Peter To Rot
1912-1945
La figure de ce Bienheureux est intimement liée à l’œuvre des Missionnaires du Sacré-Cœur, grâce auxquels on connaît beaucoup de détails sur lui.
Peter était le fils de Angelo To Puia, un chef local, et de Maria Ja Tumul. Des six enfants de ce couple, Peter était le troisième, après Joseph et Therese ; après lui vinrent Gabriel et deux autres petits frère et sœur, morts en bas âge.
Peter naquit à Rakunai, près de Rabaul, la capitale de la Nouvelle Bretagne, à l’est de la Papouasie-Nouvelle Guinée.
A sept ans, il est envoyé par son père à l’école, où il se révèle un écolier intelligent et capable. Ses professeurs ont remarqué que son programme quotidien comportait toujours la prière du matin et du soir.
Il s’occupait comme tous les enfants : il servait la messe, il pratiquait le sport, aidait aux tâches quotidiennes de la maison, savait participer aux farces et aux bêtises habituelles des jeunes. Ce qu’on voyait en lui, c’était qu’il se montrait leader au milieu des autres garçons. Mais tout en étant le fils du Chef, il n’était jamais arrogant ni autoritaire.
Le curé de la paroisse, fr.Laufer, était de l’idée de diriger Peter vers le sacerdoce. Le père de Peter estima que sa génération n’était pas encore assez mûre pour avoir un prêtre ; peut-être ses petits-enfants… Mais il consentit volontiers à ce que Peter devînt catéchiste. C’est ainsi que Peter alla fréquenter l’Ecole catéchistique de Taliligap, dirigée par les mêmes Pères Missionaires du Sacré-Cœur. C’était vers la fin de 1930.
Peter s’impliqua totalement à l’étude. Sa vie intérieure s’intensifia, par la participation quotidienne à la sainte Messe et la réception de l’Eucharistie, de fréquentes visites à l’église et une dévotion toujours plus grande envers le Saint Sacrement. A Taliligap aussi il montra ses talents d’entraîneur aussi bien dans la prière que dans les activités sportives et récréatives.
Vers 1934, le fr.Laufer fit valoir que Peter était activement désiré dans la paroisse, de sorte que le jeune homme revint chez lui et, à vingt-et-un ans, devint le plus jeune catéchiste. Il enseignait, mais aussi visitait les malades ; on put vérifier qu’il vivait ce qu’il enseignait : de tempérament égal, jamais de mauvaise humeur, calme, aimable.
Finalement, il épousa en 1936 Paula Ja Varpit. Ils avaient été camarades de classe. Ce fut un mariage heureux, chrétien ; Peter fut un époux exemplaire et l’on n’oublia jamais de prier matin et soir.
En 1937 mourut le papa de Peter. C’est en souvenir de lui qu’il appela son premier fils To Puia Andreas, né en 1939. : Peter en était très fier et Andreas passait beaucoup de temps avec son père, contrairement aux habitudes. Puis vint au monde leur fille Rufina.
En janvier 1942, les Japonais débarquèrent sur l’île. Les habitants n’avaient jamais vu d’avions. Les missionnaires furent tous envoyés comme prisonniers au camp de Vunapope. En serrant les mains de Peter, le fr.Laufer lui confia la paroisse : To Rot, lui dit-il, je laisse tout mon travail entre tes mains. Veille bien sur les paroissiens. Aide-les à ne pas oublier le Bon Dieu.
Peter était un peu effrayé de sa mission, mais il s’y donna de tout son cœur. Il visitait les malades, assistait les moribonds en les préparant à rencontrer Jésus, instruisait les enfants et les adultes, les exhortant tous à demeurer fidèles à l’enseignement de Jésus. A ceux qui avaient peur de la guerre, il les encourageait ainsi : Oui, tous nous avons peur ici. Mais Dieu notre Père est avec nous et veille sur nous. Nous devons prier et Lui demander de rester toujours avec nous.
Peter s’efforçait de réunir chaque jour les villageois pour la prière, mais avec l’intensification des bombardements, ils pensèrent qu’il était dangereux d’être tous rassemblés au même endroit, de sorte que Peter divisa la population en petits groupes, qui se réfugièrent dans des abris souterrains à l’abri des bombes. C’est ainsi que les habitants continuèrent fidèlement de prier dans ces abris et demeurèrent courageux et en paix devant le danger.
Au début, les Japonais ne firent pas attention à ces rassemblements de prière et à leur dévotion dominicale. Mais quand ils commencèrent à perdre la guerre, ils craignirent de voir la population se retourner contre eux, aussi interdirent-ils aux chefs et à la population de prier Dieu, de se réunir. Toute désobéissance serait punie d’emprisonnement.
Peter était l’un de ces chefs convoqués par les Japonais. De retour au village, il leur dit : Les Japonais ne peuvent pas nous empêcher d’aimer Dieu et d’obéir à Ses lois ! Nous devons tenir bon et ne pas leur céder ! C’est ainsi qu’il continua à prêcher, à réunir et à prier.
Une autre tentative japonaise était de permettre aux hommes de prendre une seconde femme. Ils pensaient ainsi être plus en faveur auprès de la population et en même temps pouvoir les contrôler davantage. Mais Peter rappela la loi de Dieu, alla reprocher leur chute à ceux qui avaient cédé, insistant sur la nécessité de respecter ce que dit l’Eglise sur le mariage : pour se marier, ils devaient se présenter à leur catéchiste, qui serait le témoin de leur union sacramentelle. Tout autre comportement était un péché devant Dieu. En maintes occasions, il pourvut à venir en aide aux femmes qui avaient été prises comme secondes épouses.
