06 JANVIER
I.
Epiphanie du Seigneur : visite des Rois Mages à Bethléem (Mt 2:1-18).
III.
Ste Macre, vierge martyre à Reims.
IV.
Ss Julien et Basilisse, époux égyptiens ; Julien fut martyrisé.
V.
S Nilammon, reclus à Gerres ; il mourut tandis qu’on l’emmenait pour le faire évêque malgré lui.
S Felix, évêque à Nantes pendant trente-trois ans, administrateur efficace.
VII.
S Pierre de Doroverne, moine romain, abbé près de Cantorbury, enterré à Boulogne-sur-Mer parce qu’il mourut dans un naufrage près de Ambleteuse.
X.
Ste Wiltrude, veuve, fondatrice et abbesse en Bavière.
XI.
B Frédéric, prévôt en l’abbaye Saint-Vaast à Arras.
XII.
S Erminold, abbé à Prüfening ; il mourut des suites d’un coup reçu par un moine mécontent de sa fermeté.
B Macaire l'Écossais, bénédictin écossais, venu à Würtzburg et élu abbé de Saint-Jacques.
XIII.
S Raimundo de Peñafort, dominicain catalan, chargé de grandes missions (les “Décrétales”, recueil des ordonnances papales) ; il fit solenniser davantage la fête de l’Annonciation ; il fit le voyage de l’île de Majorque à Barcelone sur son manteau en guise de barque : ce miracle valut la conversion du roi d’Aragon ; fêté le 7 janvier.
XIV.
Bse Gertrud van der Oosten, béguine à Delft, mystique.
S Pierre Thomas, carme français, nommé évêque et chargé de missions par le pape d’Avignon, mort à Famagosta ; il défendit l’Immaculée Conception de Marie.
S Andrea Corsini, carme, évêque à Fiesole, thaumaturge.
XVII.
S Juan de Ribera, vice-roi, évêque à Badajoz, puis à Valencia, dévôt de l’Eucharistie.
S Carlo de Sezze, convers franciscain à Naziano puis à Rome ; peu lettré, très savant, il était consulté par les cardinaux et le pape.
XX.
Bse Rita Lopes de Almeida (Amada de Jesus, 1848-1913), portugaise fondatrice de l’Institut des Sœurs de Jésus-Marie-Joseph, pour les petites filles pauvres et abandonnées, béatifiée en 2006.
Ste Rafaela Porras y Ayllón (Rafaela Mara du Sacré-Cœur, 1850-1925), fondatrice à Madrid des Ancelles du Sacré-Cœur, réparatrices.
S Alfred Bessette (André, 1845-1937), d’une famille canadienne de dix enfants, “thaumaturge de Montréal”, des Religieux de Sainte-Croix, béatifié en 1982, canonisé en 2010.
Julien et Basilisse
4e siècle
Il y a des incertitudes sur ce saint couple.
Ils seraient nés à Antioche de Syrie, où ils auraient aussi été martyrs, mais d’autres sources les font mourir à Antinoé en Egypte.
Julien avait de riches parents, très chrétiens. Sur leur conseil il épousa à dix-huit ans une jeune fille, Basilisse, avec laquelle il garda une entière virginité, préférant consacrer leur fortune au soin des pauvres et des malades.
Leur maison devint en quelque sorte un immense hôpital, et saint Julien fut appelé plus tard Hospitalier.
Ils souffrirent tous deux des persécutions, sous Dioclétien. Basilisse ne mourut pas martyre, mais Julien subit beaucoup de tortures, avant d’être décapité, un jour qui devrait être le 6 janvier (parfois déplacé au 9 janvier), peut-être en 304 (ou en 313), et à Antinoé en Egypte.
Le Martyrologe mentionne au 6 janvier les saints martyrs Julien et Basilisse.
Note. L’histoire de Julien a aussi été écrite différemment. Ayant été mystérieusement averti qu’il aurait tué ses parents, Julien serait parti très loin, mais fut retrouvé par ses parents qui le recherchaient ; ils se présentèrent à Basilisse avant le retour de Julien, lequel, découvrant deux personnes dans son lit, crut y voir la trahison de son épouse et les décapita ; Basilisse lui ayant expliqué qu’elle avait donné à ses parents leur unique lit pour se reposer du voyage, Julien s’enfuit expier sa faute involontaire dans la solitude de la forêt. Cette histoire effrayante racontée par Giacomo de Voragine, rappelle assez le mythe d’Œdipe.
Felix de Nantes
† 582
D’après le témoignage de s.Venantius Fortunat (v. 14 décembre), Felix était d’une illustre famille d’Aquitaine.
Après une éducation soignée, Felix devint un orateur éloquent, doublé d’un homme adroit dans l’administration temporelle.
Vers 548 ou même dès 541, date de la mort de son prédécesseur, il fut choisi pour être le seizième évêque de Nantes.
En 548 justement, il porta à son achèvement la cathédrale de Nantes, qu’il consacra le 30 septembre 548, devant un grand nombre d’évêques.
Il assista à plusieurs conciles, notamment à Tours et Paris (567 et 573).
On le vit intervenir efficacement à plusieurs reprises auprès des Bretons soit pour sauver le frère du comte de Vannes, soit pour mettre fin à leurs ravages autour de Nantes (579).
En outre il fit faire d’importants travaux, sur ou le long de la Loire.
