25 DÉCEMBRE
I.
La Nativité du Sauveur (cf. Lc 2:1-20).
III.
Ste Eugenia, martyre romaine.
SS Iovinus et Basileus, martyrs à Rome.
IV.
Ste Anastasia, martyre en l'île de Palmaria ; une église lui est dédiée à Rome, et elle est mentionnée au Canon Romain.
VII.
Ste Adalsinde, fille de ste Rictrude, à Marchiennes.
IX.
Ste Alburge, sœur du roi Egbert ; elle installa des religieuses à Wilton et vivait avec elles.
XII.
S Pierre le Vénérable, abbé à Cluny.
XIII.
S Pierre Nolasque, languedocien, fondateur de l'ordre de Notre-Dame-de-la-Merci pour le rachat des captifs.
B Bentivoglio de Bonis, franciscain à Assise, thaumaturge.
XIV.
B Iacopone de Todi, l'auteur du Stabat Mater .
XVII.
B Michaël Nakashima Saburoemon, frère jésuite, horriblement martyrisé au mont Oungen.
XIX.
Bse Antonia Maria Verna, fondatrice italienne des Sœurs de la Charité de l’Immaculée Conception de Ivrea, béatifiée en 2011.
XX.
Bse Maria Therese von Wüllenweber (Marie des Apôtres, 1833-1907), allemande, fondatrice des Sœurs du Divin Sauveur, pour les missions.
S Adam Chmielowski (Albert, 1845-1916), polonais, qui avait participé à l'insurrection contre la Russie ; tertiaire franciscain, fondateur de deux tiers-ordres (albertins et albertines), pour les mendiants à Cracovie, béatifié en 1983 et canonisé en 1989.
Bse Teodora Fracasso (Elia de Saint-Clément, 1901-1927), du tiers-ordre dominicain puis carmélite à Bari, béatifiée en 2006.
Naissance de Jésus-Christ
Il est de tradition que le Martyrologe Romain annonce la naissance de Jésus-Christ à la date du 25 décembre.
En voici le texte de l’actuelle édition.
Bien des siècles après la création du monde,
quand Dieu au commencement créa le ciel et la terre et forma l’homme à son image ;
bien des siècles aussi après que le Très-Haut, au terme du déluge,
mit dans les nuées l’arc-en-ciel, signe d’alliance et de paix ;
vingt-et-un siècles après qu’Abraham, notre père dans la foi, ait migré de Ur en Chaldée ;
treize-cents ans après que, sous la conduite de Moyse, le peuple d’Israël sortit d’Egypte ;
mille ans environ après l’onction de David, roi ;
en la soixante-cinquième semaine d’années, selon la prophétie de Daniel ;
dans la cent quatre-vingt quatorzième Olympiade ;
sept-cent cinquante-deux années après la fondation de la Ville ;
la quarante-deuxième année de l’empereur César Octavien Auguste ;
tout l’orbe de la terre étant en paix ;
Jésus-Christ, Dieu éternel, Fils du Père éternel,
voulant consacrer le monde par sa très sainte venue,
conçu du Saint-Esprit, et neuf mois après sa conception,
naît à Bethléem de Judée, de la Vierge Marie, s’étant fait homme.
C’est la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ selon la chair.
Une mélodie particulière est prévue pour chanter cette annonce si émouvante. Tout le début se chante sur la mélodie d’une lecture de la Messe, mais aux paroles naît à Bethléem…, le chantre élève la voix une quinte plus haut, tandis que l’assistance, jusque là debout, s’agenouille, se prosterne pour saluer l’arrivée parmi les hommes du Fils de Dieu, notre Sauveur.
A la Messe de Noël, tant à la vigile que la nuit et le jour, l’assemblée est également invitée à s’agenouiller quelques instants aux mots du Credo :
Et incarnátus est de Spíritu Sancto ex María Vírgine, et Homo fáctus est.
D’autres considérations accompagneront aussi notre réflexion en ce jour saint.
Il est très vraisemblable que la naissance du Christ n’ait pas eu lieu un 25 décembre, en plein hiver, puisque les bergers, nous dit l’évangéliste saint Luc, veillaient et faisaient la garde de leurs troupeaux (vigilantes et custodientes vigilias noctis supra gregem suum, Lc 2:8) : même s’ils n’étaient pas tous éveillés et faisaient la garde à tour de rôle, leurs troupeaux n’étaient pas au-dehors à cette date. En Palestine vers le 3e siècle, on fêtait d’ailleurs la naissance du Christ au 20 mai : cette date palestinienne pourrait bien reposer sur une tradition locale bien ancrée.
La fête de Noël a pu être instituée au moment où les jours s’allongent, quand la Lumière commence de s’allonger au détriment de la Nuit. De conséquence fut instituée la fête de l’Annonciation, neuf mois auparavant, le 25 mars.
En Orient, si la fête de Noël existe au 25 décembre, la fête principale est au 6 janvier, jour de l’Epiphanie, quand vinrent les Mages d’Orient adorer le Roi des Juifs qui vient de naître (Mt 2:2). Cette fête est appelée chez eux Théophanie, ou manifestation de Dieu.
La date du 25 décembre serait donc venue, pour une fois, de l’Occident avant de gagner peu à peu l’Orient.
Noël vient de natalis, jour de la naissance, dont est dérivé le prénom Nathalie (qu’on devrait donc écrire sans h).
Rappelons pour finir la très belle Prière du Jour de cette fête de Noël :
Père, toi qui as merveilleusement créé l’homme
et plus merveilleusement encore rétabli sa dignité,
fais-nous participer à la divinité de ton Fils,
puisqu’il a voulu prendre notre humanité.
