Jean-Baptiste Précurseur
1er siècle
Le dernier des Prophètes de l’Ancien Testament, qui eut la joie de rencontrer Celui qu’on attendait depuis des siècles, Jean le Baptiste et Précurseur du Seigneur, nous est connu par quelques indications de l’Evangile, surtout celui de Luc (Lc 1 ; 3), un peu aussi celui de Matthieu (Mt 3), et quelques versets de Marc (Mc 1:1-9) et de Jean (Jn 1:19-28).
Som nom de Baptiste rappelle traditionnellement qu’il baptisait les foules, en leur demandant de faire pénitence pour préparer les voies du Seigneur.
Les Orientaux en revanche lui donnent le titre de Prodromos, “celui qui court en avant”, traduit en latin par Précursor, Précurseur.
Le père de Jean-Baptiste était donc Zacharie, un prêtre de la descendance d’Aaron. Comme il y avait vingt-quatre classes de prêtres, chaque classe ne servait guère plus de deux fois par an (1 Ch 24:19 ; 2Ch 23:8). C’est par le sort que les prêtres se distribuaient entre eux les diverses fonctions du sacerdoce. Une des plus importantes était l’offrande de l’encens deux fois par jour, le matin à la pointe du jour et le soir à trois heures (Ex 30:6-8). Ce jour-là, le sort désigna Zacharie pour brûler l’encens : c’était très probablement la première fois de sa vie que cet honneur lui incombait.
L’ange qui apparaît à Zacharie lui dit que sa prière a été exaucée. Selon Augustin, Zacharie priait, bien plus que pour avoir un fils, pour la venue du Messie, le grand désir de toute la nation. Or le venue du Messie, dans le plan de Dieu, devait arriver par la naissance du Précurseur.
Zacharie, par son doute, perd l’usage de la parole. Peut-être subit-il un choc émotionnel, bien compréhensible, à l’annonce de sa prochaine paternité, mais ce choc devait perdurer jusqu’à la naissance de l’enfant, lui dit l’Ange, parce qu’il n’a pas reçu l’annonce avec toute l’ouverture de son cœur.
La stérilité était traditionnellement considérée comme un déshonneur, et même comme un châtiment (Gn 30:23 ; 1S 1:5-8 ; 2 S 6:23 ; Os 9:11). En outre Elisabeth était maintenant trop âgée pour avoir un fils. Mais Dieu voulait se servir de tous ces événements comme signes : le mutisme de Zacharie, la vieillesse des conjoints symbolisaient la stérilité du Vieux Testament, de l’Ancienne Alliance.
Zacharie revient donc chez lui après son service au temple. D’après la tradition, il habitait à quelques kilomètres de Jérusalem, à Aïn Karim. Elisabeth a donc la joie d’attendre un enfant. Au sixième mois a lieu l’épisode de l’Annonciation à Marie, à qui l’Ange annonce aussi qu’Elisabeth en est à son sixième mois, car rien n’est impossible à Dieu.
La parenté entre Elisabeth, membre de la tribu de Lévi, et Marie, membre de la tribu de Juda, s’explique facilement par le mariage d’un ancêtre de Marie avec un ascendant d’Elisabeth. On ignore d’ailleurs la nature et le degré de cette parenté, qui fait de Jean un cousin plus ou moins éloigné de Jésus.
Après la naissance merveilleuse de Jean, Luc dit que l’enfant demeurait dans les déserts jusqu’aux jours de sa manifestation à Israël. On ne sait pas quel âge avait Jean. Remarquons que, n’ayant que six mois de plus que Jésus, il tombait directement sous la menace d’Hérode qui ferait massacrer tous les enfants de deux ans et en-dessous, dans le but d’éliminer son “rival”, Jésus qui vient de naître. On peut donc supposer très logiquement que ses parents l’aient protégé du danger en le cachant dans quelque cabane isolée du proche désert. Quant à Jean, qui avait déjà reçu avant sa naissance une réelle maturité intellectuelle (puisqu’il tressaillit en présence de Marie enceinte de Jésus), il devait déjà savoir se débrouiller seul dans la solitude, mangeant ce qu’il trouvait, des sauterelles et du miel sauvage, dit Matthieu, qui n’exclut pas pour autant quelques visites prudentes et furtives des pieux parents à leur petit garçon.