Il mourut le 6 janvier 582. Il aurait voulu désigner pour successeur son neveu, Burgondius, que Grégoire de Tours (v. 17 novembre) écarta, le trouvant trop jeune et lui préférant un certain Nonnecchius.
Saint Felix de Nantes est commémoré le 6 janvier dans le Martyrologe Romain.
Macaire l’Ecossais
† 1153
Macaire était «Scot» d’origine, écossais ou irlandais (les documents d’époque ne font pas la distinction).
Il se trouvait au monastère bénédictin «écossais» Saint-Jacques de Ratisbonne (Bavière) lorsque l’évêque de Würzburg demanda à cette abbaye d’envoyer à Würzburg une partie de ses moines pour fonder une nouvelle abbaye, également dédiée à saint Jacques.
C’est ainsi que Macaire devint abbé à Würzburg, de 1134 à 1153.
On sait qu’il fit le voyage de Rome en 1146, d’où il rapporta des reliques et des indulgences.
Le bienheureux Macaire est mentionné le 6 janvier au Martyrologe.
Raimundo de Peñafort
1175-1275
Ce Catalan s’appellerait plutôt Ramón de Penyafort dans sa langue maternelle. Il naquit au château de Peñafort, à Vilafranca del Penedés (Barcelone) en 1175.
Il est dit de lui qu’il montra dès l’enfance la sagesse d’un vieillard, fuyant les plaisirs, s’attachant à l’étude, et s’appliquant à une vertu d’obéissance scrupuleuse.
A vingt ans, il enseignait déjà la philosophie à Barcelone. Il partit à Bologne (Italie) pour se diplômer en droits civil et ecclésiastique. Il y resta trois ans comme professeur de droit.
Satisfaits de sa générosité, les Bolonais lui offrirent une bonne compensation financière, qu’il accepta seulement pour la redistribuer aux pauvres.
En 1219, son évêque le rappela à Barcelone, où il le nomma chanoine de la cathédrale, archidiacre, grand vicaire et official. Ces charges procuraient à Raimundo des revenus, qu’il partageait avec les pauvres.
Il fit solenniser la fête de l’Annonciation.
En 1222, il fut admis dans le tout nouveau couvent dominicain de Barcelone. Etre novice à plus de quarante ans impose de singuliers sacrifices sur soi-même : on ne trouva pas de novice plus humble et plus docile que lui.
Il demanda à recevoir une pénitence pour toutes les fautes qu’il avait accumulées avant d’être dominicain : on lui imposa d’écrire une Somme des cas de conscience à l’usage des confesseurs ; ce fut la première œuvre du genre.
On le chargea ensuite d’aller prêcher la croisade contre les Maures, en préparation de la venue du légat papal ; son succès lui valut d’être appelé auprès du pape Grégoire IX, qui le prit comme confesseur. Raimundo fut alors chargé de compiler les Décrétales, c’est-à-dire de mettre en ordre toutes les décisions disciplinaires des papes.
Le pape voulut le faire archevêque de Tarragona (Espagne), et Raimundo n’échappa à cette nomination qu’en désignant un autre candidat.
Epuisé par son travail, Raimundo tomba malada et dut rentrer dans son pays. Il réintégra son couvent, donnant sans cesse l’exemple d’un religieux soumis, pieux, discret. Chaque nuit, il se flagellait ; chaque jour, il se confessait avant de célébrer la Messe.
En 1238, il fut élu supérieur général de l’Ordre dominicain, charge qu’il n’accepta que parce qu’il y voyait l’expression de la volonté divine. Durant deux années, il visita à pied toutes les provinces puis, en 1240, il convoca un chapitre à Bologne et se démit de sa charge.
Le roi d’Aragon l’appela pour reconvertir la population, trop marquée par tant de siècles d’occupation musulmane. Raimundo invita Tommaso d’Aquino (v. 7 mars) à rédiger un ouvrage d’arguments en faveur du catholicisme. Ainsi parut la Somme contre les Gentils.
Raimundo fut aussi sincère que fidèle au roi : quand ce dernier tomba dans le vice, il lui en fit de solennelles remontrances mais, devant l’obstination du roi, il quitta l’île de Majorque où se trouvait alors le roi. Ne trouvant pas de bateau (car le roi avait interdit à quiconque de lui offrir le voyage), Raimundo étendit son manteau sur l’eau, y planta son bâton, releva un pan du tissu en forme de voile, et le vent, avec l’Esprit Saint, firent le reste : il accosta en Espagne très rapidement. Raimundo ramassa alors son manteau, demeuré aussi sec que d’habitude, et gagna le couvent. A la suite de ce prodige, le roi se convertit enfin.
C’est par référence à ce miracle que les véliplanchistes invoquent aujourd’hui saint Raimundo.
Raimundo acheva sa vie dans cette sainte maison de Barcelone, en 1275, le 6 janvier, jour de l’Epiphanie. Si les dates sont exactes, il avait presque cent ans.
Les très nombreux prodiges, vérifiés avant et après la mort de Raimundo de Peñafort, n’aboutirent que lentement à sa canonisation, en 1601.
Le Martyrologe le mentionne au 6 janvier, tandis que sa fête liturgique a été fixée au 7 janvier.
Gertrud van der Oosten
? - 1358
Gertrud n’était pas «de l’Est», comme le laisse entendre le titre ci-dessus. Elle naquit de parents pauvres à Voorburch (Hollande).