Christus natus est nobis !
Veníte, adorémus !
Eugenia de Rome
?
Il est impossible d’avoir la lumière sur les extraordinaires péripéties de la vie d’Eugenia. On ne va ici avancer que ce qui fait justement difficulté dans sa Passio.
Elle aurait vécu entre 176 et 268, dates extrêmes des empereurs dont il est question, Commode et Gallien. Elle aurait pu mourir ainsi vers quatre-vingts ans, alors qu’on la présente de bout en bout comme une jeune fille charmante et jolie.
On lui donne pour père un certain Philippus qui, de préfet d’Egypte, devint ensuite évêque d’Alexandrie, alors qu’on ne connaît là-bas aucun préfet ni aucun patriarche de ce nom.
Eugenia aurait par hasard rencontré dans les environs d’Alexandrie un évêque Helenus (?) qui était entouré de dix mille hommes : difficile, et téméraire, en temps de persécution, d’oser organiser une telle procession ouvertement.
Eugenia, pour pouvoir entrer dans le «monastère» d’Alexandrie, se déguisa en homme, fut admise et fut même élu(e) abbé : mais il n’y avait pas de monastère en Alexandrie au troisième siècle. Surtout, on n’imagine pas qu’une jeune femme puisse si longtemps se faire passer pour un homme dans un «monastère» où l’on chante continuellement l’office divin.
Plus tard, elle se fit reconnaître à toute sa famille ; son père, converti, fut assassiné sur l’ordre du nouveau préfet ; elle revint à Rome avec sa mère et ses frères. Eugenia aurait alors réuni des vierges et le pape serait venu chaque samedi célébrer pour elles les Saints Mystères. Ce détail est suspect : en temps de persécution, on n’organise pas de cérémonies aux mêmes lieux et jours, pour déjouer les manœuvres des observateurs.
Suite à une trahison, Eugenia fut sommée par l’empereur de sacrifier aux dieux païens, fut conduite au temple de Diane (qui s’effondra à son arrivée), fut précipitée dans le Tibre une pierre au cou - mais la pierre éclata et Eugenia fut transportée assise sur les eaux du fleuve, on la jeta dans les fourneaux des thermes - qui s’éteignirent, on l’enferma huit jours sans nourriture dans un cachot obscur, où le Christ vint lui donner l’Eucharistie ; enfin, le jour de Noël, elle fut décapitée.
Il faut remarquer ici qu’au troisième siècle, on ne fêtait pas la Naissance du Christ au 25 décembre. La fête n’apparut qu’au siècle suivant.
Pour être complets, ajoutons que les saints Protus et Hyacinthus (v. 11 septembre) apparaissent aussi dans les étonnantes péripéties d’Eugenia.
Si l’on retire donc de la Passio d’Eugenia tous ces détails difficiles, il ne reste plus grand-chose à dire : Eugenia est une martyre romaine du deuxième ou du troisième siècle.
La belle église Sainte-Eugénie de Biarritz (Pyrénées Atlantiques), édifiée au début du vingtième siècle, reçut sa dédicace par référence à l’impératrice - d’origine espagnole - Eugenia de Montijo.
Le Martyrologe Romain mentionne sainte Eugenia de Rome au 25 décembre.
Iovinus et Basileus de Rome
† 258
On croit généralement que Iovinus et Basileus furent martyrisés à Rome vers 258.
Le Martyrologe Romain mentionne saints Iovinus et Basileus de Rome au 25 décembre.
Anastasia
4e siècle
La Martyre Anastasia a une Passio qui nous laisse un peu déconcertés, à cause des invraisemblances accumulées, dans les dates, dans les lieux et dans les noms.
Il semblerait qu’Anastasia vivait sous Dioclétien, qui fut empereur de 284 à 305. Or Dioclétien avait établi son siège en Orient, laissant l’Occident à Maximien.
Anastasie est dénoncée à Dioclétien pour avoir visité des Chrétiens en prison, et enseveli leurs corps. C’est à Sirmium (dans l’actuelle Serbie) où était en déplacement Dioclétien, qu’elle est arrêtée.
C’est probablement là aussi qu’elle est martyrisée, attachée à un poteau et brûlée vive, le 25 décembre.
De savantes recherches archéologiques exécutées à Rome sous la basilique de Sainte-Anastasie, révéleraient que cette basilique remonterait déjà au 3e siècle, et qu’elle aurait été construite sur (ou dans) la propriété d’une riche Anastasie, homonyme de notre Martyre mais dont on ignore tout de la vie.
On fêtait donc en cette basilique la martyre Anastasie, à son dies natalis, le 25 décembre. La messe y était célébrée au petit matin, entre la messe de la nuit de Noël et la messe du jour, ce qui finit par donner lieu à la messe de l’aurore, à l’heure où les bergers vinrent adorer l’Enfant-Jésus ; cette messe finit par supplanter peu à peu la mémoire de sainte Anastasie. Au 9e siècle, il existait encore deux formulaires de messe pour le matin de Noël, l’une de Noël, l’autre de sainte Anastasie, et l’Eglise de Rome fit savoir que Là où il y a des reliques de sainte Anastasie, ou son corps, on dit les oraisons de sainte Anastasie selon la coutume romaine, là où il n’y en a pas, on dit celles de l’Incarnation du Seigneur. Le mot Incarnation est impropre ici, car elle eut lieu le 25 mars, jour de l’Annonciation ; il faudrait lui préférer le mot Naissance.
