Krikor Narekatsi
950-1010
Krikor Narekatsi (ou aussi Grigor Naregatsi) naquit vers 945-951 dans le Vaspourakan des Artzrouni, une province arménienne au nord de l'Irak.
Il avait deux frères : Hovhannès (Jean), qui sera moine copiste également à Narek, et Sahak, pratiquement inconnu.
Très tôt la mère mourut et c'est le père, l'évêque Khosrov Andzévatsi (le Grand) qui se chargea de leur éducation. Cet évêque était déjà auteur d'importants ouvrages théologiques. Puis ce fut l'oncle de Grigor, Anania Narekatsi, abbé du monastère de Narek, qui poursuivit l'éducation de son neveu.
Grigor fut donc moine au monastère de Narek, fondé en 935, non loin du lac de Van, près de l'église d'Aghtamar.
Il fut ordonné prêtre en 977 et fut vardapet (c’est-à-dire docteur en théologie), puis enseignant. C’était un esprit encyclopédique, maître en musique, astronomie, géométrie, mathématiques, littérature et théologie.
Reconnu comme maître spirituel, il fut chargé de former les novices de son couvent et, chose délicate, de réformer les monastères voisins.
Il arriva justement que des moines, jaloux de son influence et de ses qualités, le dénoncèrent comme coupable d'hérésie. De par sa formation, Grigor pouvait être taxé de chalcédonisme, comme son père qui avait même été un temps excommunié par le Catholicos Ananias Ier de Moks. Mis à l'écart et rejeté dans l'ombre, Grégor montrera son orthodoxie : on lui rendra justice, à cause de son humilité.
Vers la fin de sa vie, ce grand mystique a écrit en langue arménienne classique un poème intitulé Livre des Lamentations, chef d'œuvre de la poésie arménienne médiévale. Ce maître de la discipline a, pour ce faire, tiré la langue arménienne classique de la liturgie pour lui donner, après l'avoir remodelée et sculptée, une autre forme et un autre sens, la poésie arménienne médiévale.
Gregor a rédigé un Commentaire sur le Cantique des Cantiques de Salomon, une Histoire de la croix d'Aparan, des odes célébrant la Vierge Marie, des chants et des panégyriques.
Il a introduit à cette époque le vers monorime dans la poésie arménienne. Son influence a marqué la littérature arménienne et se retrouve chez d'autres poètes. Son œuvre est l'un des sommets de la littérature universelle.
Il mourut vers 1003 ou 1010 et un mausolée lui fut consacré à Narek, malheureusement détruit à la suite du génocide arménien.
Il sera canonisé par l'Eglise arménienne.
Les Lamentations ont été mises en musique en 1985 par Alfred Schnittke, dans une traduction russe de Naum Grebnev.
Grégoire de Narek est un théologien, poète et philosophe. Il a été appelé le Docteur des Arméniens et sera proclamé Docteur de l’Eglise en 2015.
Ses élégies constituent actuellement le recueil majeur de prières de la liturgie arménienne.
Gregor est mentionné le 27 février au Martyrologe Romain.
Extrait du Livre des Lamentations, XXVI :
« J'ai été orgueilleux, moi, poudre vivante,
et fier, moi, argile parlante,
et hautain, moi, terreau vil.
Je me suis exalté, moi, cendre sordide ;
j'ai brandi le poing, moi, coupe fragile.
Je me suis accru plus qu'un roi ;
puis comme l'homme qu'on expulse
je me suis reclus à nouveau en moi.
J'ai reflété l'incendie de la fureur
moi, boue intelligente ;
ma présomption m'enfla comme étant immortel,
moi, de mort encloué comme les bêtes ;
j'ai étendu les bras vers la passion de vivre,
n'ai pas tourné ma face mais mon dos ;
l'esprit ailé je me ruais vers de noirs mystères ;
j'ai dégradé mon âme pure en flattant mon corps. »