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2e dimanche de Carême – Année A

 

On situe l’existence d’Abraham au XIXe siècle avant Jésus-Christ, environ. Toute son histoire est développée dans le livre de la Genèse.

Quand Dieu lui enjoint de partir du pays de Babylone pour rejoindre la terre de Canaan, notre saint Patriarche s’appelle encore Abram. Le voyage que Dieu lui commande de faire comporte quelque mille kilomètres ! Simplement, Abram plie ses tentes et part, sans discuter.

Il ne faudrait pas imaginer qu’Abram, avec ses troupeaux innombrables, fût un brave berger inculte. Il gérait beaucoup de bestiaux, avec des gardiens nombreux qui travaillaient pour lui, et montrait par son habileté à conduire tout ce monde, qu’il était loin d’être sot !

On entend donc aujourd’hui la bénédiction que Yahvé lui promet et l’hérédité qu’Il lui annonce, alors qu’il n’a pas encore d’enfant. La phrase de Yahvé En toi seront bénies toutes les nations de la terre, ne peut pas du tout signifier qu’Abraham soit l’ancêtre commun des trois religions, juive, chrétienne et musulmane. Yahvé ne pouvait pas fonder lui-même trois religions qui, encore aujourd’hui, se disputent souvent entre elles. Non, Yahwé promet à Abraham que tous ceux qui se référeront à lui en vérité, recevront la bénédiction divine. Il y a, heureusement, de saintes personnes parmi les Juifs et les Musulmans – et l’on assiste aujourd’hui encore à de vraies conversions au Christianisme, mais hélas ! on sait aussi que, officiellement, certains dirigeants vouent une haine implacable contre les Chrétiens.

Donc, Abram a confiance en Yahwé : il part ! Il ne sait pas quelles épreuves il traversera, quelles tribus il rencontrera… Il part, obéissant à la parole divine.

*       *       *

Le Psaume 32 chante la providence divine, avec la harpe, la lyre à dix cordes ; il chante la bonté universelle de Dieu, sa toute-puissance sur toute la création.

Les derniers versets de ce psaume décrivent comment l’oeil de Yahwé est sur ceux qui le craignent : quand Dieu demande à Abram de partir en voyage en pays inconnu, Abram sait qu’il n’a rien à craindre, et il met toute sa foi dans la bonté et la miséricorde de Dieu.

*       *       *

Les quelques lignes de s.Paul à Timothée nous aident à comprendre que Yahwé-Dieu nous fait une grande grâce en nous appelant : pécheurs que nous sommes, nous n’avons aucun mérite à cette vocation ; c’est Dieu qui nous appelle le premier ; heureux sommes-nous si nous savons répondre à cet appel, comme Abram, en nous mettant en route sans regarder en arrière, en faisant confiance en la divine Providence.

Bien sûr, nous serons tentés, et même quelquefois, nous tomberons dans quelque erreur, mais n’ayons pas peur de nos chutes : en même temps que l’épreuve, Dieu nous donne toujours la force de la surmonter, si nous voulons bien accueillir cette grâce.

*       *       *

Mais pourquoi donc l’Église nous fait-elle lire ces extraits avant l’évangile de la Transfiguration ? Et pourquoi Jésus se montre-t-il glorifié avant d’être ressuscité ?

Quelques jours avant cet événement (Matthieu précise même : Six jours), Jésus a annoncé aux apôtres sa passion et sa mort, et Jésus a sévèrement réprimandé Pierre de vouloir s’opposer à cette passion. Et il est bien probable que les autres apôtres aient aussi pensé, sans s’exprimer oralement, que cette annonce de la passion du Maître, les inquiétait.

Lui, Jésus, sait où il va, parce qu’il est consubstantiellement uni au Père éternel. Mais il doit préparer les apôtres à un « voyage » qu’ils ne connaissent pas encore, car depuis trois années, ils ont assisté à beaucoup de discours de Jésus, à beaucoup de miracles, à beaucoup d’épisodes marquants et forts de la vie de leur Maître divin ; et ils sont loin de penser que ce Maître doive affronter tant de douleurs, tant d’humiliations, la mort même. Certes, ils connaissent les passages des prophètes, en particulier ceux où Isaïe parle des souffrances du Serviteur de Yahwé, mais ils sont loin de savoir appliquer ces lignes à leur cher Maître Jésus… Sans doute pensaient-ils, comme nous : Ce sont peut-être des images…

Jésus, après leur avoir annoncé sa Passion, a ajouté : Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Nous qui connaissons la passion du Christ, nous voyons bien que Jésus invite ses apôtres - et nous avec eux - à prendre la croix et à Le suivre. Jésus ne dit pas : Prenez votre croix, vous, mes apôtres, mais : Que toute personne qui veut me suivre, prenne sa croix. Que cette invitation soit bien claire pour chacun de nous. Mais revenons aux apôtres.