Sainte Anastasie est mentionnée dans la prière Nobis quoque peccatoribus du Canon Romain de la messe.
Le Martyrologe Romain cite sainte Anastasia, comme martyre à Sirmium, au 25 décembre.
Pierre le Vénérable
1092-1156
Pierre était un des nombreux enfants de Pierre-Maurice de Montboissier et Raingarde de Semur, qui habitaient à Cunlhat (Puy-de-Dôme), et eurent huit enfants, tous garçons :
- Heraclius devint archevêque de Lyon ;
- Pierre devint abbé à Cluny ;
- Pons, abbé à Vézelay ;
- Jourdain, abbé à la Chaise-Dieu ;
- Arman, abbé à Manglieu ;
- Othon mourut jeune ;
- Hugues, qui se maria, eut deux filles (Poncie et Marguerite), qui entrèrent au monastère de Marcigny ;
- Eustache, lui, assura la perpétuité du nom.
Maurice, le père, bénéficia des excellents conseils de sa généreuse épouse et s’était presque décidé comme elle à embrasser la vie religieuse, quand il mourut au retour d’un pèlerinage en Terre sainte. Raingarde avait depuis longtemps voué toute sa vie à Dieu et ne tarda pas, une fois veuve, à entrer à l’abbaye de Marcigny, où elle donna les signes des plus humbles vertus. Elle mourut très saintement le 24 juin 1135.
On peut imaginer aisément l’ambiance qui régnait dans cette belle famille, avec une telle maîtresse de maison.
Pierre, donc, était né vers 1092, et fut consacré à Dieu dès l’enfance.
Il fut élevé au prieuré bénédictin de Sauxillanges, émit les vœux sous Hugues de Cluny (v. 29 avril), fut écolâtre (professeur) et prieur à Vézelay sous Pons de Melgueil, élu prieur près de Grenoble en 1120, et abbé de Cluny en 1122.
En 1124, devant se déplacer en Aquitaine, on l’informa que son ancien abbé de Vézelay, Pons, profitait de son absence pour envahir et dévaliser Cluny ! Il le fit excommunier.
En 1130, il prit décidément parti pour le pape légitime.
L’abbaye de Cluny, qui compta jusqu’à quatre-cents moines sous Pierre, était arrivée à sa plus haute splendeur ; elle devait décliner après Pierre, victime de cette même splendeur, qui corrompt l’âme de l’intérieur quand l’homme, même moine, s’habitue à la gloire.
En 1132 d’ailleurs, Pierre réunit un chapitre général de deux cents prieurs, pour restaurer la discipline dans l’Ordre et, en 1146, promulgua des statuts concernant la liturgie et les coutumes.
En 1135, Pierre eut la charité d’accueillir Abélard, universellement condamné, poursuivi et chassé. Il organisa aussi une rencontre de réconciliation entre Bernard de Clairvaux et Abélard. A la mort de ce dernier, il fit écrire sur sa tombe une formule de pleine absolution de tous ses péchés.
L’abbatiat de Pierre dura trente-quatre ans ; pendant ce tiers de siècle, Pierre encouragea beaucoup l’étude, la copie de manuscrits, tant religieux que des auteurs païens. Il tint une ample correspondance avec beaucoup de personnages, des papes aux bienfaiteurs, et avec saint Bernard de Clairvaux (v. 20 août) ; l’attitude de ce dernier ne fut pas toujours réservée vis-à-vis de Cluny, mais Pierre l’amena à plus de douceur et ils furent bons amis. Pierre conbattit aussi l’hérésie de Pierre de Bruys.
Il reçut des missions diplomatiques importantes, pas toutes couronnées de succès.
Particulièrement digne de mention fut sa démarche en direction des Musulmans ; à leur égard, il fit traduire en latin le Coran, entre 1141 et 1143, et qu’il intitula : Lex Mahumet pseudoprophetae. Il réfuta les doctrines des Musulmans, et leur disait gentiment : Je vous invite au salut. Il préférait la discussion pacifique et respectueuse à la démarche des croisades.
Il fut sévère à l’adresse des Juifs, contre lesquels il écrivit un traité : Adversus Iudæorum inveteratam duritiem («contre la dureté invétérée des Juifs», reprenant l’expression du Christ dans l’Evangile, qui reproche aux Pharisiens leur endurcissement, cf. Mc 10:5).
Pierre eut quelques démêlés avec Vézelay, et rédigea en 1145 une charte de bons rapports entre la commune et l’abbaye. En 1154, les prieurés anglais et italiens cherchèrent à se rendre indépendants de l’abbaye centrale. Les dernières années, il connut des tristesses, victime de son désir de paix et de modestie : on profitait de sa douceur. L’abbaye, justement et comme on l’a dit plus haut, périclita après lui.
Pierre s’éteignit le jour de Noël, 25 décembre 1156.
C’est l’empereur Barberousse qui en 1153 lui donna le titre de Vénérable (à moins qu’il l’ait répété après l’avoir entendu d’autres, plus admiratifs).
Pierre n’a pas été béatifié ni canonisé, quoique Rome ait autorisé en 1862 de le mentionner parmi les Saints fêtés globalement à Clermont ; le Martyrologe Romain a accueilli récemment le bienheureux Pierre le Vénérable, au 25 décembre.
Bentivoglio de Bonis
1188-1232
Bentivoglio est un prénom italien rare, mais dont la formule est couramment utilisée dans cette langue : dire à un Italien «Je te veux du bien» (Ti voglio bene), c’est lui exprimer combien on l’estime, qu’on lui est reconnaissant.