Elle aimait chanter (ou aurait même composé) une chanson commençant par Het daghet in den Oosten (La lumière s’est levée à l’Est), cette lumière étant pour elle le Verbe divin incarné, nommé parfois Orient. De là lui est venu ce nom de van der Oosten.
Gertrud eut un fiancé, qui l’abandonna, non sans lui causer quelque ressentiment, mais elle s’abandonna dans les mains de la Providence.
Elle dut très tôt travailler à Delft et c’est dans cette ville qu’elle eut une vie de béguinage avec deux compagnes.
Méditant assidûment la Passion de Notre-Seigneur, elle en reçut les stigmates, le Vendredi Saint de 1340. Tout le monde eut vite fait d’apprendre cet événement difficile à dissimuler, tant le sang coulait abondamment. Mais craignant la vanité qu’elle pourrait en concevoir, Gertrud pria Dieu de lui retirer cette faveur : le sang disparut, mais les marques des stigmates demeurèrent.
Gertrud eut d’autres dons : elle prophétisa, elle connaissait des événements lointains, elle lisait dans les consciences, ce qui lui permettait d’aider les âmes à se convertir.
Elle mourut le 6 janvier 1358, et n’a jamais été canonisée. Au jour anniversaire de ses stigmates (Vendredi Saint), on expose la croix devant laquelle elle se trouvait alors.
Le Martyrologe ne la mentionne pas.
Pierre Thomas
1305-1366
Né en 1305 dans le petit village languedocien de Sales, Pierre fut contraint, à cause de la pauvreté de ses parents, d’aller demander l’aumône à Montpellier pour pouvoir ainsi étudier.
Très doué pour l’étude, d’écolier il devint vite maître, et rejoignit Agen pour avancer dans la connaissance des arts libéraux. Il y rencontra les pères Carmes, qui l’invitèrent à enseigner les humanités dans leur collège de Lectoure. Il n’avait que vingt ans.
Puis ils l’admirent au noviciat de Condom ; Pierre fit la profession à vingt-deux ans et, après de bonnes études, fut ordonné prêtre. Déjà il brillait autant par sa science que par sa modestie.
Il faut noter ici sa profonde dévotion mariale. Il écrivit un ouvrage marial De purissima B.V.Mariæ conceptione libellus, dans lequel il affirme clairement l’immaculée conception de la Mère de Dieu. En échange, la Très Sainte Vierge lui apparut et lui promit qu’elle ne le délaisserait jamais. Un jour qu’il avait la voix si prise qu’il ne pouvait articuler un mot, il se tourna vers l’image de la Vierge et recouvra immédiatement la voix.
On l’envoya enseigner la philosophie et la théologie à Bordeaux, Albi, Agen, Cahors et Paris. Là, par obéissance il fut bachelier puis docteur en théologie en seulement trois ans, et enseigna aux jeunes de son ordre pendant plusieurs années.
En 1342, nommé procureur général de son Ordre, il alla résider en Avignon, où se trouvait alors le pape. On y apprécia son éloquence. Un jour qu’il avait prêché contre le luxe des dames, on vit celles-ci déposer à ses pieds tout leur or, les perles, colliers et autres bijoux précieux, tellement il avait été persuasif par ses exhortations à vivre l’évangile. Une autre fois, il obtint par sa parole et sa prière une pluie abondante pour remédier à une longue sécheresse. En dehors de ses obligations et des prédications, il n’omettait jamais l’office avec les confrères et célébrait chaque matin la sainte Messe dans laquelle, disait-il, il trouvait beaucoup plus de lumières que dans ses études précédentes.
Bientôt, il fut légat pontifical à Gênes (1353), pour négocier un rapprochement avec Venise ; puis nonce à Naples, ainsi qu’auprès de l’empereur Karl IV, couronné roi d’Italie à Milan, puis en Serbie pour réconcilier des schismatiques avec le Saint-Siège.
En 1354, il fut nommé évêque, et comme tel continua sa vie diplomatique : légat pontifical et conciliateur entre Venise et la Hongrie, puis à Constantinople (1358), où il reçut la profession de foi de l’empereur Jean Paléologue.
Après l’heureuse conclusion de cette ambassade, Pierre Thomas fut nommé légat général et spécial du Saint-Siège pour toute la «Thrace», ce qui équivalait au patriarchat de Constantinople, Chypre, Crète, Smyrne, Athènes.
Pierre alla ensuite assister l’empereur dans une expédition contre les Turcs, qui fut brillante. En Chypre, il ramena à la foi romaine tout le clergé, évêques et prêtres ; en outre, il persuada le roi de Chypre de partir délivrer Jérusalem.
Le Vatican approuvait l’idée, qui ne fut mise à exécution qu’en 1365, sous la conduite de Pierre Thomas, nommé à présent archevêque. Mais avant de partir, Pierre fut chargé d’une mission de paix entre Milan et Bologne, qui réussit et après laquelle on chargea Pierre d’organiser la nouvelle université de Bologne. Puis, à défaut d’autre meilleure autorité, il fut nommé légat pontifical pour diriger l’expédition contre les Turcs. En plus de cela, le pape nomma Pierre Patriarche de Constantinople.
