Avignonet (Martyrs d’)
1242
Le pape Grégoir IX avait désigné neuf prêtres et clercs pour prêcher la Vérité dans la région de Toulouse, infestée par l’hérésie albigeoise.
On a dit beaucoup de mal de l’Inquisition, à tort ou à raison. Les inquisiteurs n’avaient pas mission de «torturer», encore moins de faire mourir les hérétiques obstinés ; au pire, quand ces derniers refusaient encore d’abandonner leur erreur, même devant l’évidence des preuves apportées, ils étaient abandonnés au bras séculier, qui devait leur infliger une peine de prison, ou d’exil, et non les mettre à mort. Malheureusement l’Eglise s’en remit trop longtemps aux autorités civiles, qui firent trop de victimes (on en a dénombré un millier pendant tout le 13e siècle). Mais des recherches récentes ont constaté que la peine du feu fut moins fréquente qu’on a pu le croire.
Il faut mentionner que ces hérétiques n’en restaient pas aux idées, ils imposaient tout un style de vie à leurs disciples, qui se répercutait sur le quotidien et dégénérait en troubles sociaux.
D’autre part, en face de ces atrocités, il faut aussi rappeler qu’un certain nombre d’inquisiteurs furent sauvagement martyrisés par les hérétiques (voir la notice Pietro de Vérone).
Pour en revenir aux neuf inquisiteurs envoyés par le pape à Toulouse, il s’agissait de :
- trois dominicains : les deux prêtres Guillaume Arnaud et Bernard de Roquefort, auxquels s’ajouta un frère, peut-être pèlerin de passage, le frère Garsias d’Aure ;
- deux Frères mineurs : Etienne de Saint-Thibery et Raymond Carbonier ;
- un chanoine de Toulouse : Raymond de Cortisan, surnommé Escriban, chargé de rédiger les actes ;
- trois autres clercs : Bernard de Toulouse, Fortanier et Aymar ;
- un notaire : Pierre d’Arnaud ;
- le prieur-curé d’Avignonet, dont on ignore le nom, moine de Saint-Michel-de-la-Cluse en Piémont, dont l’église dépendait ; étant présent, il fut méchamment inclus dans le massacre des inquisiteurs.
En 1235, la population expulsa Guillaume Arnaud, puis tous les autres Dominicains. Ceux-ci ne se donnèrent pas pour vaincus et revinrent prêcher en 1236, sans obtenir beaucoup de conversions, ni l’appui des autorités, civiles ou religieuses.
En 1241, ils repartirent en mission et s’installèrent au château d’Avignonet, propriété du comte de Toulouse. Mais le sénéchal du comte de Toulouse était complice du complot ourdi contre les inquisiteurs.
La veille de l’Ascension, 29 mai 1242, les inquisiteurs y furent surpris par une quarantaine de sicaires à la solde de Pierre-Roger de Mirepoix, aidés par vingt-cinq hommes armés venant de Gaja, et tombèrent sous les coups d’épée, tandis qu’ils chantaient des versets du Te Deum.
Une chronique contemporaine rapporte plusieurs faits concomitants :
- la veille de ce massacre, une femme qui assistait à la messe vit le Crucifix s’animer, le bras droit ruisselant de sang, et lui adresser la parole : Va avertir le prieur qu’il place les reliques à cet endroit-là, lui montrant le côté gauche de l’autel.
- un frère de Bordeaux eut la vision d’un retable de crucifix, au pied duquel étaient peints trois frères tués par des hommes armés (il y a justement trois Dominicains parmi les onze Martyrs).
- une des victimes, Raymond Carbonier, vit en songe une couronne d’or, ornée de neuf gemmes, descendant du ciel sur la maison où logeaient les inquisiteurs, ce que Guillaume Arnaud interpréta comme l’annonce de leur assassinat prochain : Sachez que bientôt nous serons exterminés pour la foi de Jésus-Christ.
D’autres signes parurent au même moment, à Toulouse, dans les environs et jusqu’à Barcelone.
Rome condamna évidemment le comte de Toulouse et ses alliés, à l’origine du complot. Montségur, considérée comme le noyau hérétique, fut assiégée en 1243 et la population se rendit en 1244 : deux cents cathares furent brûlés.
Les nombreux miracles accomplis sur le tombeau des inquisiteurs les firent considérer comme martyrs par les Cardinaux et le pape lui-même dès 1243 et le Martyrologe les mentionne comme Bienheureux au 29 mai.