Six jours après, donc, Jésus emmène trois apôtres – pas tous, les trois futures « colonnes » de la première chrétienté – sur cette haute montagne, le Tabor. Ce « sommet » de la Galilée est situé tout près de Nazareth et non loin du lac de Tibériade, et à une centaine de kilomètres de Jérusalem.

Transfiguré, Jésus va ainsi réconforter les apôtres en leur montrant la gloire qu’il aurait après sa mort et sa résurrection. Par là donc, les apôtres devaient pouvoir éliminer toute crainte de la passion, sachant bien quelle splendeur allait se manifester à la résurrection du Christ. Le récit lui-même de la Transfiguration est fort bref. Arrêtons-nous à quelques expressions.

Pierre dit, littéralement, Il est bon pour nous d’être ici. Il ne dit pas qu’il est agréable d’être là-haut sur cette montagne déserte de six-cents mètres, mais il ressent un bienfait intérieur, une joie profonde d’être là, en compagnie de Jésus, de Moïse et d’Elie. Comment les a-t-il reconnus ? Sans doute par quelque inspiration, ou par quelques mots du Christ lui-même, puisque, dit l’Evangéliste, ils s’entretenaient avec lui. On peut essayer d’imaginer la conversation de ces trois saints Personnages, Jésus, Moïse et Elie : Moïse a conduit prophétiquement le peuple d’Israël de l’esclavage à la liberté ; Elie, neuf siècles avant le Christ, fut en tête de la longue lignée des prophètes qui annoncèrent la venue du Sauveur. Dieu confirme solennellement ces missions prophétiques et, comme lors du baptême du Christ il y a trois ans, montre que ce Jésus est bien l’aboutissement de tout l’Ancien Testament.

Pierre est rempli d’émerveillement pour cette vision et cette proximité avec le mystère. Les trois « tentes » qu’il voudrait construire ici sont plus probablement des abris, des niches comme on a fait celles de nos cathédrales, qui « abritent », qui honorent les statues qu’on y mettait. Pierre veut honorer Moïse et Elie, en même temps que Jésus.

Cette grande joie a investi toute la personne de Pierre et des deux autres apôtres ; le texte ne dit pas qu’ils ont été « effrayés », mais qu’ils ont été remplis de crainte ; s’ils avaient été à ce point effrayés, ils seraient partis en arrière et seraient descendus du Mont Thabor en courant… Non, ils furent remplis d’une sainte crainte qui les poussa à se prosterner jusqu’à terre, comme cela nous arriverait devant tel ou tel grand personnage. Quand Jésus leur dit Ne craignez pas, Il les rappelle seulement à la réalité : Moïse et Elie ont disparu, la voix du Père s’est tue, Jésus a repris son aspect humain habituel.

*       *       *

Jésus pouvait très bien recommander à ces trois apôtres de réconforter à leur tour les autres apôtres ; au contraire, il leur demande la discrétion, le silence total jusqu’à la résurrection. Résurrection : un mot qu’ils ignorent ! A-t-on jamais entendu parler d’un mort qui serait revenu à la vie ? Lazare peut-être (cf. Jn 11) ? Mais Jésus leur avait bien dit que Lazare « dormait », de même que la fille de Jaïre (Lc 8:41sq) ; et même dans ces derniers cas, Jésus les a bien rappelés à la vie ; mais qu’un mort, de lui-même, reprenne vie, cela n’était jamais arrivé. Ce sera le plus grand miracle de Jésus.

Nous savons, par les évangélistes, que ces mêmes apôtres quittèrent Jésus au moment de son arrestation au Jardin des Oliviers. Au pied de la croix, se trouvaient Marie, sa douce mère, et Jean, le plus jeune des apôtres, avec Marie-Magdeleine, la pécheresse convertie. Ni Pierre, ni Jacques…

Identifions -nous à ces derniers ! Tous, nous sommes concernés par cette fuite, malgré tant et tant de certitudes, de miracles, d’apparitions dont nous avons tous entendu parler. Tous, nous savons bien que Jésus-Christ est ressuscité, et malgré cette certitude, que de chutes, que d’abandons, que de peurs et d’inquiétudes… Que de fois serions-nous bien tentés de nous débarrasser de notre croix...

Demandons à Dieu cette grâce de « rester debout » dans les épreuves. Quand il nous semble que nous n’arriverons jamais en-haut du Calvaire, regardons Jésus, suivons Marie ! Jusqu’au bout ! Après, ce sera la résurrection et la splendeur céleste !