Bentivoglio, donc, naquit en 1188 à San Severino Marche (Italie CE), de pieux et nobles parents, Giraldo de Bonis et Albasia.
Il fut sans tarder attiré par l’idéal et la parole enflammée d’un Franciscain, Paolo de Spolète, et fut admis à Assise par saint François lui-même (v. 4 octobre).
Ordonné prêtre, il devint un modèle accompli de simplicité, d’humilité, de pénitence. Infatigable dans son zèle pour annoncer la Parole de Dieu, il fut favorisé du don des miracles et des extases.
Ainsi, le curé de San Severino fut tellement frappé par une de ces extases, qu’il demanda à être admis parmi les Frères de François.
Un des autres prodiges signalés fut le suivant. Bentivoglio était chargé d’assister un lépreux au couvent Ponte della Trave et ce jour-là s’y trouvait seul, lorsque lui arriva l’ordre de rejoindre sans tarder un autre couvent à Potenza Picena, à vingt kilomètres. Que faire du malheureux lépreux ? Il le chargea sur ses épaules et se mit en marche au petit matin ; avant même le lever du soleil, il était arrivé à destination. Il est évident que tout le pays fut témoin et raconta l’épisode. Dieu avait ainsi récompensé l’obéissance spontanée du Frère.
Bentivoglio s’endormit dans le Seigneur, au jour de la naissance du Sauveur, le 25 décembre 1232, aussitôt vénéré comme un Saint.
Le culte voué à Bentivoglio fut confirmé en 1852.
Iacopo de’ Benedetti de Todi
1230-1306
Iacopo (Jacques) naquit vers 1230 à Todi (Pérouse, Ombrie, Italie C), de famille bourgeoise.
Il étudia le droit à Bologne, obtint le doctorat et revint exercer à Todi.
Avocat habile, juriste mondain, il ne résistait pas à certaines manières originales dans son acoutrement. Il aimait la vie. Il épousa Vanna (Jeanne) di Bernardino di Guidone, dont il eut une fille.
Un accident, lors d’une fête, causa la mort de son épouse en 1268 : une estrade s’écroula. Iacopone s’aperçut alors que son épouse portait un cilice. Tout ceci fit profondément réfléchir le juriste, qui sans attendre vendit ses biens, prit l’habit d’ermite et vécut en vagabond.
Il restait très original, mais dans la pénitence, par exemple il s’ «humiliait» à marcher à quatre pattes harnaché comme un âne… C’est dans ces circonstances que les enfants le surnommèrent Iacopone («gros Jacques»). Il ne manquait pas une occasion de souligner la vanité de la vie.
En 1278, il frappa à la porte des Franciscains de Todi. Le Gardien était en droit d’hésiter un peu pour admettre un tel candidat ! Iacopone devint frère convers. Ses mortifications continuaient.
Voulant expier sa gourmandise d’autrefois, il se procura des abats, qu’il suspendit dans sa cellule, juste pour les humer et s’imposer de les voir, de s’en approcher, sans y toucher. Les beaux morceaux devinrent une charogne infecte, dont l’odeur se répandit bien en-dehors de la cellule ; le Frère Iacopone n’eut pas de peine à «avouer» sa pénitence ; on lui en donna une autre : d’être enfermé à la fosse d’aisance. On verra là que les moines, eux aussi, ne manquaient pas d’originalité.
Dans la querelle qui opposa les Franciscains «spirituels» et les «conventuels», il prit énergiquement parti pour les spirituels, appuyés par le pape Célestin V (celui qui devait démissionner), et se permit de brimer le pape qui favorisait les conventuels : Boniface VIII l’excommunia, le fit emprisonner, et pendant plusieurs années. Même durant l’année sainte 1300, le pape lui refusa l’absolution. Il ne fut libéré qu’à la mort du pape en 1303.
Iacopone, désormais septuagénaire et affaibli, fut recueilli chez des Clarisses de Collazzone, qui lui montrèrent toute l’attention possible.
Ce célèbre pénitent écrivit des poèmes qui lui valurent une place dans la littérature italienne. On lui attribue généralement le Stabat Mater, que nous chantons le 15 septembre en la fête de Notre-Dame des Douleurs.
Iacopone mourut saintement à Collazzone le jour de Noël, 25 décembre 1306.
Un culte se développa autour de son tombeau et fut reconnu en 1868, mais Iacopone n’est pas mentionné dans le Martyrologe.
Michaël Nakashima Saburōemon
1583-1628
Michaël Nakashima Saburōemon était né vers 1583 à Machiai (Kumamoto, Japon), de parents non chrétiens.
Il fut baptisé à onze ans et, encore adolescent, fit le vœu de chasteté.
Quand le Christianisme fut déclaré hors la loi, Michaël invita celui qui l’avait baptisé, le père Baeza, à venir habiter chez lui ; il y resta jusqu’à son arrestation et sa mort en 1626. Michaël hébergea alors un autre prêtre chez lui, sachant bien quels risques il prenait, mais il était trop heureux d’assister à la Messe chaque jour.
C’est en considération de ce courage fidèle qu’il fut admis dans la Société de Jésus, comme Frère, en 1627.
Il fut arrêté en août de cette même année et resta en prison pendant toute une année.
En septembre 1628, les autorités demandèrent à la population de pourvoir au bois qui aurait servi au martyre des missionnaires. Le Frère Michaël refusa.