Pierre retrouva les troupes à Venise ; il y eut douze mille Croisés qui partirent pour Rhodes et, de là, à Alexandrie. Le légat commença par préparer les hommes de la troupe en les exhortant à changer de vie, à recevoir les sacrements. Le moment du combat venu, il ne portait pas les armes, mais la croix, au milieu des combattants et reçut plusieurs blessures qui occasionnèrent sa mort quelques mois plus tard. Alexandrie fut prise en une heure (4 octobre 1265), tant les habitants eurent peur de cette armada, mais les Croisés n’eurent pas le courage de mener leur attaque jusqu’au bout, de sorte que l’expédition se solda bientôt par un échec total.
Pierre Thomas, bien triste, se retira à Famagosta. Il s’arrêta au couvent des Carmes, célébra avec eux les fêtes de Noël, mais prit froid. Après quelques jours de forte fièvre, après s’être confessé et avoir reçu le sacrement des malades, il s’éteignit pendant le récit de la Passion, le 6 janvier 1366.
On peut rester étonné de voir un humble religieux recevoir tant de marques de dignité et surtout de se retrouver à la tête d’une armée entière et de la mener au combat. Il ne faut pas oublier que nous sommes au 14e siècle, dans des circonstances difficiles et bien différentes de notre époque ; on notera aussi que Pierre Thomas avançait d’abord et surtout avec la prière et, avant d’emmener ses hommes à l’assaut, commençait par utiliser les armes spirituelles pour déposer toute cette armée et l’expédition d’abord entre les mains de la Providence.
Les miracles qui se multiplièrent après sa mort attestèrent sa sainteté, qui fut reconnue en 1628.
Le fait qu’il soit mort des suites de ses blessures l’a fait parfois considérer comme martyr, quoiqu’il ne l’ait pas été à proprement parler. Le Martyrologe, effectivement, ne lui donne pas ce titre en le mentionnant, au 6 janvier.
Note. Il y a un autre Pierre Thomas, prêtre et martyr en 1794, v. 21 janvier.
Andrea Corsini
1302-1373
Issu de l'illustre famille des Corsini, ce Saint naquit à Florence le 30 novembre 1302, le jour de saint André, dont il reçut le nom. Ses pieux parents, Nicola et Pellegrina (Pèlerine) prièrent longtemps avant de recevoir cette bénédiction ; ils s’engagèrent à consacrer à Dieu cet unique enfant.
La veille de sa naissance, sa mère eut un songe, dans lequel il lui semblait mettre au monde un louveteau qui, entré dans l'église des Carmes, s'y transforma aussitôt en un agneau d'éclatante blancheur. Aussi cette pieuse mère eut-elle soin de vouer son enfant à la Très Sainte Vierge et de lui inspirer l'amour de la piété et de la vertu.
Malgré les exemples édifiants de ses parents et les sages instructions de ses précepteurs, Andrea, entraîné par les mauvaises compagnies dans toute espèce de désordres, ne tarda pas à vérifier la première partie du songe maternel. Nouvelle Monique, la pauvre mère n'avait d'autres ressources que ses larmes et ses prières.
Or un jour, Andrea, mû par un reste de tendresse, demanda à sa mère pourquoi elle pleurait ainsi : "Ah! mon fils, répondit-elle, je pleure sur le louveteau que j'ai mis au monde. Quand donc se changera-t-il en agneau ? Souviens-toi que tu appartiens à la Vierge Marie et que tu dois la servir."
Ces paroles, comme une flèche divine, pénétrèrent le cœur d'Andrea. Le lendemain il entra dans l'église des Carmes et, se prosternant devant l'image de Notre-Dame du Peuple : "Glorieuse Vierge Marie, dit-il, voici le loup dévorant qui vous prie de le rendre désormais un agneau docile ; il veut vous servir dans l'Ordre du Carmel." Aussitôt, il alla prier le supérieur du monastère de l'admettre dans son couvent. Il avait alors seize ans.
Dès le début de son noviciat, sa ferveur étonna les plus parfaits : l'esprit de la pénitence lui faisait accepter avec joie les offices les plus humbles. Il résista aux sollicitations d’un oncle qui le rappelait dans le monde. Ses passions un instant se révoltèrent, mais avec son énergie, l'amour de la prière et de la mortification, il les dompta si bien qu'il en demeura pour jamais vainqueur. Il fut un modèle d'obéissance, de ferveur et d'humilité.
Ordonné prêtre en 1328, il offrit à Dieu les prémices de son sacerdoce dans un petit couvent où il était inconnu et y célébra sa première Messe avec un recueillement et une dévotion extraordinaires. Aussitôt après la communion, la Très Sainte Vierge lui apparut, disant : "Tu es mon serviteur, je t'ai choisi, et je serai glorifiée par toi." Dans la suite Andrea ne voulut plus d'autre titre que celui de Serviteur de Marie.
Dieu donna à ses paroles une onction et une force merveilleuse pour convertir les pécheurs et le favorisa du don des miracles. Un de ses parents fut guéri par lui d'un mal de jambe qui lui rongeait les chairs, et il rendit la vue à un aveugle dans la ville d'Avignon où il terminait ses études près du cardinal Corsini, son oncle.
De retour dans sa patrie, élu prieur du couvent de Florence, il devint comme le second apôtre du pays. Dans son admiration pour Andrea, la ville de Fiesole le choisit pour évêque (1360). A cette nouvelle il prit la fuite et se cacha dans un couvent de Chartreux ; mais un mystérieux petit enfant de trois ans dévoila sa retraite, en même temps qu’il apparaissait à Andrea pour le rassurer.
