Manuel Sancho Aguilar
1874-1936
Manuel vit le jour le 12 janvier 1874 à Castellote (Teruel, Espagne), de Manuel et Agustina.
A treize ans, il entra au collège des Mercédaires à El Olivar, où il reçut tout de suite, sur son insistance, l’habit religieux.
En 1889, il commença le noviciat à Lleida et fit la première profession en 1890.
En plus de ses études normales, il faisait aussi de la musique.
Ses études de philosophie furent promptement achevées, celles de théologie aussi, et il fit la profession solennelle en 1893.
Un jour, un des Pères lui dit : Frère Sancho, il faut que tu deviennes Frère Saint. Et le Frère de répondre : Je vous promets de faire tout ce que je pourrai pour le devenir, avec la grâce de Dieu. Il dut bien passer par différentes étapes, car une anecdote rappelle qu’il céda un jour à la faim et au caprice, allant chiper deux œufs dans le poulailler pour se les frire à la cuisine… avant de reconnaître sa faute et d’en demander humblement pardon.
En 1894, il acheva la théologie à Lleida et fut ordonné prêtre en 1897.
Il fut ensuite pendant seize années à Segre, comme professeur de plusieurs matières, y compris philosophie et théologie, mais aussi écrivant en prose et en vers (et il remporta plusieurs prix dans des concours), composant des messes à quatre voix… Il organisait une soirée théâtrale, mettait en musique un texte biblique, confessait, priait, tout cela avec une simplicité exemplaire et inaltérable.
En 1903, il fut nommé conseiller provincial, plusieurs fois confirmé jusqu’en 1919.
En 1909, il fut désormais à Barcelone, jusqu’en 1925, puis passa à El Puig, à Saragosse (1924), de nouveau à El Olivar (1925), toujours occupé, toujours au travail, à composer, à jardiner, à laver les habits… mais aussi se mortifiant, s’imposant la discipline, mangeant des herbes amères crues, priant des heures devant le Saint-Sacrement… Il répandait la dévotion au Sacré-Cœur.
Il était si qualifié et connu que l’Ordre demanda au Supérieur général de lui conférer directement les grades de docteur en théologie et droit canonique.
Tous le considéraient véritablement comme un Saint - mais hélas pas tous, car on ne sait quel avocat du diable réussit à le dénoncer au Saint-Siège, qui le suspendit pendant plusieurs années.
Quand on voulut ouvrir une maison en Belgique (1927), c’est le père Sancho qui fut choisi. Il contribua aussi à la solennité du 5e centenaire de la restauration de l’Ordre, à El Olivar, composant là encore une messe solennelle et publiant un magnifique ouvrage illustré de cent-quinze pages.
En 1933, le médecin lui imposa un temps de repos ; il put encore faire un aller-et-retour à Rome en 1934.
Arrivèrent les jours sanglants de la révolution : le père Sancho parlait de plus en plus souvent du martyre.
Le 25 juillet 1936, les Mercédaires fêtèrent saint Jacques à Crivillén ; le 1er août, le père Francisco fit une retraite avec les jeunes qui allaient recevoir l’habit. A El Olivar, on pria encore le chapelet : le 2 arrivèrent les bruits de la révolte rouge.
Le médecin vint suggérer aux Religieux d’évacuer la maison ; fraternellement, un des Religieux lui répondit : Adieu, mon fils, nous nous reverrons au Ciel.
La communauté se dispersa. Deux groupes partirent dès le 2 août au soir et le 3 au matin, pour Saragosse. Ceux qui restaient, le père Francisco et le père Manuel, avec des convers et des postulants, attendaient le retour de la voiture.
Ils passèrent la journée du 3 à prier, à cacher les objets de culte. La voiture n’arriva que vers une heure du matin, car les Rouges étaient déjà à Oliete, et on ne pouvait presque pas circuler. Les Religieux décidèrent de partir à pied, chargeant les chevaux avec ce qu’ils pouvaient emporter, et guidés par un berger.
Le 4, ils s’arrêtèrent dans les bois. On envoya deux des convers en reconnaissance vers Oliete. Comme ils ne revenaient pas, la nuit suivante on tenta d’aller au-devant d’eux : on découvrit leurs deux cadavres calcinés. La situation était claire.
Les survivants se préparèrent au martyre. Ils s’enfoncèrent dans la pinède, rejoignirent une maison d’amis qui leur donnèrent à manger quelque chose de chaud.
Le 6 août au matin, ils arrivèrent à La Codoñera ; on les guida vers Alcaine où, semblait-il, les Rouges n’étaient pas arrivés. De là, ils songeaient à gagner Muniesa, mais on le leur déconseilla. On leur proposait plutôt de passer la nuit sur place, mais les Religieux ne voulaient ni mettre en danger les familles, ni s’arrêter ; ils passèrent la nuit du 6 au 7 dans le bois.
Le 7, toujours convaincus que Muniesa était encore libre, ils se mirent en marche, dans l’espérance de célébrer la Messe à l’église, de communier pour le Premier vendredi du mois. Mais à huit heures du matin, leur tombèrent dessus les Rouges qui les fouillèrent de fond en comble. Les Religieux se présentèrent comme venant du couvent de El Olivar, s’offrirent d’eux-mêmes, demandant la liberté des jeunes qui étaient avec eux.
D’autres miliciens arrivèrent, dans un fracas d’insultes et de blasphèmes. Un chef désigna qui ferait partie du peloton.
Les Religieux entonnèrent le Te Deum. Un des jeunes postulants, qui restait avec les Pères, fut écarté au dernier moment. C’est lui qui put raconter tous ces détails plus tard.
Les Pères pardonnèrent aux bourreaux. Ils tombèrent sous les balles, criant encore Vive le Christ roi !
Le père Francisco et le père Manuel furent béatifiés en 2013.