Il fut immédiatement dénoncé et arrêté ; sa maison fut confisquée ; il fut durement battu et jeté en prison. Les jours suivants, on le battit plusieurs fois encore, pour le faire apostasier ; il déclara aux bourreaux : Vous pouvez me mettre en morceaux, faire sortir mon âme de mon corps, mais nous n’arriverez pas à faire sortir de ma bouche le moindre mot contre ma foi.
Les bourreaux lui infligèrent la torture de l’eau, en le forçant à ingurgiter d’énormes quantités d’eau au moyen d’entonnoirs enfilés dans les narines. Puis ils sautaient sur son ventre, pour faire ressortir l’eau absorbée. Il résista à l’apostasie ; à un ami qui vint le voir, il dit que, si la douleur devenait insupportable, il invoquait la Sainte Vierge, et la douleur cessait immédiatement.
Le 24 décembre, on procéda à une nouvelle torture de l’eau. Puis on l’emmena à Shimabara, au Mont Unzen, là où jaillissent des eaux sulfureuses ; ces eaux ont la propriété de détruire les chairs en un instant ; les bourreaux le firent d’abord entrer dans une poche d’eau peu profonde, pendant quelques instants, puis dans une poche plus profonde, où les chairs se détachèrent des pieds. Puis on le poussa dans un endroit plus profond encore, où l’eau lui arrivait au cou : quand on l’en sortit, il ne pouvait plus marcher, son corps n’étant qu’une plaie ouverte, laissant apparaître tous les os. On le laissa là toute la nuit, au froid, sur l’herbe.
Le matin de Noël, 25 décembre 1628, les bourreaux revinrent dès le lever du soleil ; comme le pauvre Michaël ne pouvait plus se déplacer, ils s’ingénièrent à dériver l’eau sulfureuse sur sa tête et son corps. Cet ultime supplice dura encore deux heures. Les seuls mots qui sortirent de la bouche de Michaël furent : Jésus, Marie !
Michaël Nakashima Saburōemon fut béatifié en 1867.
Antonia Maria Verna
1773-1838
Guglielmo Verna et Domenica Maria Vacheri, de pauvres paysans de Pasquaro (Rivarolo, Turin, Italie) eurent deux enfants ; la deuxième naquit le 12 juin 1773 et reçut le jour même au baptême le nom de Antonia Maria.
La famille est si pauvre, qu’elle n’a qu’une pièce pour abriter toute la famille, mais on y est très uni dans la foi et les principes chrétiens. Domenica sait enseigner à ses enfants les premiers éléments du catéchisme.
Quand Antonia peut fréquenter les leçons de catéchèse paroissiales, elle s’empresse de répéter ce qu’elle y a appris aux enfants qu’elle réunit autour d’elle. Elle a trois dévotions particulières : l’Enfant Jésus, la Vierge Marie Immaculée, et saint Joseph.
Quand elle a quinze ans, elle parle de se consacrer à Dieu, mais les parents voudraient la marier à quelque bon parti, et il n’en manque pas car la jeune fille attire les regards. Mais Antonia, bien conseillée par son directeur spirituel, fait le vœu de virginité perpétuelle et, pour mettre fin aux prétentions, quitte le pays.
Or, à cette époque, la Révolution française répand ses idées dans l’Italie ; Antonia comprend que la société est menacée par le laïcisme, le naturalisme, le rationalisme, par les soi-disant «droits de l’homme», en opposition avec les devoirs de l’homme envers son Créateur.
Antonia n’a que dix-huit ans, mais comprend que pour contrer cette invasion d’idées perverses, il faut agir au niveau de l’éducation, et de l’éducation chrétienne.
Après son vœu de virginité, elle veut reprendre et compléter sa propre instruction, et retourne sur les bancs de l’école : huit kilomètres à pied chaque jour, dans la prière et la pénitence, pour fréquenter la Scuola del Gesù (Ecole du Jésus ou Institut Rigoletti) à San Giorgio Canavese. Elle reprend à Pasquaro son activité apostolique, instruisant les enfants, ramenant les plus grands aux pratiques chrétiennes, réconfortant les faibles et les affligés, patiemment.
Pasquaro ne lui suffit plus : elle s’établit dans la localité proche, Rivarolo Canavese, entre 1796 et 1800. Période très difficile, à cause de l’invasion des idées révolutionnaires françaises, et des troupes napoléoniennes ; la population s’appauvrit, la délinquance s’élargit.
La petite maison d’Antonia lui sert de cloître, de chaire d’enseignement, mais est trop petite, car elle veut assister les malades. Elle commence de s’entourer de compagnes ; une première communauté est en train de se constituer, qui vont s’appeler les Sœurs de la Charité de l’Immaculée Conception.
On est dans les premières années du 19e siècle, mais Antonia devra attendre 1828 pour recevoir les premières lettres patentes de l’approbation et prendre un habit religieux.
Comme il est question, de la part des Pères Lazaristes de Turin, d’ «annexer» ces Sœurs de la Charité à celles fondées en France par saint Vincent de Paul (v. 27 septembre), Antonia se met sous la protection de l’évêque d’Ivrea, qui lui donne l’approbation ecclésiastique en 1835. Les Sœurs de la Charité de l’Immaculée Conception s’appelleront désormais «d’Ivrea», là où Antonia établit la maison-mère.
Antonia Maria meurt le jour de Noël 1838 à Rivarolo Canavese.
Elle a été béatifiée en 2011. Dans l’Institut, on la fête non pas à son dies natalis (qui est le jour de Noël), mais, exceptionnellement, le 12 juin, anniversaire de sa naissance sur terre.