Son élévation lui fit redoubler ses austérités. Au cilice il joignit une ceinture de fer. Il couchait sur des sarments de vigne étendus à terre. Chaque jour il récitait les sept psaumes de la pénitence et les Litanies des Saints, et se donnait une rude discipline. Sa charité pour les pauvres et surtout pour les pauvres honteux était inépuisable ; Dieu lui accorda un jour de multiplier le pain qu'il distribuait aux indigents.
Il réussit à reporter la paix dans Bologne, sur mission du pape Urbain V.
Il fit aussi rebâtir sa cathédrale qui tombait en ruine.
Pris d'un mal subit le jour de Noël, il reçut de la Vierge Marie l’annonce de son prochain dernier moment. Il mourut dans la soixante-douzième année de son âge et la treizième de son épiscopat, le 6 janvier 1373, après avoir répété le dernier verset du Nunc dimittis : Lumen ad revelationem gentium, et gloriam plebis tuæ Israel (Lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël).
Canonisé en 1629, Andrea est nommé au Martyrologe le 6 janvier.
Juan de Ribera
1532-1611
Le fils de Per Afán de Ribera (ou Rivera), duc d’Alcalá et marquis de Tarifa, vit le jour le 27 décembre 1532, et reçut le nom du Saint du jour, Jean l’Evangéliste.
Tout petit, il fut orphelin de mère. Son père fut successivement nommé vice-roi de Catalogne et de Naples.
Juan étudia à l’université de Salamanque et fut ordonné prêtre.
En 1562 déjà, il fut nommé évêque de Badajoz et, comme tel, s’efforça de rappeler à tous les diocésains la doctrine catholique, contre l’invasion des idées protestantes.
En 1568, il passa à l’archevêché de Valencia, avec le titre de patriarche d’Antioche, titres et missions qui lui permettaient d’affronter les multiples et difficiles problèmes liés à la présence musulmane. A cela s’ajouta sa nomination comme vice-roi de Valencia : désormais, Juan pouvait s’appuyer sur une double autorité, religieuse et civile.
Il joua un rôle important dans la décision du roi de repousser les Maures en 1609.
Pasteur zélé, imprégné de l’esprit du concile de Trente, il visita inlassablement les paroisses de son diocèse, relatant les faits dans une centaine de volumes manuscrits. Il célébra des synodes, fonda le Collège Royal du Corpus Christi pour préparer dignement les nouveaux prêtres. On l’appelait Le Patriarche ; le pape Pie V le surnomma Lumière de toute l’Espagne.
Il mourut à Valencia le 6 janvier 1611, jour de l’Epiphanie.
Béatifié en 1796, il fut canonisé en 1960.
Giancarlo Marchionne (Carlo da Sezze)
1613-1670
Le fils de Ruggero Marchionne et Antonia Maccioni, vit le jour le 22 octobre 1613, à Sezze (Latium, Italie C) et reçut au baptême le nom de Giancarlo (Jean-Charles). Il eu (au moins) une sœur, qui fut clarisse.
Un incident - qui reste mystérieux - le contraignit à cesser d’aller à l’école, et il travailla aux champs avec ses parents. A ses camarades, il parlait de Dieu, du Christ et des Saints.
Le jeune homme prononça dès 1630 le vœu de chasteté, en l’honneur de la Vierge Marie, et entra en 1635 chez les Frères Mineurs Réformés (une branche franciscaine qui fut réunie en 1897 aux Frères Mineurs), et prit le nom de Carlo de Sezze.
Le nouveau Frère eut les charges de cuisinier, de portier, de jardinier, de quêteur, dans les divers monastères où on l’envoya : Morlupo, Ponticelli, Palestrina, Carmineto, San Pietro in Montorio et San Francesco a Ripa (ces deux derniers à Rome). Mais aussi, alors qu’on le croyait quasi illettré, le Frère Carlo eut une très importante activité intellectuelle : il écrivit plusieurs ouvrages, partant de sa simple expérience personnelle (autobiographie) à des écrits de haute théologie mystique.
Durant une de ses extases devant le Saint-Sacrement, il reçut au cœur une «blessure» causée par un rayon venu de l’Hostie.
De hauts prélats vinrent le consulter, des papes l’appelèrent, ainsi que des membres de l’aristocratie romaine.
De son vivant déjà, il opéra des miracles, guérisons ou multiplication de nourriture.
Il mourut à Rome le 6 janvier 1670, jour de l’Epiphanie.
Il est dit que sa sœur clarisse, quant à elle, fut condamnée par le Saint-Office (l’actuelle Congrégation romaine pour la Doctrine de la Foi), mais on ne connaît pas les détails de ces faits. C’est cependant la raison pour laquelle le Frère Carlo ne fut béatifié qu’en 1882, et canonisé en 1959.
Saint Carlo est, avec saint Lidano (v. 2 juillet), le co-patron de Sezze.
Rita Lopes de Almeida
1848-1913
Rita naquit le 5 mars 1848 dans le petit village de Casalmendinho (Ribafeita, Viseu, Portugal), quatrième des cinq enfants de Manuel Lopes et de Josefa de Jesus Almeida.
Dans cette famille chrétienne, où l’on priait chaque soir le chapelet, Rita eut une dévotion spéciale pour la Sainte Famille, et un amour tout dévoué pour le Pape.