On ne sait rien de plus, “officiellement”, des parents de Jean-Baptiste. Le Précurseur du Seigneur, jeune anachorète, devait bénéficier d’une protection divine certaine. Mystérieusement, sa nourriture et son vêtement sont ceux du prophète Elie, dont on attendait le retour en Israël.
Quand Jean commence son ministère, peu avant la vie publique de Jésus, il invite les populations à la conversion de cœur, à ne rien exiger en plus de ce qui est prescrit, et aux soldats à ne pas dénoncer faussement et de se contenter de leur solde (!).
Surtout Jean montre une humilité, une discrétion vraiment extraordinaires. Si sa prédication a un grand succès, il rappelle avec insistance qu’il n’est pas Celui qu’on attend, qu’il n’est pas même digne de délier la courroie de sa chaussure. Et même quand il sera en présence du Christ - quelle émotion pouvait susciter cette rencontre physique, plus réelle encore qu’au moment de la Visitation - , c’est lui qui obéira au Christ pour lui verser l’eau du baptême, et qui peu après dira tout simplement à ses disciples : Voici l’Agneau de Dieu.
Jean ne pensait pas devoir baptiser le Sauveur ; mais Jésus tenait à en recevoir le baptême pour purifier lui-aussi cette nature humaine qu’il avait prise des hommes.
Le ministère de Jean s’effacera peu à peu, jusqu’à son emprisonnement par Hérode, à qui il reprochait d’avoir épousé sa belle-sœur.
De sa prison, Jean fait questionner Jésus et lui fait demander : Es-tu celui qui doit venir ? Avait-il encore un doute ? Non, mais il voulait que ses interlocuteurs entendissent d’eux-mêmes la réponse de Jésus : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés, autant de “signes” où il fallait entendre la guérison intérieure des pécheurs, désormais purifiés, pardonnés, ouverts à la Lumière, à la Vérité, à la Vie.
Peu de temps après, Jean devait être martyrisé par la décapitation. Cet épisode triste et glorieux sera l’occasion d’une autre notice, le 29 août prochain. Jean Baptiste est en effet le seul Saint, après Marie, dont notre calendrier liturgique relate et la naissance et la mort.
En ce 24 juin, six mois avant la naissance de Jésus, nous fêtons donc la naissance du Précurseur du Seigneur. Cette date est traditionnellement l’occasion des fêtes de la “Saint-Jean d’été”, par opposition à la fête de la “Saint-Jean d’hiver” (27 décembre, saint Jean l’Evangéliste).
La cathédrale du pape à Rome, Saint Jean de Latran, est dédiée à saint Jean-Baptiste depuis le Ve siècle.
Signalons encore ici un texte poétique relatif à la naissance de Jean-Baptiste. Les moines du Moyen-Age eurent coutume d’invoquer le Saint avant d’aller chanter les louanges divines, le priant d’ouvrir leurs lèvres (et leur cœur), comme il avait redonné la parole à son père Zacharie. C’est l’origine de l’hymne Ut queant laxis, qui remonte à Paul Diacre († 799) et dont s’est ensuite inspiré Guido d’Arezzo pour donner aux notes musicales leur nom traditionnel : Ut - Ré - Mi - Fa - Sol - La - Si. Voici le texte de cette première strophe de l’Hymne, qu’on chante toujours aux vêpres de la fête de ce jour :
Ut queant laxis Resonare fibris Pour que (tes) serviteurs puissent exalter à pleine voix
Mira gestorum Famuli tuorum, les merveilles de tes actes,
Solve polluti Labii reatum, lave la faute d’une lèvre souillée,
Sancte Ioannes. ô saint Jean.
Le reste de l’Hymne fait allusion au mutisme de Zacharie, à sa guérison, au nom de Jean, à la Visitation de Marie à Elisabeth.
Un autre fait remarquable, d'ordre architectural celui-là, concerne la célèbre basilique de Vézelay. Le jour de la fête de saint Jean-Baptiste, le 24 juin à midi, s'il fait soleil, la lumière projetée par les différents vitraux côté Sud, est parfaitement alignée le long de l'allée centrale de la nef. On en trouvera une photographie dans quelque livre consacré aux sanctuaires de France.