Les Sœurs se donnent de tous côtés, gratuitement, sans réserve, par amour de Dieu, à l’image de Marie Immaculée. Elles se sont répandues en Italie, au Moyen-Orient, en Amérique. Ce sont elles qui œuvrent à la basilique de l’Annonciation à Nazareth.
Le miracle retenu pour la béatification de la Mère Antonia Maria se produisit en 1947 à Zurich (Suisse). Le 26 décembre au soir, le médecin d’une des Religieuses, malade de broncho-pneumonie, affirme qu’il n’y a plus d’espoir de la guérir. Les Religieuses prient intensément. Le lendemain matin, croyant venir constater le décès, le médecin constate en fait la parfaite guérison de la Religieuse.
Un événement vraiment miraculeux se produisit à Turin en 1859, en la fête de l’Immaculée Conception, 8 décembre.
Deux époux décidèrent de passer au protestantisme et voulurent vendre de vieux meubles ainsi qu’un cadre de la Vierge, peint sur bois. Or voilà que les trois acquéreurs se mirent à blasphémer la Vierge Marie et à vouloir briser l’image avec une hache : mais c’est la hache qui se cassa, et l’image resta intacte. Ils jetèrent l’image au feu, mais seul le bois extérieur brûla, laissant l’image encore intacte. Les profanateurs, pris de panique, s’enfuirent, et le propriétaire cacha l’image. Sa femme voulut à son tour l’asperger d’alcool et la brûler, en vain. Pleins de remords, ils demandèrent conseil à un prêtre, qui leur suggéra de remettre l’Image à une pieuse personne, et les époux décidèrent de la donner aux premières Religieuses qu’ils rencontreraient, au soir de ce mercredi saint de 1860. Les religieuses se trouvèrent être de la Congrégation de l’Immaculée Conception d’Ivrea.
Depuis, l’Image miraculeuse est jalousement conservée par les Religieuses, et exposée à la vénération publique dans leur maison-mère, avec de nombreux miracles qui advinrent successivement et qui furent régulièrement consignés et examinés par un procès canonique.
Therese von Wüllenweber
1833-1907
Therese naquit le 19 février 1833 au château de Myllendonk (Korschenbroich, Mönchengladbach, Allemagne N), aînée des cinq filles du baron Theodor de Wüllenweber et de Elisabeth Lefort.
Elle fut pensionnaire chez les Bénédictines de Lüttich (Liège) en 1848, et revint deux ans après chez son père, qui l’initia à l’administration de la propriété.
En 1857, elle tenta son admission chez les Sœurs du Sacré-Cœur à Blumenthal (Vaals, Pays-Bas), en 1860 chez celles de Warendorf, en 1861 à Orléans, en 1863 à la Visitation de Mülheim, en 1868 chez les Adoratrices en Belgique : ce fut toujours un échec, car elle n’y trouvait pas sa vocation.
En 1876, elle acquit des bâtiments d’une ancienne fondation à Mönchengladbach, et y ouvrit l’Œuvre Sainte-Barbara, pour des orphelins.
Elle rencontra en 1882 un jeune prêtre, Franziskus Maria Jordan, qui avait déjà fondé une Société enseignante apostolique (v. 8 septembre). Therese fit des vœux privés.
En 1885, l’Institut féminin se détachait de cette société et prenait le nom de Sœurs de la Charité de la Mère Dolorosa, tout en restant proche de l’idéal du Fondateur.
En 1888, ils fondèrent ensemble à Tivoli le Second Ordre Enseignant Catholique et Therese put émettre les vœux de religion. Supérieure de son Institut, elle prit le nom de Maria des Apôtres.
En 1893, l’Institut devint la Société du Divin Sauveur, dont la branche féminine prenait le nom distinct de Sœurs du Divin Sauveur ou Salvatoriennes.
Des maisons s’ouvrirent en Europe : Italie, Suisse, Autriche, Hongrie, Belgique ; en Inde et aux Etats-Unis. La Mère voyagea beaucoup pour consolider ces fondations.
A la fin de sa vie, Maria perdit peu à peu la vue, souffrit d’asthme, et mourut de méningite à Noël, le 25 décembre 1907.
L’Institut, qui fut reconnu en 1911 et approuvé en 1926, compte maintenant plus d’un millier de Religieuses dans une vingtaine de pays.
La tombe de Maria des Apôtres se trouvait à Rome, au cimetière Teutonico. Le corps fut exhumé pour être reporté à la Maison-mère de Rome, en vue de la béatification, qui eut lieu en 1968.
Adam Chmielowski
1845-1916
Le Frère Albert, qui dans le siècle s’appelait Adam Chmielowski, naquit à Igołomia, près de Cracovie en Pologne, le 20 août 1845, premier des quatre enfants de Wojciech et Józefa Borzysławska, qui descendaient de famille noble.
Adam fut ondoyé le 26 août, et les autres rites du baptême furent complétés en juin 1847 à Varsovie.
Les quatre enfants (Adam, Stanisłas, Marian, Jadwiga) grandissent à Varsovie, où déjà Adam se montre charitable envers les pauvres et partageant avec eux ce qu’il avait.
Le papa mourra en 1853. En 1855, avec une bourse d’état, Adam passera une année à l’Ecole des Cadets de Saint-Petersbourg, d’où sa mère le fit revenir, inquiète de l’influence de l’éducation russe sur son fils ; elle l’envoya au lycée de Varsovie. Cette bonne maman mourra en 1859 et l’adolescent sera confié à la tante paternelle, Petronela.
