Nazaria Ignacia March Mesa
1889-1943
Nazaria Ignacia naquit le 10 janvier 1889 à Madrid en Espagne, quatrième de onze enfants. Elle fut ondoyée le jour-même, avec sa sœur jumelle. Elle recevra le baptême le 11 avril.
A cinq ans, elle reçut le scapulaire du Carmel. En 1896 elle entra au collège des Filles Nobles de Séville.
A neuf ans elle fit sa Première Communion ; c’est ce jour-là qu’elle s’entendit appeler pour la première fois : Quelqu’un lui dit : Nazaria, suis-moi, à quoi elle répondit de tout son cœur : Je te suivrai, Jésus, le mieux que puisse le faire une créature humaine. Elle promit intérieurement de garder la virginité.
Le 15 août 1900, à onze ans, elle fit le vœu de virginité, vœu qu’elle renouvela avec trois compagnes le 8 décembre suivant.
Elle reçut la Confirmation en 1902 et, en 1905, demanda son admission dans la Compagnie de la Croix de Séville. La Mère Fondatrice lui prédit qu’elle irait en Amérique et en reviendrait avec des Compagnes. Avec les années, l’appel vers une vie plus apostolique se fit plus insistant, en même temps que la petite fille s’épanouissait et semblait vouloir jouir de la vie. Mais elle resta généreuse et répondit toujours “oui”.
Des difficultés économiques s’abattirent sur la famille, et Nazaria s’employa à aider les siens, même au prix de quelques humiliations. On dut émigrer au Mexique (1906). Il se trouva que sur le même bateau voyageaient des Religieuses, les “Sœurs des Vieillards abandonnés”, ce qui fut sans doute le prélude à son entrée au postulat de México en 1908.
En 1909, elle quitta Cuba et rentra en Espagne pour faire son noviciat à Palencia, où elle émettra ses premiers vœux en 1911 et prendra le nom de Nazaria Ignacia de Sainte-Thérèse de Jésus.
En 1912, elle partit avec neuf compagnes en Bolivie, pour y fonder une maison à Oruro. Pendant plus de douze années elle forma une partie de la communauté des Sœurs, toute donnée aux œuvres de charité propres à l’Institut, en contact direct avec les vieillards, qu’elle regardait comme les membres souffrants du Corps du Christ. Elle parcourut bien d’autres villes, d’autres milieux, quêtant des aumônes pour ses petits vieux. C’est là qu’elle perçut de façon spéciale que “la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux” (Lc 10:2) et que le cri des pauvres arrivait au ciel et en attendait une réponse adéquate.
Des expériences mystiques intérieures se multiplièrent dès 1914. Nazaria entra à “l’école de Jésus”, l’école de la sainteté. Notre Seigneur lui révéla qu’il avait de grands desseins sur elle.
En 1915 elle émit les vœux perpétuels. Il lui fut donné de comprendre de plus en plus clairement qu’elle devait être, comme Marie, vierge et mère des âmes ; elle s’offrit complètement à accomplir les desseins de la Providence ; elle offrit sa vie pour l’Eglise de Oruro.
1920 : le 2 février, elle fit le vœu d’être l’esclave de Marie. A la veille de la Pentecôte, tandis qu’elle accompagnait les Religieuses du Bon Pasteur à la recherche d’une maison pour s’installer à Oruro, elle arriva au Beaterio de las Nazarenas (ancienne propriété des Jésuites, expulsés en 1767), qui lui inspira un sentiment intérieur de dégoût et l’envie d’en sortir promptement, à cause de l’aspect d’abandon misérable qu’elle y voyait. Mais là, dans l’église, elle entendit Jésus qui lui dit : “Nazaria, c’est toi qui fonderas, et cette maison sera ton premier couvent.” Pendant plusieurs années, elle se battit contre ses angoisses pour donner vie à la prédication de l’Evangile ; et par sa particulière intuition du mystère de l’Eglise, elle en arrivera à fonder une nouvelle famille religieuse.
