqu’à mille Ave Maria à cette intention.
Vers dix-huit heures, avait lieu l’exécution ; les survivantes s’agenouillaient et priaient pour les victimes. Puis elles se relevaient, évoquant leur joie d’avoir des Sœurs Martyres et déjà au Ciel, et chantaient le Te Deum ainsi que le psaume Laudate Dominum, omnes gentes.
Les exécutions eurent lieu les 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 16 et 26 juillet.
On releva la joie extrême que les victimes montraient en montant à l’échafaud. Les gendarmes eurent ce mot resté célèbre : Ces bougresses-là meurent toutes en riant.
Le 26 juillet, il y eut un acte de «clémence» envers quatre Converses, à la suite d’une réclamation de la foule, lassée par ces actes de barbarie inutiles et répétés. Puis le renversement politique amena l’arrêt des exécutions dès le 5 août.
L’année suivante, 1796, les membres de ce tribunal d’Orange furent à leur tour condamnés à mort : deux juges et l’accusateur public demandèrent un prêtre, et priaient, demandant pardon pour leurs crimes, avant de mourir.
Les trente-deux Martyres d’Orange furent béatifiées en 1925.