Thascius Cæcilius Cyprianus
200-258
Ce très célèbre Père de l’Eglise naquit vers l’an 200 en Afrique du Nord, probablement dans la région berbère.
Après une brillante éducation, il devint professeur de rhétorique et avocat.
Par un ami prêtre, il connut la Sainte Ecriture, la lut et se convertit profondément, au point que désormais il ne citera plus jamais un auteur païen. Dès lors il fit le vœu de continence.
Sa droiture l’amena à être choisi pour recevoir le sacerdoce puis, quand le siège épiscopal de Carthage fut vacant en 249, il fut quasi unanimement désigné pour recevoir l’épiscopat.
Le nouvel évêque se montra à la hauteur de sa mission, dans tous les domaines, pastoral et doctrinal.
Il rappela aux clercs leur devoir d’une vie exemplaire, aux vierges d’être modestes (c’est-à-dire de ne pas sacrifier aux modes vestimentaires ou capillaires).
En 250, un édit de Dèce menaça tous les chrétiens qui n’auraient pas accepté de sacrifier au génie de l’empereur. Cyprien jugea opportun de se protéger, pour soutenir ses fidèles : confiant les affaires à un prêtre fidèle et à ce qu’on appellerait aujourd’hui son conseil presbytéral, il se cacha, tout en maintenant le contact épistolaire avec les fidèles et avec les chrétiens de Rome. Certains de ces derniers suggéraient que Cyprien avaient trahi ; l’évêque écrivit pour expliquer son point de vue et sa décision prudente.
Au lendemain de cette vague de persécution, se posa le problème des lapsi, les chrétiens qui avaient momentanément cédé à la pression pour ne pas être accusés de christianisme ; ils voulaient rentrer dans l’Eglise, mais sans formalités autres qu’un billet de réconcilation, qu’ils obtenaient trop facilement d’autres fidèles. Cyprien fit savoir qu’on ne s’acquittait pas d’un pardon bien nécessaire sans une pénitence adéquate, après avoir ainsi, pour certains, apostasié, pour d’autres même sacrifié aux idoles.
Le pape Fabien approuva cette décision. Mais sur place, Novat fomentait un schisme contre Cyprien ; partisan d’une réconcilation facile, il dressait les fidèles contre leur évêque ; de plus, et étrangement, il se mettait en même temps dans le parti du romain Novatien qui, de son côté, n’admettait rigoureusement aucune réconcilation possible des lapsi.
Cyprien rentra à Carthage dès 251, année où fut élu pape Corneille.
En mai 252, un concile africain décidait de réintégrer les lapsi pénitents, communiquèrent leur décision au pape, et la situation s’apaisa.
Il y eut alors une épidémie de peste dans l’empire, et les Chrétiens furent tout de suite pointés du doigt ; la tension remontait.
Deux événements sont ici à signaler, avant le grave problème qui allait surgir à propos du baptême conféré par des hérétiques.
En 253, on voit Cyprien, plein de sollicitude, organiser des secours en faveur des Chrétiens numides, victimes d’une razzia ; puis l’évêque s’élève contre la pratique erronée de consacrer de l’eau à la place du vin à la Messe.
Après Corneille, fut élu pape Lucius, qui mourut dès 254, puis vint Stephanus (Etienne) 1er, réputé plus autoritaire que ses prédécesseurs, et qui ne manifesta pas un grand désir de communiquer avec Cyprien.
Mais Cyprien «osa» bientôt intervenir pour déclarer que le nouveau pape avait été trompé au sujet de la réintégration de deux évêques espagnols, précédemment déposés pour s’être procuré de faux «billets de sacrifice». Cyprien écrivit aussi au pape pour demander la déposition de l’évêque d’Arles, coupable de déviation dans le sens novatianiste. Le pape ne réagit pas.
En revanche, il se manifesta énergiquement quand on souleva la question du baptême conféré par des hérétiques. Cyprien soutenait que ce baptême était impossible, car seule l’Eglise peut conférer le sacrement. Toutefois, la doctrine de l’Eglise est plus universelle, et proclame que en cas de nécessité, toute personne, même non baptisée, ayant l’intention requise, peut baptiser. L’intention requise, c’est de vouloir faire ce que fait l’Eglise en baptisant, et appliquer la formule baptismale trinitaire (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n.1256) ; à cela s’ajoute la pratique de verser soi-même l’eau (ou de pratiquer l’immersion) en prononçant cette formule trinitaire (N, je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit). Cette doctrine était déjà celle de l’Eglise au 3e siècle, et le pape Stephanus la rappela, précisant que Rome n’admettait aucune nouveauté.
Cyprien ne trahissait pas la tradition de l’Eglise. Il jugeait cependant nécessaire, localement, d’imposer une pratique plus sévère à l’encontre des partisans de Novat.
C’était apparemment une rupture ; deux conciles à Carthage appuyèrent l’avis de Cyprien. Certains commencèrent à s’en prendre au pape autoritaire, qui eut cependant l’heur de mourir en 257, et auquel succéda un esprit plus conciliateur en la personne de Sixte II.
Finalement, la polémique s’apaisa d’elle-même, lorsque se déclencha la persécution de Valérien en 257.
Cyprien fut une première fois condamné à l’exil à Curubis, une petite ville peu éloignée de Carthage, d’où il put maintenir le contact avec les fidèles du diocèse.
En 258, Cyprien regagna Carthage, mais Valérien intensifia la persécution : on devait décapiter tout évêque, prêtre et diacre, à peine identifiés. C’est ainsi que mourut à Rome le pape Sixte II (voir au 6 août) et son diacre Laurent (voir au 10 août).
A nouveau arrêté, Cyprien subit un procès, dont on a reçu un compte-rendu exact, au terme duquel la sentence fut que Thascius Cyprianus est condamné à périr par le glaive, ce qu’entendant, Cyprien répondit : Deo gratias !
Le saint évêque fut conduit au lieu de l’exécution, avec beaucoup d’autres Chrétiens qui criaient Qu’on nous décapite nous aussi avec lui !. Cyprien retira son manteau et sa dalmatique, pria, fit remettre vingt-cinq pièces d’or au bourreau, se noua un bandeau sur les yeux, se fit attacher les mains par un prêtre et un diacre, encouragea le bourreau qui n’osait pas lever la main, et reçut le coup fatal.
Saint Cyprien mourut le 14 septembre 258 et fut immédiatement honoré en Afrique, à Rome et ailleurs ; on inscrivit son nom dans le Communicantes du Canon romain de la Messe, seul martyr non romain mentionné dans cette prière. Il est actuellement fêté avec saint Corneille, le 16 septembre.
Jusqu’à la ruine de Carthage (698), le culte de saint Cyprien fut très en honneur et trois basiliques furent construites. Ses reliques furent ensuite rapportées à Lyon.
On conserve de saint Cyprien de nombreux écrits, parmi lesquels un commentaire du Pater, un traité sur l’habillement des vierges, sur la pratique de l’aumône, sur la patience, sur la pudeur, sur la jalousie, sur l’unité de l’Eglise ; c’est dans ce dernier qu’il proclame qu’ hors de l’Eglise, il n’y a pas de salut.