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Published by samuelephrem - dans Homélies - année A
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7e dimanche per annum - A

 

Le troisième livre de la Bible, le Lévitique ou Livre des Lévites dont nous lisons un petit extrait aujourd’hui, contient presque uniquement des prescriptions rituelles. Ici il s’agit de la “loi de sainteté”, prescrivant à toute l’assemblée des fils d’Israël un ensemble de dispositions très exigeantes pour que ce petit peuple sache se conserver dans l’état de sainteté. 

Il est impossible d’éviter cette évidente question : Comment puis-je, moi, pauvre homme pécheur, être saint, comme le Seigneur Dieu est saint lui-même ? Cette phrase du chapitre 19 reprend une phrase semblable du chapitre 11 : Vous serez donc saints parce que je suis saint (Lv 11:45). 

Puis-je être comme Dieu ? N’est-ce pas justement la tentation qui trompa Adam et Eve : devenir comme Dieu ? (cf. Gn 3:5).

Le problème est la signification du mot saint, kadosh en hébreux. Être kadosh, c’est littéralement être “séparé”, différent. Dieu est totalement différent de la création, par son invisibilité, sa toute-puissance, sa perfection dans le Bien, son complet détachement du Mal ; à l’image de Dieu, le fidèle doit être différent du monde païen qui l’entoure, se démarquer des habitudes mauvaises du milieu où il vit, en témoignage de son appartenance au Peuple de Dieu. Ainsi vivait Noé, ainsi vivait Lot (le neveu d’Abraham) dans cette triste ville de Sodome, ainsi se sont efforcés de vivre les premiers Chrétiens, dont parle la Lettre à Diognète, cette lettre d’un auteur anonyme du deuxième siècle, un des monuments de la première littérature chrétienne : 

Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes… Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre… Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens… Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair… Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute… On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire… On les insulte, et ils bénissent. On les outrage, et ils honorent. Alors qu’ils font le bien, on les punit comme des malfaiteurs… En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde… L’âme habite dans le corps, et pourtant elle n’appartient pas au corps, comme les chrétiens habitent dans le monde, mais n’appartiennent pas au monde.

Le texte du Lévitique lu aujourd’hui nous montre la “différence” de Dieu : il n’a aucune haine, il ne se venge pas, il ne garde pas de rancune, et fondamentalement, essentiellement, il aime le prochain comme lui-même

Oui, Dieu s’aime lui-même, parce qu’il est le Bien absolu, et qu’il aime le Bien. C’est un Docteur de l’Eglise, John Duns Scott, qui écrivit cette phrase si forte de sens : D’abord, Dieu s’aime lui-même (Primum Deus diligit se). Dieu veut que nous lui ressemblions en tout cela.

Ceci nous aide à nous rappeler que la sainteté ne consiste pas à faire des choses extraordinaires, des miracles. Saint Bernard ou saint Antoine de Padoue ont fait beaucoup de miracles, mais pas saint François d’Assise. La mission d’un Saint diffère parfois beaucoup de celle d’un autre. Mais ce qui les rapproche tous, c’est ce combat intérieur fidèle et constant qui les a fait ressembler toujours plus à la Perfection divine, dans l’Amour sans limite.

On sait comment saint Martin partagea son manteau avec un pauvre, comment saint François domina la répugnance naturelle pour embrasser un malheureux lépreux, comment le roi saint Louis lavait les pieds aux pauvres, comment saint Vincent de Paul prit la place d’un galérien qui n’en pouvait plus et qu’on battait sans pitié, comment saint Maximilien s’offrit pour remplacer un condamné à mort dans le bunker de la faim… Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, au fond de son monastère de Lisieux, n’a fait aucun miracle avant sa mort, vivant dans l’effacement le plus total, et voilà qu’après sa mort, c’est une pluie de grâces qui retomba dans le monde entier, au point qu’elle devint la Patronne des Missions.

 

*       *       *

 

La sainteté de Dieu, sa “différence” est à son tour chantée dans le psaume 102 : il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il te couronne d’amour et de tendresse… Il ne nous rend pas selon nos offenses. Et notons cette comparaison bien typique du psalmiste : Aussi loin qu’est l’Orient de l’Occident, il met loin de nous nos péchés.

Quand nous aurons renoncé à toute vengeance, à toute rancune, nous arriverons nous aussi à éloigner notre mémoire des péchés des autres, autant que l’Orient est loin de l’Occident.

 

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Pardonner, renoncer à toute vengeance, sont des attitudes que le monde alentour souvent ne comprend pas, et même refuse. On prétextera qu’il faut venger l’honneur bafoué, qu’il faut relever un défi, qu’il faut prendre sa revanche, mais saint Paul appelle cela une fausse sagesse, une sagesse à la manière d’ici-bas et nous propose une sagesse bien meilleure, mystérieuse et ô combien plus réconfortante.

