Ioann Kuntsevych
1580-1623
Ioann naquit vers 1580 à Volodymyr (Volhynian, Volvodeship, Pologne, actuelle Ukraine). A la suite des nombreux conflits qui eurent lieu dans cette région de Ruthénie, le nom de famille de Ioann sera orthographié tantôt en bélarus (Kuncevič), tantôt en polonais (Kuncewicz), tantôt en ukrainien (Kuntsevych).
Ses parents étaient de modestes commerçants, qui le firent baptiser dans le rite gréco-catholique local, dit uniate (voir plus bas).
Pour comprendre la vie et l’action de Ioann, il faut faire une petite description de la situation religieuse des Ruthènes au 16e siècle.
Les Ruthènes avaient été évangélisés par des Grecs, et après le schisme de Photius (10e s.) et de Michel Cérulaire (11e s.), s’étaient insensiblement éloignés de Rome pour se rapprocher de Byzance. Au 14e siècle, la Pologne annexa les Ruthènes. On créa des évêchés «latins» à côté des évêchés «grecs» (schismatiques), puis un synode ruthène tenu à Brest-Litovsk en 1595 décida la réunion de l’Eglise ruthène à Rome, mettant à égalité les deux rites latin et grec. Le gouvernement appuyait d’ailleurs cette réforme, qui permettait d’apaiser les esprit dans cette région «difficile».
Mais tous les orientaux ne se rangèrent pas dans les rangs catholiques, et une partie du clergé et de la population préférait rester dans le giron de Constantinople-Moscou.
Or nombre de Polonais voyaient mal cette fraction schismatique aux longs offices, aux prêtres ignorants, mariés. Du côté ruthène, on voyait mal le rapprochement avec Rome et l’éventualité du moindre changement liturgique dans le rite oriental.
Finalement, au lieu de deux, on eut trois Eglises en Ruthénie : la latine, la grecque-romaine, et la grecque orthodoxe.
Ioann alla étudier à Vilnius (actuellement capitale de la Lituanie), où il rencontra les pères Jésuites. Pieux, ascète, Ioann prit franchement parti pour l’union avec l’Eglise romaine.
Il entra chez les pères basiliens au monastère de la Trinité de Vilnius, où il prit le nom de Jazafat (biélorus) ou Jozafat (polonais) ou Josafat (ukrainien).
Même cette vie monastique ne le satisfaisait pas. Il cherchait par lui-même la perfection, par la lecture assidue des livres liturgiques traditionnels, des textes sacrés, mais aussi dans la prière et la pénitence. Un groupe se forma autour de lui.
Ordonné prêtre en 1609, Josafat (ce sera le nom couramment utilisé) chercha à prêcher, à controverser, pour ramener les âmes à l’unité romaine. Il s’appliqua au ministère sacerdotal avec zèle, prêchant, confessant, tout en appliquant exactement la règle monastique. Il avait un talent particulier pour assister les condamnés à mort ; il visitait les malades pauvres, leur lavait les pieds, s’efforçait de venir en aide aux miséreux. Son succès fut tel qu’on le surnomma Duszochwat, ravisseur des âmes. Une de ses interventions fut de dénoncer l’archimandrite lui-même (ou supérieur) du monastère, qui était passé secrètement au schisme.
Il fut nommé higoumène, ou prieur, de la fondation basilienne à Byten (Novogrodek), en 1613, puis fut rappelé à Vilnius pour être lui-même archimandrite.
En 1617, Josafat fut nommé archevêque de Polock ; il en profita pour étendre son activité missionnaire. Il constatait que le clergé était très ignare, très loin de l’idéal sacerdotal. Il supplia ses prêtres de revenir à une condition digne du Christ.
Il fit reconstruire la cathédrale Sainte-Sophie de Polock.
Malgré de gros progrès, il restait dans la société d’importants foyers d’opposition à l’archevêque uniate ou philo-romain, et comme le démon sait toujours diviser pour régner, on accusa l’archevêque de vouloir latiniser l’ensemble du rite uniate.
Or, du temps de Josafat, le patriarche (orthodoxe) de Constantinople décida d’ordonner des évêques orthodoxes pour la Ruthénie. Ce fut le départ d’une sourde agitation, puis d’une opposition ouverte contre l’évêque de Polock. La Pologne hésita, puis abandonna les Ruthènes. Josafat fut dans la ligne de mire des schismatiques.
Des partisans de ces derniers, entraînant derrière eux toute une foule de manifestants, vinrent envahir la demeure de l’évêque. Il se présenta de lui-même à la porte de sa chambre. On le frappa, on le foula aux pieds, on le tira dans la cour, tandis qu’il criait Oh, mon Dieu ! et on l’acheva d’un coup de mousquet ; et pour l’outrager, on dépeça un chien sur son corps. Puis on le jeta, nu, dans le fleuve, son cilice attaché au cou et rempli de pierres.
Il mourut en martyr de la foi le 12 novembre 1623.
Peu après, le gouvernement polonais se ravisa et protégea les Ruthènes ; un procès condamna à mort une centaine de participants à l’assassinat de l’Archevêque ; beaucoup d’orthodoxes passèrent au catholicisme.
Josafat Kuntsevych a été béatifié en 1643, et canonisé en 1867. Il est aussi inscrit au calendrier universel de l’Eglise.
On peut voir son corps, momifié, revêtu des ornements sacrés du rite oriental, en la basilique Saint-Pierre à Rome.