Gautier de Pontoise
1030-1099
Gautier (Gauthier, Gaultier, Gaucher) naquit vers 1030 à Andainville.
Après ses études, il fut professeur de philosophie et de rhétorique, mais il fut agité par un scrupule : son succès n’allait-il pas l’entraîner vers la vanité ?
Il se mit à l’épreuve lui-même, porta un cilice, jeûna, puis décida enfin d’entrer chez les Bénédictins à Rebais (Seine-et-Marne). Il fit l’édification des moines par toutes ses vertus.
Une tradition rapporte qu’encore novice (mais que signifie ce terme de novice, quand l’intéressé était déjà professeur ?) - Gautier, donc, fut interpellé en apprenant qu’un paysan expiait ses méfaits dans la prison du monastère. Quelle prison pouvait-il donc y avoir dans la maison de Dieu ? Le fait est que Gautier n’y alla pas de main morte : il aida une nuit le puni à s’enfuir, lui faisant tout de même promettre qu’il ne se vengerait pas ; mais Gautier fut fortement blâmé par l’abbé.
Plus tard, Gautier fut préconisé pour être l’abbé de la nouvelle abbaye de Pontoise. L’humilité de Gautier s’en agitait ; il n’accepta qu’après beaucoup de réflexion et de résistance. Un incident marqua la cérémonie de la bénédiction abbatiale. Après que l’évêque eut béni le nouvel abbé, le roi - protecteur de l’abbaye - remit la crosse à Gautier ; le rite précisait qu’il devait la saisir au-dessous de la main du roi, et Gautier la saisit au-dessus, ajoutant humblement et poliment : Sire, c’est de Dieu et non de votre Majesté que je reçois le gouvernement de l’abbaye. Le roi, Philippe 1er, resta fortement édifié de cette sainte audace.
La nouvelle abbaye reçut la règle bénédictine et fut dédiée à saint Germain (v. 28 mai) ; elle devait plus tard passer sous le vocable de saint Martin (v. 11 novembre). Gautier surtout était la Règle de ses moines, par son exemple de sainteté. Mais il s’en inquiéta et, vers 1072, disparut de l’abbaye, pour se présenter incognito à Cluny. L’abbé, qui était alors saint Hugues (v. 29 avril), reçut bientôt la visite d’un groupe de moines de Pontoise qui, ayant appris la retraite de leur abbé, munis d’une lettre de l’évêque, réclamaient «leur» abbé, qui dut regagner Pontoise.
Gautier allait encore disparaître ! Dans une grotte située non loin des bâtiments, il se fit une cellule où il aimait se retirer, mais on venait toujours le consulter, on vénérait ce saint homme qui était plus angélique qu’humain… Il partit vers Tours, y trouva une petite chapelle dédiée aux saints Cosme et Damien (v. 26 septembre), mais ses vertus attirèrent à nouveau les gens, et un pèlerin de passage reconnut le saint homme qui avait disparu de Pontoise. A nouveau les moines pontoisiens vinrent reprendre l’abbé fugitif.
Peu de temps après, Gautier se rendit à Rome et rencontra le pape Grégoire VII. Les «affaires courantes» ayant été expédiées, l’abbé s’enhardit à supplier le pape de le décharger de l’abbatiat. Peine perdue ! Le pape lui reprocha de ne pas mettre en œuvre ses talents au service de l’Eglise et le renvoya à son troupeau, avec la menace de l’anathème, s’il osait encore s’entêter à vouloir quitter son poste.
Ce fut sa dernière «sortie». Il fut en effet fidèle et obéissant. Désormais, son action se développa pour réprimer des abus, des erreurs. Il adressa au roi ses remontrances contre les investitures simoniaques : En vendant les bénéfices, vous autorisez les autres à en faire un commerce sacrilège et vous vous rendez coupable de toutes les simonies que vos exemples encouragent.
Au concile de Paris (1092), il rappela la sainte décision de Rome d’interdire aux fidèles d’assister à une Messe célébrée par un prêtre concubinaire. Pour cela, les évêques français le firent arrêter et mettre en prison ! Des amis purent toutefois intercéder et obtenir sa délivrance.
Vers le même date, il eut une apparition de Notre-Dame, qui lui enjoignait de construire un monastère de femmes à Berteaucourt. D’abord, dans son humilité foncière, Gautier pensa avoir eu une illusion, mais Notre-Dame revint à la charge, et cette fois-ci laissa sur la joue de Gautier une marque délicate, mais bien visible, de ses doigts maternels. La construction du monastère commença en 1093, grâce à la générosité de deux nobles dames, nommées Godelinde et Helwige (ou Heleguide, Helchide).
Durant sa présence à Berteaucourt, Gautier y fit jaillir une source miraculeuse qui guérissait les maladies des yeux. Il s’y dresse maintenant une chapelle.
Le dernier épisode important de la vie de Gautier montre qu’il eut aussi le don de prophétie. En effet, il remarqua dans l’assistance une dame à la tenue inconvenante. Il l’avertit et cette femme, une comtesse, fort vexée, lui répondit que le dimanche suivant, elle arborerait une tenue encore plus excentrique. L’abbé répondit : Vous reviendrez effectivement, mais dans un tout autre appareil. Or cette même semaine, la comtesse fut à la dernière extrémité et l’appela ; mais Gautier était aussi mourant ; il ne put que répondre : Dieu veuille qu’elle me rencontre au ciel, car elle ne me reverra plus sur la terre. Tous deux moururent le même jour, 8 avril 1099.
Cette date n’est pas uniformément rapportée ; une chronique, qui semble plus fiable, parle du 23 mars, date à laquelle le Martyrologe mentionne saint Gautier.
L’abbaye Sainte-Marie de Berteaucourt-les-Dames (Somme), abandonnée au moment de la Révolution française et successivement vendue, présente encore la moitié de l’église abbatiale, et l’hostellerie, récemment restaurée.