La politique portugaise de l’époque, inspirée des idées maçonniques, fit fermer les Ordres masculins, et interdire aux féminins de recruter.
Voyant les jeunes abandonnés à eux-mêmes, Rita sentit en elle une vocation missionnaire spéciale pour soustraire cette jeunesse à l’indifférentisme religieux, à l’immoralité, pour soutenir les valeurs de la famille et pour servir l’Eglise.
Elle parcourut les villages pour faire le catéchisme et prier le chapelet avec les gens. Elle aida ceux qu’elle put et même reçut à la maison des femmes nécessiteuses ou en danger. Cela n’alla pas sans heurts, et on attenta même à la vie de Rita.
Plusieurs fois on la demanda en mariage : refus. Son désir de se consacrer fut aussi contré par son père, qui l’aimait beaucoup et ne voulait pas s’en séparer. Mais à vingt-neuf ans, elle put entrer chez les Sœurs de la Charité à Porto, car cette congrégation, d’origine française et l’unique autorisée par l’Etat, s’occupait d’assistance sociale.
Mais Rita, voulant principalement s’occuper des petites filles pauvres, finit par obtenir de son confesseur la permission de quitter ce couvent.
Finalement à Ribafeita, elle put ouvrir en 1882 une maison pour un nouvel Institut des Sœurs de Jésus-Marie-Joseph, destiné à donner aux familles l’exemple de la Sainte Famille. Curieusement, c’est à la même époque qu’en Italie, Pietro Bonilli diffusait la dévotion à la Sainte Famille (v. 5 janvier).
En 1902 elle ouvrit aussi un collège. Dès cette date, elle prit le nom de Rita Amada (Aimée) de Jésus. Trois mots résument son idéal : Aimer, souffrir, se taire.
Les écoles se multiplièrent, les difficultés aussi : le gouvernement chercha à fermer ces établissements ; on manquait d’argent ; et même une de ses religieuses la contesta à l’intérieur. En 1910 la République se déchaînait encore plus contre le clergé, qu’en France : tout le clergé étranger fut expulsé, les biens de l’Eglise expropriés. Rita se déguisa en bohémienne et s’enfuit, avec ses petites filles.
La tourmente passée, Rita revint à Ribafeita, regroupa des enfants et quelques sœurs, tandis que d’autres émigraient au Brésil : c’est grâce à cette expatriation que l’Institut put survivre. En 1912 s’ouvrit une maison à Igarapava (Ribeiráo Preto) puis, grâce aux nombreuses vocations qui y vinrent, l’Institut aura sa Maison généralice à Saõ Paolo.
Rita Amada mourut un mois à peine après la première installation de ses Religieuses au Brésil. Elle quitta ce monde le 6 janvier 1913, à Casalmendinho, son village natal.
En 1934 on put enfin ériger une province religieuse au Portugal. Actuellement ces Religieuses sont présentes en Amérique du sud (Bolivie et Paraguay), en Afrique (Angola, Mozambique).
Rita Amada a été béatifiée en 2006.
Rafaela Porras y Ayllón
1850-1925
Il y eut treize naissances dans le noble foyer de Ildefonso Porras et Rafaela Ayllón. C’étaient de bons chrétiens, assez riches et le père était en plus maire du village, Pedro-Abad (Cordoue, Espagne) ; ce dernier mourut du choléra qu’il avait cherché à combattre courageusement, en 1854. La maman éleva courageusement les six enfants qui restaient, et s’éteignit à la tâche en 1869.
Rafaela, qui était née le 1er mars 1850, était la dixième de cette fratrie ; à quinze ans, elle fit le vœu de virginité ; elle et sa sœur aînée, Dolorès, tinrent la maison. Elles allaient être inséparables pendant plus de vingt ans.
Elles s’occupèrent d’action sociale dans leur bourg, puis pensèrent entrer en religion, l’une carmélite, l’autre vincentienne, mais firent une retraite chez les Clarisses pour réfléchir.
En 1875, elles entrèrent à Cordoue dans une congrégation de Réparatrices, d’origine anglaise, mais elles allèrent s’installer à Madrid dont l’évêque était plus favorable à la fondation.
A Madrid, Dieu permit un fait extraordinaire qui obtint aux Religieuses de conserver chez elles la Présence réelle : deux jours de suite, la sœur sacristine constata, après la messe, la présence de grandes particules d’hostie dans le corporal du prêtre.
(On appelle corporal la petite nappe qu’on ouvre sur l’autel pour y poser à la Messe le calice et la patène, contenant le Corps et le Sang du Christ).
En 1877, Rafaela prit le nom de Rafaela María du Sacré-Cœur, Dolores celui de María du Pilar, et elles prononcèrent leurs vœux ; la première fut chargée de la formation spiritelle des novices, l’autre de l’intendance. C’était peut-être trop séparer les responsabilités, et c’est ce qui causa le drame treize ans plus tard.
Pour le moment, le vent fut en poupe. Les Réparatrices du Sacré-Cœur s’engageaient à réparer par l’adoration les outrages commis contre le Saint-Sacrement, à chanter l’office du Sacré-Cœur, celui de la Vierge Marie le samedi, à pratiquer quelques mortifications par la discipline et le cilice, à enseigner gratuitement.
