5e dimanche de Carême - B
Dans deux semaines nous célébrerons la Pâque du Seigneur, le passage de la mort à la vie, la Résurrection.
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Voici que Jérémie, sept siècles avant le Christ, nous annonce une Alliance nouvelle, une alliance vraiment heureuse, si tous connaîtront Dieu.
Certes, beaucoup d’hommes aujourd’hui ne connaissent pas Dieu, mais ce n’est pas au sens qu’ils n’en ont jamais entendu parler : partout et dans les coins les plus reculés, on peut rencontrer des signes de l’évangélisation, une croix, un sanctuaire, un cimetière, une tradition chrétienne. Il n’y a pas de régions de la planète qui n’ait pas reçu la visite de quelque missionnaire.
Mais il y a aussi beaucoup de «mauvaises habitudes» qui se sont mélangées au Christianisme authentique, et nombreux aussi sont ceux qui ont des doutes, à cause des mauvais exemples qu’ils reçoivent de certains Chrétiens. C’est pourquoi nous avons sans cesse besoin d’une nouvelle évangélisation, et d’une conversion intérieure chaque jour plus profonde.
S’il est vrai que, par son Sacrifice parfait, le Christ nous a obtenu d’avance le pardon total, il ne nous a pas empêchés de «demander» pardon pour nos fautes. Ce n’est pas un mystère que nous avons sans cesse des choses à nous reprocher, nous le sentons bien intérieurement, notre conscience nous en avertit spontanément, l’honnêteté nous oblige à le reconnaître. Et Dieu, qui est riche en miséricorde, est toujours là pour nous pardonner.
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Une des plus belles prières de repentir est ce magnifique psaume 50, dont nous relisons aujourd’hui plusieurs versets significatifs.
C’est d’abord la reconnaissance de la grande miséricorde de Dieu, à qui nous demandons de nous laver, de nous purifier.
C’est aussi la supplication à Dieu de créer en nous un cœur pur : le pardon de Dieu est comme une nouvelle création, on se sent re-naître, on a oublié la chute précédente, le péché d’avant, on s’est relevé, on est plein de vie pour reprendre la marche un moment interrompue : Dieu nous renouvelle, nous raffermit.
C’est ainsi une joie d’être sauvé, une joie si profonde, si exubérante, qu’on ne peut la conserver pour soi ; on veut la partager avec les amis, on est plein de zèle pour enseigner (les) chemins de Dieu ; non pas pour enseigner aux autres ce qu’ils savent déjà, comme on l’a lu dans Jérémie, mais pour donner aux autres l’exemple de notre conversion personnelle. Ainsi les égarés reviendront à Dieu.
Comment donc Jésus a-t-il pu prier avec ce psaume ? Comment lui, l’Agneau sans tache, l’Homme parfait, pouvait-il demander à Dieu son Père : Efface mon péché ?
C’est parce qu’il assumait sur lui tout le péché de chacun de nous, se présentant comme «Le» pécheur universel, s’offrant en Victime totale et parfaite pour expier à notre place.
Lui, plus que tout autre homme, pouvait dire : Aux pécheurs j’enseignerai tes chemins.
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N’allons donc pas dire maintenant ce que l’épître aux Hébreux ne dit pas.
Si Dieu pouvait sauver de la mort le Christ, le Christ n’a jamais demandé à Dieu de lui épargner le sacrifice de la Croix. Comme homme, il aurait pu le demander, mais c’est pour ce sacrifice total qu’il est né et qu’il a vécu, en vue de la Résurrection.
On dit parfois qu’à Gethsémani, le Christ a prié pour que cette coupe s’éloigne de (Lui). Le Christ a pu avoir cette pensée, cette angoisse humaine qui refuse la mort, mais surtout il considéra avec immense tristesse le nombre si grand d’hommes qui refuseraient la grâce de la conversion, malgré Son sacrifice.
Tout prêtre a un peu ce sentiment de désespoir, quand il constate la dureté de cœur de certaines personnes, l’obstination que mettent certains à refuser la grâce sacramentelle.
Ce qui redonne au prêtre force et persévérance, c’est la certitude que la grâce de Dieu pourra quand même toucher un jour le cœur du pécheur. C’est aussi pour cela que le Christ a été exaucé, parce que en Lui nous avons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce, qu’il nous a prodiguée (Eph 1:7-8).