En un mot, Peter remplissait la fonction de Diacre.
Mais il y eut des lâchetés. Des jeunes gens travaillèrent comme espions au service des Japonais, et dénoncèrent Peter. On vint fouiller sa maison et celle de ses frères, Tatamai et Telo, on lui confisqua la Bible, le catéchisme, le livre de chants, ses notes et deux crucifix. Chez Tatamai on prit un imperméable ; chez Telo, un chéquier australien. Les trois frères furent arrêtés.
La police interrogea d’abord l’aîné, Tatamai. Quand celui-ci reconnut qu’il avait participé au culte à l’église, le chef le frappa à la tête avec une canne en bois, et le condamna à un mois de prison.
Vint le tour de Peter, qui fut interrogé sur les offices à l’église, sa position sur le mariage, son refus de la loi permissive japonaise pour la polygamie. Peter fut à son tour frappé à la tête, et piqué sur le torse tout autour du cœur, puis condamné à deux mois de prison.
Le plus jeune, Telo, fut accusé d’espionnage au service de l’Australie, à cause de son chéquier. On l’accrocha à un arbre et on le frappa jusqu’à lui faire perdre connaissance.
Les jours suivants, Tatamai et Peter furent envoyés aux travaux forcés, Telo avait été frappé beaucoup trop violemment pour qu’on pût l’envoyer travailler. Telo fut même relâché deux semaines après, à cause de son mauvais état de santé, Tatamai fut relâché après un mois, mais Peter resta en prison. Quand le chef du village demanda aux autorités pourquoi il restait en prison, on lui répondit que c’était un mauvais sujet, qu’il ne permettait pas qu’on eût deux épouses et qu’il réunissait les gens pour prier.
Peter put recevoir chaque jour la visite de ses parents et amis, qui lui apportaient de la nourriture. Il les encourageait, et les rassurait en leur disant qu’il n’avait pas peur d’être en prison pour Dieu. Au chef, il dit : Je suis en prison à cause des adultères et à cause du culte à l’église. Très bien, je suis prêt à mourir. Mais vous, vous devez veiller sur les gens. A un autre ami, Peter dit : Si Dieu le veut, je serai tué pour la foi. Je suis un enfant de l'Eglise, et c’est pourquoi je mourrai pour l’Eglise.
Un jour, il demanda à son épouse de lui apporter de quoi se raser, un “laplap” blanc (une large étoffe pour se couvrir les reins), son chapelet et sa croix de catéchiste, qu’elle lui apporta le lendemain, vendredi 6 juillet, avec un peu de nourriture. Elle venait avec Andreas et Rufina, qui avaient six et trois ans, étant elle-même enceinte de son troisième enfant. Quand Paula remarqua qu’il ne mangeait pas beaucoup, elle en fut angoissée, mais Peter la calma et lui dit que son devoir était de mourir pour son peuple et pour le Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ils restèrent un long moment ensemble, puis Peter la pria de vite partir à la maison avec les enfants.
Quand sa mère vint ensuite lui rendre visite, Peter lui dit que la police avait fait venir un médecin japonais pour lui administrer un médicament : or il n’était pas malade, il n’avait qu’un léger rhume et pensait qu’on lui avait menti. L’après-midi, il se lava, se rasa, vêtit son laplap tout neuf, et se mit devant la porte de sa prison, en priant.
A sept heures du soir, tous les prisonniers sauf Peter furent emmenés dans une ferme proche pour une soirée, chose étonnante qui n’était jamais arrivée auparavant. A dix heures du soir, les Japonais les remmenèrent pour aller se coucher. Là aussi, il était inhabituel de ne pas être dans la prison avant la nuit.
Comme la surveillance était assez lâche, trois des prisonniers réussirent à ramper dans l’obscurité pour regagner la prison ; ils trouvèrent Peter mort devant la porte de la prison.
Peter était sur le dos, un bras plié sous la tête, une jambe pliée sous l’autre, le corps encore chaud. Il avait des tampons de coton aux narines et aux oreilles, une trace rouge au cou, un morceau de tissu autour de la tête et le trou d’une petite piqûre de seringue en-haut du bras gauche. Ils comprirent qu’il avait été assassiné, mais craignant pour leur propre vie, ils se cachèrent et ne dirent rien.
Le lendemain matin, Peter manquait à l’appel et le chef l’envoya chercher. La police feignit d’être surprise à la constatation de la mort de Peter et prétendit qu’il devait être très malade pour mourir ainsi. Puis on appela le chef du village et les parents de Peter pour venir prendre le corps.
Les villageois vinrent chercher le corps de leur catéchiste. Quand ils le lavèrent, ils virent une sorte d’écume malodorante sortir des oreilles, des narines et de la bouche. En enlevant le morceau de tissus qui enveloppait la tête, ils trouvèrent deux plaies qui saignaient derrière la tête. La gorge était aplatie en son centre et gonflée, comme frappée à coup de matraque. Personne ne crut à la version de la mort par maladie.
Peter fut enseveli comme un chef, dans le nouveau cimetière de l’église, là où il avait exercé son ministère. Malgré l’affluence de la foule, les funérailles se firent en silence, par crainte des Japonais.
Dès lors Peter fut vénéré comme Martyr. Il avait trente-trois ans, comme Notre-Seigneur.
Peter To Rot est le premier Martyr de Papouasie Nouvelle Guinée. Il a été béatifié par Jean-Paul II à Port Moresby-même, durant son voyage apostolique, le 17 janvier 1995.
Peter est commémoré au Martyrologe le 7 juillet.