Les vocations se multiplièrent rapidement, des maisons s’ouvrirent : Jerez de la Frontera, Saragosse, Bilbao, La Coruña, Cadix, Rome enfin.
En 1886, on leur demanda cependant de modifier leur nom de Réparatrices pour celui d’Ancelles (Servantes) du Sacré-Cœur.
L’approbation romaine arriva en 1887.
C’est à partir de 1890 que María du Pilar commença à s’émanciper de sa sœur Supérieure, la traitant de demeurée à qui voulait bien l’entendre.
María démissionna en 1893, prétextant le mauvais état des finances et entraînant à sa suite quelques consœurs. Au chapitre, on l’élut Supérieure générale, tandis que Rafaela se recueillit comme une inconnue dans la maison de Rome, pour les trente dernières années de sa vie.
Le schisme dura dix ans. María fut déposée en 1903 et elle accepta de prendre sa place de simple religieuse ; elle mourut en 1916.
Rafaela, de son côté, continua de vivre dans la discrétion, assistant aux fondations en Espagne, en Angleterre, en Amérique.
Les novices ignoraient totalement qui était cette vieille Religieuse si gentille et si pieuse : elle passait des heures à genoux devant le Saint-Sacrement, ce qui lui provoqua des douleurs très vives.
Rafaela mourut le 6 janvier 1925, et c’est alors qu’on connut la vérité. Elle apparut effectivement comme l’humilité incarnée.
Elle fut béatifiée en 1952 et canonisée en 1977.
Alfred Bessette
1845-1937
Alfred était le neuvième des treize enfants de Isaac et Clothilde, humbles travailleurs non loin de Montréal (Québec, Canada). Le papa était menuisier, charpentier, tonnelier et charron.
Né le 9 août 1845, Alfred fut baptisé dès le lendemain «sous condition», car il était très frêle. Alfred perdra quatre de ses frères et sœurs et sera tôt orphelin de père et mère : à Farnham le papa mourut d’un accident dans la forêt en 1855, tué par l’arbre qu’il abattait, et la maman mourut de tuberculose en 1857. C’est la tante Rosalie qui l’hébergea pendant trois ans.
Déjà bien préparé par sa mère, qui lui avait enseigné la dévotion à la Sainte-Famille, Alfred put recevoir la Première communion en 1857 et la Confirmation en 1858, mais il resta pratiquement sans instruction, et savait à peine signer son nom.
Il essaya un peu tous les métiers, mais sa très mauvaise santé et sa petite taille (1m55) ne lui permettaient pas d’avenir. Quand ses oncle et tante décidèrent de partir chercher de l’or en Californie, Alfred fut recueilli par le maire du village. Il essaya encore d’autres métiers dans divers villages, pour se retrouver apprenti boulanger et cordonnier en 1862.
Cette vie errante et misérable s’accompagna toutefois de manifestations qu’on qualifia d’étranges : Alfred s’imposait de dures mortifications, se privant de son dessert, portant une ceinture de cuir avec des pointes de fer, restant longtemps à genoux pour prier, les bras en croix, dans sa chambre ou à l’église…
Accompagnant d’autres Canadiens émigrant aux Etats-Unis, il alla vivre de 1863 à 1867 au Connecticut, au Massachusetts, au Rhode Island : il apprit ainsi l’anglais, tout en travaillant dans des filatures de coton ou dans des fermes.
En 1867 fut proclamée la Confédération canadienne et Alfred revint dans son pays d’origine. Il vécut chez sa sœur Léocadie et son frère Claude, à Sutton, puis chez le curé de Farnham, où étaient enterrés ses parents. Curieusement, le curé lui confia des travaux difficiles : le soin du cheval, le jardin, les gros travaux dans la cure, qu’Alfred exécutait gentiment, sans rien dire.
Quand le curé fut muté, Alfred revint chez le maire et s’en vint trouver l’abbé Joseph André Provençal. Alfred avait alors vingt-trois ans : l’abbé Provençal remarqua son dévouement, sa piété et l’orienta vers la Congrégation de Sainte-Croix de Montréal.
Alfred se présenta à cette communauté en 1870, muni d’une lettre de recommandation de l’abbé Provençal, annonçant au maître des novices qu’il lui envoyait un saint.
En décembre, Alfred prit l’habit et choisit comme nom de religion André (en reconnaissance pour l’abbé André Provençal). On le connaîtra désormais sous le nom de Frère André.
Le noviciat se prolongea (trois ans), on hésita à garder ce jeune homme toujours malade ; finalement on l’accepta et le nouveau maître des novices déclara : Si ce jeune homme devient incapable de travailler, il saura au moins bien prier.
Frère André fit ses premiers vœux en 1872 et la profession perpétuelle en 1874.
Qu’allait faire ce cher Frère illettré ? Il fut d’abord portier, et le sera jusqu’en 1909 : lui-même ironisera plus tard en disant qu’à son entrée dans la communauté, on lui avait montré la porte. Il balayait, faisait les courses, donnait l’aumône aux pauvres, faisait le barbier et l’infirmier, portait le courrier, les colis, accompagnait les élèves pendant les promenades. En un mot : le factotum !
Sa joie était de pouvoir aider, et de prier autant que possible, seul ou avec ceux qu’il rencontrait. Cette prière allait bientôt produire des fruits étonnants.
