Dédicace de la basilique du Latran
En ce 9 novembre, nous célébrons une fête à la fois très importante et très méconnue : la Dédicace de la Basilique romaine Saint-Jean-de-Latran. Cette fête est même suffisamment importante pour qu’elle remplace la célébration du dimanche, en cas de coïncidence des deux dates (c’est le cas en 2014, et le sera en 2025, 2031, 2036, 2042…)
Le “Latran” doit son nom à la famille des Laterani, qui avait sa propriété dans la zone sud-est de Rome ; devenue propriété de l’empereur Constantin au 4e siècle, elle fut donnée aux papes, qui y résidèrent en effet pendant dix siècles, jusqu’à la “papauté en Avignon” ; une première basilique y fut alors construite, plusieurs fois reconstruite, qui s’appela Archibasilique du Saint Sauveur, puis fut dédiée aussi à Saint Jean-Baptiste, le Précurseur et Cousin de Jésus-Christ, tant il est vrai que le Pape, successeur de saint Pierre, doit préparer les âmes à recevoir le Christ, comme le fit Jean-Baptiste.
Cette basilique fut donc la cathédrale du Pape, qui est l’Evêque de Rome. Dès son élection le Pape “prend possession” de cette basilique ; il y célèbre chaque année la Messe du Jeudi Saint, au cours de laquelle il lave les pieds à douze personnes, soit prêtres, soit laïcs, comme le fit Jésus au cours de la Dernière Cène. Signalons aussi qu’au-dessus de l’autel de la chapelle du Saint-Sacrement, est conservée la Table de la Dernière Cène, cette Table-même où Jésus institua l’Eucharistie.
Siège de l’Evêque de Rome, la basilique de Saint-Jean-de-Latran est donc en même temps la “Mère et Maîtresse de toutes les Eglises”.
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Dans la première lecture, Ezéchiel raconte une vision : les termes précis qu’il utilise ont une signification spirituelle et mystique.
Cette Eau qui jaillit dessous le Temple, ne signifie pas que le Temple est construit sur un sable mouvant ; c’est l’Eau de la Vie, l’Eau des Sacrements, du Baptême, de l’Enseignement divin.
Se souvenant mal de ce récit, l’auteur du Coran a glosé en décrivant la récompense des Justes comme des jardins sous lesquels couleront les ruisseaux, où, immortels, ils auront des épouses purifiées (sourate 3,13).
L’eau qui descendait du côté droit a été commentée comme ce jaillissement de sang et d’eau qui sortit du côté du Christ, quand le centurion lui ouvrit le côté avec sa lance (cf. Jn 19:34). On le sait, les Pères de l’Eglise ont vu dans cette eau et ce sang l’allusion au Baptême et à l’Eucharistie.
L’abondance permanente des poissons et des fruits de ce Temple, évoque la richesse de la Grâce divine. En particulier on retiendra le nom mystique du Poisson, qui symbolisa le Christ : d’une part, parce que les lettres du mot grec (ichthus) signifient : Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur ; d’autre part aussi parce que le poisson, même blessé ou amputé d’une partie de son corps, se reconstitue, conservant la Vie. Et le Christ, même mort physiquement, continue de nous donner la Vie par son Corps eucharistique.
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La version de la Bible de Jérusalem note que le psaume 45 est à chanter sur le hautbois, du moins avec un chalumeau tel qu’on en jouait au temps biblique.
Ce psaume oppose les eaux profondes agitées, et celles d’un fleuve calme et majestueux qui borde la Cité de Dieu.
Par cette image qui correspond à la cosmogonie ancienne, on imagine la terre ébranlée sur ses supports par une tempête dévastatrice, tandis que la Cité de Dieu reste stable et tranquille. Traditionnellement, les commentateurs y ont reconnu les agitations du monde et de la société, qui ne pourront jamais ébranler les fondements éternels de l’Eglise.
Cette confiance au Roc de l’Eglise doit nous aider à surmonter nos épreuves, par la certitude que, même dans la plus grave catastrophe, Dieu est là avec sa grâce et ne nous laisse jamais démunis.
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Saint Paul reprend l’image de cette construction sainte. Il nous fait remarquer que les pierres de cette construction, c’est nous mêmes !
L’Eglise est une immense famille ; une construction doit sa beauté à la qualité de chacune des pierres qui la forment, et l’Eglise est d’autant plus belle que chacun de ses membres se montre tel que Dieu le désire.
Plus je rechercherai la perfection, plus l’Eglise sera resplendissante.
Quand saint Paul affirme qu’il a posé les fondations, ce n’est pas vanité de sa part : tout son enseignement repose sur la Résurrection du Christ et l’amour fraternel. Après, c’est à chacun de prendre garde à la façon dont il construit.
Nous sommes tous appelés à être d’authentiques temples, ce que s.Pierre appelle dans son épître des pierres vivantes (1P 2:4-5), formant l’unique Temple sacré, l’Eglise éternelle.
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Jésus se rendit souvent dans le Temple de Jérusalem, la première fois à douze ans (cf. Lc 2:41sq). Au début de sa vie publique, il intervint sévèrement pour en faire retirer tout ce qui s’y vendait (cf. Jn 2:13sq). Bien sûr, les fidèles devaient bien se procurer ce qui était nécessaire aux sacrifices à offrir dans le Temple, mais peu à peu ce commerce s’était intallé à l’intérieur de la Maison Sainte, avec tout ce que cela pouvait comporter de conversations, marchandages, cris et disputes, et d’insanités malodorantes. Imaginons la Foire-Exposition de bestiaux à Versailles s’installer dans une de nos cathédrales !
Mais aux Juifs, Jésus précise que le vrai Temple de Dieu, c’est d’abord Lui-même, la Perfection humanisée, venu pour se faire Agneau et s’offrir en Sacrifice parfait. Et d’annoncer sa mort et sa resurrecction : Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.
Unie à ce Templs divin, l’Eglise, l’Epouse du Christ, est à son tour le temple de Dieu. Une telle “construction” sainte ne doit donc pas être profanée par n’importe quel marché à bestiaux, par n’importe quelle conversation, n’importe quelle conduite.
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Faire la “dédicace” d’une église nouvelle est une cérémonie grandiose : l’évêque vient consacrer cet édifice pour en faire la maison de Dieu, le Lieu où se rendront les appelés, les Chrétiens, qui forment l’Ecclesia (“Assemblée”), là où seront célébrés les Sacrements, où sera proclamé l’Enseignement du Christ.
La fête de la Dédicace, c’est donc tout cela : c’est Dieu parmi nous, Emmanuel, Celui qui s’est révélé à nous comme “la Voie, la Vérité et la Vie”. Que cette fête soit une action de grâce pour cette Annonciation quotidienne, pour cette présence divine parmi nous.
Mais qu’elle soit surtout l’occasion d’une réponse de notre part, d’une sanctification quotidienne ! Le bel édifice sacré de la présence de Dieu, ne doit pas laisser apparaître des pierres mal taillées !
C’est ce que veut dire la Prière du jour : Que le peuple ne cesse pas de progresser pour l’édification de la Jérusalem céleste, ou aussi celle après la Communion : Accorde-nous d’être le temple de ta grâce.