Bernard d’Abbeville
1046-1117
S’il naquit effectivement à Abbeville (Somme), Bernard se vit obligé de se déplacer continuellement pour trouver la vraie solitude que son cœur désirait.
Petit, son goût précoce pour la vie religieuse le fit appeler le petit moine. A vingt ans, ayant une connaissance approfondie des saintes Ecritures, il partit pour le Poitou, avec trois compagnons animés des mêmes sentiments que lui, et entra au monastère de Saint-Cyprien (Poitiers), qui dépendait de la Chaise-Dieu.
Dix ans plus tard, il fut envoyé à Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne), pour y opérer une réforme ; conscient qu’on voulait le faire abbé, Bernard s’enfuit dans la forêt de Craon (Mayenne), où vivaient déjà d’autres ermites célèbres : Vital de Savigny, Robert d’Arbrissel, Raoul de la Futaie (v. respectivement 7 janvier, 24 février, 16 août).
Là, Bernard prit le nom de Guillaume et s’exerça pendant trois ans au travail manuel auprès d’un ermite nommé Pierre, un tourneur sur bois.
Mais les moines de Saint-Savin le retrouvèrent, de sorte que notre Bernard s’enfuit à nouveau et s’installa pendant trois ans encore sur l’île de Chausey, non loin du Mont Saint-Michel (Manche). C’est alors qu’on le supplia de revenir à Craon, ce qui pouvait se faire puisque les moines de Saint-Savin avaient fini par élire un autre abbé. Bernard se fixa à Fontaine-Géhard (Châtillon-sur-Colmont), qui devint un centre érémitique très prospère et illustre.
Ce fut cette fois-ci l’abbé de Saint-Cyprien qui le rappela, voulant en faire son prieur et son successeur. Bernard n’accepta qu’à contre-cœur, mais sut se montrer à la hauteur de sa mission abbatiale.
C’est comme abbé qu’il participa au concile de Poitiers (1100), où fut excommunié Philippe Ier à cause du scandale donné par son divorce.
Il y eut un conflit avec l’abbaye de Cluny, qui voulait «dominer» sur Saint-Cyprien ; Bernard en profita pour abandonner sa charge et revenir à Craon, d’où il ne sortit que pour prêcher la réforme des peuples et du clergé.
Les moines de Saint-Cyprien le rappelèrent cependant, pour les défendre contre Cluny ; Bernard dut faire le voyage à Rome, où il obtint l’indépendance de Saint-Cyprien.
De retour en France, il fit un nouveau séjour à Chausey, d’où il fut chassé par des pirates, et s’en revint près de Fougères (Ille-et-Vilaine). Il y réunit des disciples, mais s’apercevant qu’il gênait le développement de l’abbaye de son ami Vital, il trouva refuge sur les terres du comte Rotrou et édifia un nouveau monastère avec une chapelle dédiée à sainte Anne, bénie en 1109 par l’évêque Yves de Chartres (v. 23 décembre).
Les tribulations n’étaient pas finies ; un nouveau conflit avec Cluny contraignit Bernard à déplacer son monastère, vers la source de la rivière de Tiron (1113).
Bernard, qui n’aspirait qu’à la solitude et à la contemplation, eut jusqu’à cinq cents moines autour de lui. Ceux-ci vivaient la règle de saint Benoît, mais dans une grande austérité ; ils portaient un habit gris à longs poils ; à leurs travaux on doit l’actuel étang de Thiron, de Saint-Anne.
Tiron eut des fondations en Allemagne, en Angleterre, en Ecosse.
Dieu favorisa Bernard du don des miracles, de la lecture des esprits. Ainsi il montra à un moine qu’il en connaissait les désirs tortueux et chercha paternellement à le ramener ; il éteignit un dangereux incendie venu de la forêt et qui menaçait les bâtiments, il guérit d’un signe de croix un enfant aveugle-né, il délivra d’un esprit malin deux religieux de la communauté, il remit sur pied un jeune novice qui avait été presque écrasé par un énorme chariot traîné par dix bœufs.
Vers la fin, une grave maladie compléta cette longue suite d’aventures qui avaient éreinté Bernard. Il mourut le 14 avril 1117.
Bernard d’Abbeville (ou de Tiron) fut canonisé en 1861, ce qui lui fait détenir le record du plus long procès de canonisation dans l’Eglise, mais nous savons que pour Dieu Mille ans sont comme un jour (Ps 89:4).