En 1863, c’est l’insurrection polonaise contre l’oppression tsariste. Adam, qui est alors étudiant à l’Ecole d’Agriculture de Puławy, adhéra au mouvement avec enthousiasme, mais fut gravement blessé dans un combat près de Mełchów ; il fut fait prisonnier, on dut l’amputer de la jambe gauche, sans anesthésie, chose qu’il supporta avec un courage exceptionnel.
Grâce à l’intervention de parents, il s’enfuit de la prison mais dut quitter la Patrie. Il se retrouva à Paris où il étudia la peinture ; puis il passa à Gand en Belgique où il fréquenta l’Ecole d’ingénieurs, et reprit les études de peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Münich en Bavière, jusqu’en 1874, quand il pourra profiter d’une amnistie et retourner dans sa patrie.
Il chercha un nouvel idéal de vie et se demanda : En cultivant l’art, peut-on aussi servir Dieu ? Jusqu’à présent, sa production artistique ne comprenait que des sujets profanes et il se mit alors à représenter des thèmes sacrés. Un de ses meilleurs tableaux sacrés, son “Ecce Homo”, est l’aboutissement d’une profonde réflexion sur l’amour miséricordieux du Christ pour l’homme, qui conduisit Adam vers une réelle métamorphose spirituelle. Partout où il passait, on notait la cohérence de sa vie avec son idéal chrétien, et il marquait profondément ceux qui le rencontraient.
Convaincu que, pour servir Dieu, il faut Lui dédier et l’art et le talent, il entra en 1880 dans la Compagnie de Jésus (Jésuites) comme frère laïc ; mais il dut interrompre le noviciat au bout de six mois, à cause de sa mauvaise santé.
Ce fut alors une profonde crise spirituelle, qu’il dépassa en commençant une nouvelle vie toute donnée à Dieu et à ses frères. Se trouvant alors chez des parents en Podolia (région de Pologne sous domination russe), il fit connaissance du Tiers-Ordre de saint François, et se mit à visiter les paroisses de la zone, restaurant les tableaux et diffusant l’esprit du Tiers-Ordre parmi la population rurale.
Contraint de quitter la Podolia, il revint à Cracovie où il s’établit non loin des Pères Capucins. Là, il poursuivit son activité de peintre en se donnant en même temps à l’assistance des pauvres, leur destinant ce qu’il gagnait avec ses tableaux.
Sur ses entrefaites, il eut l’occasion de connaître la douloureuse situation de certains mendiants, entassés dans des sortes de dortoirs publics, à Cracovie, et il décida de se porter à leur secours.
Par pur amour de Dieu et du Prochain, Adam renonça au succès que lui donnait la pratique de l’art, au bien-être matériel, aux milieux aristocratiques, et décida d’aller vivre parmi les pauvres, pour les soulager de leurs misères morales et matérielles. Dans leur dignité foulée aux pieds, il voyait le Visage du Christ outragé, et voulait, en eux, Lui redonner Sa dignité.
C’est ainsi que, le 25 août 1887, il endossa une bure grise, prit le nom de Frère Albert et, un an après, avec la permission du Cardinal Dunajewski, prononça les vœux de tertiaire franciscain : c’est là qu’en 1888 commença la Congrégation des Frères du Tiers-Ordre de saint François, Serviteurs des Pauvres. Ceux-ci prirent en charge le dortoir des hommes. Puis ce fut le tour du dortoir des femmes, pris en charge par la branche féminine de la Congrégation, en 1891, sous la maternelle direction de la Servante de Dieu, la Sœur Bernardyna Jabkonska.
Avec sa double Congrégation, dans un esprit de totale disponibilité, il se mit au service des plus pauvres, des déshérités, des laissés-pour-compte, des marginaux et des vagabonds. Il organisa pour eux des maisons d’assistance matérielle et morale, en leur offrant la possibilité d’assumer librement de petits travaux d’artisanat, aux côtés des frères et des sœurs, sous un même toit, leur permettant ainsi de gagner de quoi vivre.
Malgré son invalidité et la prothèse plutôt rudimentaire qu’il portait, il voyageait beaucoup pour fonder de nouveaux refuges en d’autres villes de Pologne, comme aussi pour rendre visite aux maisons religieuses. Ces maisons étaient ouvertes à tous, sans distinction de nationalité ou de religion. En outre, il ouvrit aussi des maisons et des orphelinats pour les enfants et les jeunes, des asiles pour les vieillards et les malades incurables, des soupes populaires. Pendant la première Guerre Mondiale, il envoya ses Sœurs dans les hôpitaux militaires et même aux abords des champs de bataille.
De son vivant, ce furent ainsi vingt-et-une maisons religieuses qui s’ouvrirent, où travaillaient quarante Frères et cent-vingt Sœurs.
Par sa vie exemplaire, il enseigna qu’ il faut être bon comme le pain… que chacun peut prendre pour satisfaire sa faim. Il sut montrer à ses religieux comment vivre dans la plus grande pauvreté évangélique, selon l’exemple de s.François d’Assise. Il confia son œuvre caritative à la Providence divine avec une confiance totale. Sa force lui venait par la prière, l’Eucharistie et l’union au Mystère de la Croix.
Rongé par le cancer à l’estomac, il mourut à Cracovie le jour de Noël 1916, au même endroit où étaient accueillis les pauvres. Avant de mourir, montrant la Vierge de Czestochowa, il dit aux Frères et aux Sœurs : C’est cette Vierge qui est votre Fondatrice, ne l’oubliez pas ; et encore : Avant toute chose, vivez dans la pauvreté.