Toujours en 1920, en octobre, durant les Exercices Spirituels de Saint Ignace de Loyola, il y eut une méditation sur le Règne du Christ, et Nazaria y vit tout tracés ses idéaux de travailler de toutes ses forces à l’unité et à l’extension du Règne du Christ ; et comprenant que, seule, elle ne pouvait pas faire grand-chose, elle ressentit un immense désir de regrouper d’autres personnes “sous l’étendard de la Croix”, concevant la Congrégation religieuse comme “une croisade d’amour à travers l’Eglise”.
La situation de la Bolivie était bien particulière à cette époque. Beaucoup d’églises locales naissaient, mais on manquait de prêtres ; pas de Congrégations religieuses locales non plus ; sectes laïques qui luttaient contre l’Eglise catholique ; et par-dessus tout cela une pénible réalité économique, politique et sociale. En 1923, Dieu demanda à Nazaria d’offrir sa vie pour la Bolivie. Nazaria demanda à la Mère Générale et obtint l’autorisation de s’offrir comme victime.
Le 14 août 1924, Nazaria sembla à l’article de la mort, mais se releva.
Le 18 janvier 1925, Nazaria fit un vœu spécial d’obéissance au pape, qu’elle renouvellera à la Pentecôte, en y ajoutant aussi le vœu de travailler à l’union et à l’extension de l’Eglise Catholique.
Désormais, elle sera aidée dans son projet par le premier évêque de Oruro, Mgr Antezana, par l’évêque de La Paz, Mgr Sieffert, et même par le Nonce apostolique en Bolivie, Mgr Cortesi : c’était le signe qu’elle demandait à Dieu pour lui confirmer sa vocation. Tous trois virent en elle l’action de l’Esprit Saint et épaulèrent fortement ce nouveau bourgeon de la vie de l’Eglise.
Le 16 juin 1925, suite à un décret de l’évêque, Nazaria quitta les Sœurs, pour commencer au Beaterio la fondation de la nouvelle Congrégation, avec pour tout capital 40 centimes que lui remit l’ancienne abbesse des Nazarenas. Elle avait pour compagnes neuf jeunes Boliviennes, avec lesquelles elle commença les premières activités missionnaires dans les mines, entre autres Uncía, puis Toledo, Condo, Challapata et Poopó. Ces vaillantes compagnes s’appelaient : Rebeca, Simona, Isabel, Sofía, Avelina, Isabel, Elsa, Dolores, Daría.
Le 12 février 1927 la Congrégation fut érigée canoniquement, de droit diocésain, sous le nom de Sœurs Missionnaires de la Croisade Pontificale, “première fille légitime de l’Eglise Bolivienne”, comme le dit Mgr Antezana.
D’après les Constitutions, écrites par la Mère Nazaria Ignacia, “l’Institut doit réaliser l’action sociale de la femme, avec la plus grande perfection possible, ayant pour fin principale la diffusion du catéchisme parmi les enfants et les adultes et retient pour sa caractéristique principale d’être reconnu pour sa particulière union avec le Saint Père”.
C’est ainsi que, en esprit de fidélité à leur église, à leur peuple, à leur époque, les filles “pontificales”, sous l’impulsion et l’exemple de la Mère Nazaria Ignacia, se dévouèrent aux petites filles abandonnées, aux prisonniers, à la catéchèse en paroisse et dans les casernes, préparant les visites pastorales dans les mines et les campagnes. Elles recherchaient la promotion de la femme, par la professionnalisation et la défense de leurs droits, en fondant en Bolivie le premier “Syndicat des ouvrières” de l’Amérique Latine. Ce fut la “Ligue catholique des Dames Boliviennes”, dont la fin était l’amélioration religieuse, morale, culturelle et économique de la société bolivienne, spécialement des classes pauvres et ouvrières. Et pour accompagner ce programme, elles firent des publications qui aidaient à comprendre la place qu’elles occupaient dans la société et l'Eglise.
En avril 1934, Nazaria était aux pieds du pape Pie XI et lui manifestait son désir de mourir pour l’Eglise. Le pape lui répondit : Non pas mourir, mais vivre et travailler pour l’Eglise.
Le 8 juin 1935, la Congrégation reçut le Décret de Louange, devenant de droit pontifical.
