Martinus de Tours
317-397
On oublie que saint Martinus vivait au 4e siècle, juste après l’édit de Constantin, au moment des grandes discussions théologiques.
Il naquit à Sabaria en Pannonie (ce qui serait aujourd’hui Szombathely en Hongrie), en 316 ou 317. Son père était tribun militaire, et pouvait alors être en garnison dans cette contrée assez éloignée de Rome.
Le nom même de Martinus («voué à Mars») est sans doute en rapport avec le métier militaire paternel.
Martinus fut élevé à Pavie, et s’il voulut très tôt passer au christianisme, il ne fut pas baptisé dès l’enfance : son père s’y opposait et lui fit faire dès quinze ans son service dans la garde impériale, et c’est comme tel qu’il donna bientôt la moitié de son vêtement à un pauvre, près d’Amiens.
On a posé la question de cette «moitié» de vêtement : pourquoi le déchirer en deux, au risque de laisser le pauvre grelotter quand même ? Des historiens ont trouvé une réponse très logique : le soldat devait payer la moitié de son vêtement à l’Etat, Martinus ne pouvait pas en disposer intégralement. Mais personne ne nous dit ce que pensèrent les officiers, quand Martinus leur remit l’habit déchiré. Est-ce à ce moment précis qu’il renonça à la carrière militaire ? Ou qu’il en fut renvoyé ? A moins qu’il ait eu l’adroite idée de séparer la doublure de cette cape ?
Animé de sentiments fraternels, Martinus se refusa à combattre, contre les Alamans, et proposa d’être simplement enchaîné et exposé à l’ennemi qui, mystérieusement, demanda la paix.
Enfin libéré, bientôt baptisé, Martinus fut attiré par le renom de saint Hilaire de Poitiers, et se joignit à ses disciples. Humblement, il refusa le diaconat, acceptant seulement d’être exorciste. L’humilité de Martinus était déjà une qualité acquise : militaire, il s’agenouillait pour nettoyer les chaussures de son «esclave» (son ordonnance).
Quand saint Hilaire est exilé en Orient (car c’est l’époque de la dispute arienne), Martinus repart en Pannonie (sur une mystérieuse invitation divine), où il amène sa mère, mais pas son père, à la foi chrétienne ; lui aussi prend parti contre le clergé arien, il est battu de verges ; à Milan, l’évêque arien le chasse ; il se retire près d’Albenga où, se nourrissant d’herbes sauvages, il risque la mort ; apprenant qu’Hilaire est de retour, il le rejoint.
Martinus alors fonde un monastère à Ligugé, car depuis l’enfance il rêvait de la solitude. C’est ici la première communauté de moines en Gaule. Mais en fait de solitude, voilà que Dieu lui accorde le don des miracles et le rend célèbre : entre autres, il ressuscite un de ses disciples, catéchumène.
Quand meurt l’évêque de Tours, on appelle immédiatement Martinus pour lui succéder (370 ou 371). Ce n’est qu’à contre-cœur qu’il accepte ce choix, jugeant que c’est là la volonté de Dieu. On dit qu’il se serait caché parmi des oies, et que les bestioles manifestèrent elles-mêmes sa présence parmi elles. Eloigné de son monastère, il en fonde un autre, Marmoutier, d’où sortiront tant de saintes figures, prêtres et évêques qui réformeront la Gaule.
Martinus parcourt son diocèse, mais aussi les régions plus éloignées, jusqu’à Autun et Vienne. Il appelle les foules à la conversion, détruit les temples païens qui existent encore, les arbres sacrés.
Par sa parole, Paulin de Bordeaux se convertit, et deviendra le saint évêque de Nole en Italie ; Sulpice Sévère lui doit aussi sa conversion.
Les miracles se multipliaient sur le passage de Martinus. Sulpice Sévère en raconte bon nombre. Mais on se plaira à signaler d’autres faits, non pas miraculeux en soi, mais dignes de notre reconnaissance.
Martinus traversait une vigne, juché sur son petit âne. C’était la fin de l’été, et l’âne ne se gênait pas pour happer les feuilles de la vigne, à la grande inquiétude des vignerons qui craignaient que les raisins fussent brûlés. Ils s’aperçurent au contraire que, grâce au soleil automnal, les raisins prirent une belle couleur et surtout y gagnèrent en saveur. C’est pourquoi ils s’habituèrent à invoquer saint Martinus aussi pour leurs vendanges. De là vient la coutume désormais établie d’éclaircir les pieds de vigne à la fin de l’été en en retirant les feuilles trop abondantes.
Une autre fois, voyant des oiseaux se disputer des poissons, Martinus expliqua à ses disciples que les démons se disputent de la même manière les âmes des chrétiens ; c’est depuis ce moment que ces oiseaux furent appelés «martins-pêcheurs».
Vers la fin de sa vie, Martinus fut encore appelé à se déplacer pour rétablir la paix entre des clercs quelque peu agités à Candes sur Loire (ouest de Tours). Il s’efforce de s’y traîner, réconcilie ces clercs, et meurt d’épuisement à Candes, le 8 novembre 397.
Si Martinus eut tant d’influence sur la re-christianisation de la Gaule, il rencontra maintes difficultés de la part du clergé, comme c’est souvent le cas devant des réformateurs. Un de ses pires «ennemis» se trouvait parmi ses propres disciples : Brice était un véritable agitateur, et l’on demandait à Martinus de l’expulser. Divinement inspiré, Martinus le garda jusqu’à la fin, répétant même : Si le Christ a supporté Judas, pourquoi ne supporterais-je pas Brice ? Or, à la mort de saint Martinus, ce fut Brice, désormais profondément touché par la grâce et converti, qui lui succéda (voir au 13 novembre).
Saint Martinus, immensément célèbre, fut vénéré unanimement. Tours devint le premier lieu de pèlerinage des Gaules et la basilique de Saint-Martinus était une splendeur. Sous Clovis, saint Martinus est choisi comme protecteur des Mérovingiens. La fameuse cape de saint Martinus, serait à l’origine du mot chapelle (comme lieu où l’on conserve la cape) et aussi de la dynastie des Capétiens.
Des centaines de communes, des milliers d’églises, portent le nom de Saint-Martinus, qui est aussi un patronyme très fréquent en France.
Saint Martinus est la patron de Tours, de Buenos-Aires, de Mayence, d’Utrecht, de Lucques ; depuis des siècles il est le patron des arquebusiers de Visé (Liège, Belgique). Des fêtes traditionnelles existent en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Autriche.
Il a été dit plus haut que saint Martinus mourut le 8 novembre. Or, traditionnellement, c’est le 11 novembre qu’il est fêté partout, et commémoré au Martyrologe Romain.
Ne serait-ce pas un signe de Dieu que l’armistice de 1918, entre la France et l’Autriche, ait été signé justement au jour de la fête d’un Saint franco-hongrois ?