L’obéissance de Jésus envers Son Père lui était naturelle, il ne l’a pas apprise au sens où il ne savait pas ce que c’était avant, encore moins au sens où il aurait même «désobéi», évidemment ; on se demanderait bien en quoi Jésus pouvait désobéir, lui qui n’était venu que pour faire (la) volonté de son Père (Ps 39:7). Jésus a éprouvé dans sa nature humaine l’obéissance qu’il devait à Marie et à Joseph, et surtout à Dieu le Père : Je dois être aux choses de mon Père (Lc 2:49).
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Dans l’évangile, nous voyons des «païens» grecs qui désirent voir Jésus. Eux, qui n’ont pas encore reçu le Message, ont besoin d’être évangélisés ; timides, ils s’adressent à Philippe, qui se réfère à André et l’accompagne auprès de Jésus. En témoin oculaire, l’évangéliste Jean nous parle de cette petite diplomatie un peu amusante pour montrer toute la véracité de la scène. Plus surprenante est la réponse de Jésus, qui semble n’avoir rien entendu et ne pas vouloir donner suite à la demande de ces braves Grecs. Mais nous allons voir que Jésus répond pleinement à leur désir, en parlant au plus profond de leur cœur.
Si Jésus s’était seulement montré à ces Grecs, ces derniers seraient repartis un peu comme lorsque nous nous contentons d’emporter une carte postale d’un sanctuaire. Jésus, qui voit leur cœur avide de Vérité, va leur faire comprendre que ce qu’ils doivent contempler, c’est le Sacrifice du Fils de l’Homme, en croix, parce que c’est pour cette heure qu’(il est) venu.
Au moment de le dire, Jésus s’émeut, on le comprend aisément : Je suis bouleversé, dit-il après qu’il a parlé du grain tombé en terre, qui doit mourir pour porter du fruit. C’est que Jésus est désormais à deux pas de Son Sacrifice suprême et de la Croix.
Jésus parle de Son Père ; les Grecs vont comprendre que Le Père et Jésus ne font qu’Un (cf. Jn 17:22-23) et Dieu va se manifester : Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. Glorifié, Jésus l’a été à son Baptême par Jean-Baptiste (cf. Mt 3:17) et au jour de la Transfiguration (cf. Mt 17:5). Jésus sera encore plus glorifié en sa Résurrection et, finalement, à l’Ascension.
Aussi, en quelques mots, le Seigneur montre aux Grecs le chemin à suivre. Lui qui a dit précédemment : Je suis la Voie, la Vérité et la Vie (Jn 14:6), leur montre la Croix, la Résurrection et l’Ascension.
Le Sacrifice de la Croix est présent dans l’Eucharistie, où Jésus nous donne comme nourriture ce Corps qui va être livré pour nous, comme il l’avait déjà dit précédemment : Ma Chair est vraiment une nourriture et mon Sang véritablement un breuvage (Jn 6:55, le “discours eucharistique”).
Le Sacrifice de la Croix serait incomplet sans la Résurrection ; c’est parce qu’il allait ressusciter que le Christ ajoute maintenant : Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes (une autre version dit : j’attirerai toutes choses à moi).
La Résurrection sera vraiment la victoire de la mission salvifique de Jésus-Christ, dont la dernière étape sur terre sera sa glorieuse Ascension.
C’est pourquoi l’Eglise rappelle, dans chacune des prières eucharistiques de la Messe, la passion, la résurection et l’ascension de Jésus-Christ notre Seigneur. C’est tout cela que Jésus fait comprendre à ces Grecs si avides de Le connaître.
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Mais à nous, qui n’étions pas présents à Gethsémani, ni au Calvaire, ni au Jardin de la Résurrection, ni sur la colline de l’Ascension, nous avons cette promesse du Maître : Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps (Mt 28:20). Dans l’Eucharistie, dans le Tabernacle de la Présence réelle, nous contemplons le Fils de Dieu incarné, humilié, crucifié et ressuscité.
Regarder la Croix, faire le signe de la Croix, participer à l’Eucharistie, c’est le chemin pour connaître Jésus, dans toute sa réalité humaine et sa puissance divine, Lui qui a donné sa vie par amour pour le monde (Prière du jour).