En 1936, Nazaria fut en Espagne pour ouvrir des maisons. C’était la Guerre civile. On l’arrêta avec ses filles et on les mit en face d’un piquet de soldats pour les fusiller. Le consul d’Uruguay intervint à temps pour les sauver de la mort. L’ambassade de Bolivie les accueillit comme réfugiées. Nazaria pourra regagner l’Amérique en 1937.
Le 10 décembre 1938 se fonda à Buenos Aires (Argentine) une Association de Demoiselles sous le nom de Pierres Précieuses Pontificales du Pilier, dont le but était de les former à travailler ensuite dans l’Action Catholique. Puis vinrent beaucoup d’autres œuvres, trop longues à décrire ici : Ateliers et Ecoles pour les petites filles pauvres du peuple, toujours avec ce même but de la promotion de la femme. Pour aider les ouvriers et les chômeurs, elles se privèrent de leur propre pain, elles mendièrent pour eux, organisèrent des Associations : “Tables populaires”, “Marmites du Pauvre”… Là, outre la nourriture, on cherchait avec eux une solution à leurs problèmes. Ce fut aussi la création d’un “Foyer des Pauvres”, pour y recevoir les plus pauvres et les délaissés, qui y terminèrent leurs jours, ou les petites filles paralysées, démentes et aveugles, démunies de tout secours, ou aussi les vieilles dames devenues inhabiles, handicapées et aveugles, qui avaient besoin de toutes sortes d’aides pour vivre les derniers jours de leur vie sur terre.
Une autre préoccupation de la Mère et de ses Sœurs fut leur soin extrême pour les jeunes et l’union des familles. Enfin, elles recherchèrent l’unité des chrétiens, s’employant de toutes leurs forces à ce qu’il n’y eût qu’un seul troupeau et qu’un seul Pasteur.
Dès les dix premières années, la Congrégation fut présente en Bolivie, Argentine, Espagne et Uruguay. En Bolivie, elles furent à Cochabamba, La Paz, Potosí et Santa Cruz, répondant aux appels des situations locales. Au temps de la guerre entre Bolivie et Paraguay (1933), elles laissèrent leurs couvents pour soigner les blessés dans les “hôpitaux de sang” ; puis elles s’occupèrent des orphelins de guerre, qu’elles considéraient comme les membres de leur propre famille.
Au milieu de tant de signes providentiels et malgré cette rapide expansion de l’Institut, il faut signaler ici les attaques injustes que subirent les Religieuses. Dès 1932 furent publiés des articles contre Nazaria, dans la presse sectaire et anticléricale ; il y eut un procès ecclésiastique contre Nazaria fomenté par une de ses filles : soudoyée par des prêtres, Rebeca accusait Nazaria de lui avoir ravi la charge de Fondatrice. On demanda même la tête de Nazaria : la maison de Orura fut prise d’assaut, on traîna Nazaria devant le juge. Mais sur le témoignage fidèle des autres religieuses, le jugement tomba en faveur de Nazaria. Après un court séjour au Pérou, elle revint à Oruro, où la population lui demanda pardon, sur invitation de l’évêque.
En 1939, Mère Nazaria revint en Espagne, pour continuer et compléter l’installation de maisons.
En 1942, malgré la guerre et malgré sa santé qui déclinait, elle alla à Buenos Aires pour le troisième Chapitre général. Ce fut son dernier grand voyage.
Elle entra à l’hôpital de Buenos Aires en mai 1943, où elle reçut le sacrement des malades en juin, et s’éteignit à ce monde le 6 juillet 1943, laissant grande réputation de sainteté. Ses restes furent transportés à la Maison Mère de Oruro (Bolivie), selon son désir, le 18 juin 1972.
Le 9 juin 1947 ce sera l’approbation définitive, avec l’appellation de Missionnaires Croisées de l’Eglise, quand Nazaria était déjà décédée depuis quelques années.
Elle a été béatifiée en 1992, canonisée en 2018, et on la fête le 6 juillet.
Lors de l’annonce de la béatification, le Nonce Apostolique disait : Je ne doute pas que ce premier fruit de sainteté en terre bolivienne n’ouvre la route à beaucoup d’autres âmes qui suivront l’exemple de Mère Nazaria, véritable prophète de la nouvelle évangélisation.