Ceux qui l’ont rencontré et connu ont gardé de lui un merveilleux témoignage de foi et de charité. A Cracovie et dans toute la Pologne, on l’appelle le Père des Pauvres et aussi le saint François polonais du XXe siècle, pour son esprit de réelle pauvreté évangélique.
L’histoire de l’Eglise est vraiment marquée par l’exemple de Frère Albert. Non seulement il a donné son vrai sens à l’Evangile de la miséricorde du Christ, mais il le reçut dans son cœur et le vécut avec la plus profonde intensité.
Aujourd’hui, les Frères et les Sœurs “Albertins” poursuivent le charisme de leur Fondateur en Pologne, mais les Sœurs sont aussi présentes en Italie, aux Etats-Unis et en Amérique Latine.
Frère Albert a été béatifié le 22 juin 1983 et canonisé le 12 novembre 1989 à Rome.
Teodora Fracasso
1901-1927
Teodora (le nom signifie «Don de Dieu»), naquit à Bari (Italie S) le 17 janvier 1901, troisième des neuf enfants de Giuseppe, un artiste peintre, et Pasqua Cianci ; elle fut baptisée quatre jours plus tard par son oncle, don Carlo Fracasso.
Des neuf enfants, ne vécurent que cinq d’entre eux, outre Teodora : Prudenzia, Anna, Domenica et Nicola.
A cinq ans, elle eut un rêve, dans lequel une belle Dame avançait parmi des lys fleuris, puis disparaissait. La pieuse maman de Teodora lui expliqua ce que pouvait signifier cela, et la petite fille promit à la Dame de devenir religieuse.
A l’école chez les Religieuses des Saintes Stigmates, elle se prépara à dix ans pour la Première communion, qui devait avoir lieu le 8 mai 1911. La nuit précédente, elle rêva cette fois-ci de Thérèse de Lisieux, qu’elle ne connaissait pas encore (elle était morte en 1897 et ne devait être béatifiée qu’en 1923, et canonisée en 1925) - qui lui annonçait : Tu seras moniale comme moi, et la nommant Elia.
En outre, le jour de cette Première communion, Jésus lui parla et lui dit qu’elle allait beaucoup souffrir dans sa vie ici bas.
Elle continua sa formation, apprit la couture et la broderie. Elle fit partie de deux associations pieuses, l’une, eucharistique, inspirée de la bienheureuse Imelda Lambertini (v. 13 mai), l’autre, la Milice Angélique inspirée par saint Tommaso d’Aquino (v. 28 janvier).
L’adolescente aimait réunir ses amies chez elle pour parler de choses profondes, méditer, prier : c’est ainsi que le petit groupe priait, lisait l’Evangile, l’Imitation du Christ, les vies de Saints, et tout particulièrement celle de Thérèse de Lisieux, qu’elle appelait ma très chère Amie du ciel.
Entrée dans le Tiers-Ordre dominicain, Teodora y fut novice en 1914, avec le nom d’Agnese et fit la profession en 1915, avec une dispense d’âge car elle n’avait que quatorze ans.
Cette jeune adolescente montrait un zèle apostolique surprenant, par exemple dans son attention envers les ouvriers de l’atelier de son père, les assistants dans leurs maladies, confectionnant de petits cadeaux pour les nouveaux-nés, enseignant le catéchisme aux jeunes enfants…
En 1917, elle eut un nouveau directeur spirituel qui, considérant son charisme particulier, l’orienta vers une autre famille : les Carmélites de Bari.
C’est ainsi que Teodora, alias Agnese, devint sœur Elia de Saint-Clément à partir de 1920, année où elle entra au Carmel et en reçut l’habit.
Evidemment, elle s’abreuva de la «petite voie» de Thérèse de l’Enfant-Jésus.
On pourrait croire que le chemin de la nouvelle Carmélite était tout tracé et que les jours passaient dans l’insouciance : il y a aussi des jalousies et des incompréhensions dans les couvents, et sœur Elia en fut victime.
En 1923, la Mère Prieure la nomma maîtresse de couture dans l’école des petites filles qui dépendait du Carmel ; mais la directrice de l’école, une autre Carmélite, un peu trop sévère et autoritaire, ne voyait pas d’un bon œil l’influence qu’Elia avait sur les fillettes par sa bonté et sa patience, aussi la fit-elle éloigner de cette place au bout de deux ans : Elia dut se replier dans sa cellule, où elle faisait tous les travaux de couture qu’on lui apportait.
La Prieure cependant l’estimait beaucoup, et la nomma à la sacristie.
Cette année-là, en 1925, l’année de la canonisation de la Carmélite de Lisieux, Elia fit la profession solennelle.
Une de ses sœurs la rejoignit au Carmel, prenant le nom de la sœur de sainte Thérèse, Celina.
En janvier 1927, une forte grippe secoua la jeune Religieuse, avec des maux de tête effrayants, dont elle ne se plaignait pas. Le 21 décembre, une forte fièvre et d’autres symptômes commencèrent à inquiéter les Religieuses. Le médecin diagnostica le 24 une possible méningite, sans s’alarmer cependant. Le 25, jour de Noël, deux autres médecins ne purent que constater l’irréversibilité du mal.
Sœur Elia mourut à midi, ce 25 décembre 1927, accomplissant sa prophétie : Je mourrai un jour de fête.
Teodora-Agnese-Elia fut béatifiée en 2006.