En 1877, un Frère de la communauté fut guéri d’une blessure à la jambe ; un autre put aller jouer dehors alors que la fièvre le clouait au lit… C’était Frère André qui faisait des miracles ! Tous les éclopés et les malades du coin assaillirent le petit Frère qui guérit tous les maux. Quelle était donc sa recette ?
Quand il entra dans la communauté (1870), le pape venait de proclamer saint Joseph patron de l’Eglise universelle. Frère André eut une dévotion particulière envers saint Joseph. Il en distribuait une médaille à ceux qui sollicitaient des prières, recueillait un peu d’huile de la lampe qui brûlait devant sa statue et conseillait aux malades de s’en frictionner avec confiance. Les guérisons furent nombreuses.
Mais survinrent aussi les suspicions : on accusa Frère André de charlatanisme, la communauté lui demanda de ne plus recevoir à l’intérieur du collège. Qu’à cela ne tienne, il se mit à l’arrêt du tramway sur le bord de la rue, où se retrouvaient de très nombreux voyageurs, tant et si bien que même la Compagnie, qui ne voyait pas d’un bon œil ces rassemblements, fermera les yeux devant l’énorme affluence de clients : c’était plutôt une bonne affaire !
Frère André installa une belle statue de saint Joseph non loin du collège sur la colline du Mont Royal, et demandera la permission d’y construire un petit oratoire. L’évêque accepta à condition que les frais fussent pris en charge par les demandeurs. Le petit oratoire fut inauguré en 1904.
Les guérisons se multiplièrent encore. Le pauvre Frère André avait beau répéter que c’était l’œuvre du Bon Dieu, par l’intercession de saint Joseph, tous parlaient à l’envi du thaumaturge de Mont Royal.
De 1908 à 1912, le petit oratoire dut être agrandi à quatre reprises. Les autorités du collège, qui avaient prié André de recevoir dehors, assumèrent désormais l’administration de l’oratoire ; on déchargea le Frère André de sa fonction de portier du collège pour le faire gardien de l’oratoire ; on lui accorda même un secrétaire pour répondre au courrier qu’il recevait. Sans le vouloir, et plutôt à contre-cœur, Frère André était devenu quelqu’un d’important !
A partir de 1915, ses supérieurs l’autorisèrent à prendre un peu de repos deux fois par an ; il en profita pour aller revoir les siens au Canada, ou des amis. Mais il ne put jamais rester incognito : même les chefs de gare annonçaient son arrivée, les gens se pressaient à sa descente du train, aux hôtels ou presbytères où il descendait. Les journaux locaux relataient les miracles continuels. De retour à la maison, il était chargé d’offrandes reçues en reconnaissance des faveurs obtenues.
Peu à peu, les supérieurs furent gagnés à la cause de Frère André. Ils comprirent enfin que tout ce mouvement ne s’appuyait que sur l’humble et sincère dévotion du Frère à saint Joseph, à la Sainte-Famille, au Sacré-Cœur. Frère André racontait la passion du Christ avec des larmes, qui gagnaient ceux qui l’écoutaient. Il priait, il faisait prier.
Le petit oratoire devint une immense basilique. Une crypte pouvant contenir mille personnes fut construite en 1917, sur laquelle allait s’élever cette basilique.
Dès 1920 le Frère André institua chaque vendredi soir une Heure sainte, suivie du Chemin de la Croix. Les autorités religieuses invitèrent les fidèles à élever des prières de réparation ainsi que pour contrer la menace du socialisme et du communisme.
Fin 1936, il restait à construire la coupole de la basilique, qui ne sera achevée vraiment qu’en 1967. La basilique est l’une des plus grandes du monde.
En cette fin d’année 1936, le Frère André se trouva à New York, pour solliciter du riche banquier Rockefeller une aide financière à cet achèvement. Fin décembre, un malaise le frappa. On le conduisit à l’hôpital de Saint-Laurent.
Au matin du 6 janvier 1937, jour de l’Epiphanie, Frère André mourut. Ce pauvre homme malingre et chétif avait atteint l’âge de quatre-vingt onze ans !
Des millions de fidèles défileront devant sa dépouille ; sa mort fut relatée dans le monde entier. Bientôt commença le procès de béatification.
En 1963, le corps du Frère André fut retrouvé intact.
Le miracle retenu pour la béatification fut la guérison, en quelques jours, d’un malade américain atteint de cancer du foie puis généralisé. Un dossier de près de mille pages donna aux experts la conviction que cette guérison ne pouvait pas être le fruit de la médecine.
Un autre miracle a ensuite été retenu pour la canonisation. Il s’agissait d’un enfant de dix ans, renversé à bicyclette par une voiture : double fracture du crâne, hémorragie cérébrale majeure ; l’enfant, dans le coma depuis plusieurs semaines, était en phase terminale. Or, au moment où un parent priait à l’oratoire, l’enfant sortit du coma et se rétablit complètement. Ici encore, près d’un millier de pages de constatations et d’analyses conduisirent à l’authenticité du miracle.
Béatifié en 1982, Frère André (Alfred Bessette) fut canonisé en 2010.
Nota. On remarquera, non sans quelque étonnement, que moururent presque aux mêmes jours deux Bienheureux et un Saint qui ont favorisé la dévotion à la Sainte Famille : l’italien Pietro Bonilli (5 janvier), l’espagnole Rafaela Porras y Ayllón et le canadien Alfred Bessette (6 janvier), peu de jours après la fête de la Sainte Famille.