Rappelons-nous une des Béatitudes que nous lisions il y a trois dimanches : Heureux les doux, ils posséderont la terre !, c’est-à-dire qu’ils la domineront, car ce sont eux les véritables maîtres de la terre, ayant appris à se maîtriser eux-mêmes. Ceux-là sont sans sagesse aux yeux du monde, mais ils ressemblent à Dieu.

A la fin de notre extrait, saint Paul “taquine” les Corinthiens : puisque vous vous jugez si sages et si savants, soit, vous êtes les maîtres, les plus forts… mais par votre baptême, vous avez droit à une sagesse bien supérieure, car vous appartenez au Christ, ce même Christ qui est Fils de Dieu et Dieu lui-même !

 

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Dans l’évangile le Christ va justement nous dire quelque chose de plus. 

S’il semble que Jésus s’oppose au précepte Œil pour œil, dent pour dent, c’est, comme Il l’a dit Lui-même, non pas pour l’abolir, mais pour le porter à sa juste application.

Dans le contexte de la Loi donnée à Moïse, ce précepte signifiait de la part de Dieu que chaque faute méritait une expiation juste, un sacrifice, en attendant la venue du Christ. Cette loi fut interprétée par les scribes comme une loi morale impitoyable.

Avec Jésus, qui va donner sa propre vie en sacrifice, nous apprenons un précepte supérieur : Prendre sur soi-même ! Pardonner ! Tendre la joue gauche après avoir reçu une gifle sur la joue droite ! Pas si facile, peut-être, mais attitude autrement noble que celle de se venger. Ici aussi l’exemple héroïque d’une grande Sainte nous aidera.

On a parlé souvent de sainte Rita, “la Sainte des impossibles”, mais on ignore l’un des détails de sa vie. Son mari avait été assassiné, dans une de ces rixes habituelles de cette époque, la laissant seule avec ses deux petits garçons ; pensant à leur salut par-dessus tout, elle pria Dieu de leur enlever la vie, plutôt qu’ils ne soient un jour pris par quelque désir de vengeance. Or en grandissant, inévitablement ces garçons fréquentèrent les gens du pays, finirent par apprendre la vérité et commencèrent à parler de “sauver l’honneur de leur père”. Maman Rita pria plus que jamais, renouvelant son saint propos, et voilà que coup sur coup ses deux garçons devinrent malades et moururent en peu de temps avant de céder à leur tentation. Rita était bien éprouvée, certes, mais elle était en paix et heureuse que ses garçons n’avaient pas été homicides à leur tour. Merci, Seigneur, pour cet exemple héroïque ! Comme l’Eglise a bien fait d’inscrire sainte Rita au calendrier des fêtes (le 22 mai). 

Les conseils que Jésus nous donne ensuite, sont d’autres exemples d’application de la charité et du pardon, qui doivent nous guider dans notre vie.

Donner son manteau en plus de la tunique qu’on nous demande, accompagner un ami deux fois plus loin qu’il ne l’a demandé, c’est peut-être problématique, mais avec la lumière de l’Esprit Saint que nous demanderons dans la prière, nous recevrons des «idées» pour venir vraiment en aide à qui nous demandera. Il appartient à chacun d’y réfléchir et de trouver des réponses dignes de notre vocation chrétienne.

Aimer l’ennemi, prier pour les persécuteurs… est-ce possible ? Oui, les Martyrs nous en ont donné beaucoup d’exemples ; maintes fois, par exemple, ils ont remis de l’argent à leur bourreau,  leur disant explicitement qu’ils pardonnaient aux responsables de leur mort. Dans certains pays dévastés par la guerre civile et fratricide, ce qui permet de reconstruire une société agonisante, c’est justement ce message de pardon que proclame l’Eglise à tous ses enfants, et qui porte de vrais fruits.

 

*       *       *

 

Tout ceci est difficile, et même parfois très difficile. Mais Dieu sait ce qu’Il nous demande ; Il n’attend pas de nous la perfection pour aujourd’hui, mais l’effort vers cette perfection, un combat persévérant. Voyons comment l’exprime la Prière du jour : Accorde-nous de conformer à ta volonté nos paroles et nos actes, dans une inlassable recherche des biens spirituels.

Saint Paul écrit (1Co 10:13) : Dieu ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces. Avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter. 

Il faudra combattre, la grâce nous aidera à remporter la victoire sur notre moi égoïste, et cette victoire nous procurera une telle paix que nous en concevrons ensuite une immense joie, telle que la chante l’antienne de Communion : 

De toute mon âme je rendrai grâce… j’exulterai, je danserai auprès de toi (Ps 9).

 

 

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Published by samuelephrem - dans Homélies - année A
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6e dimanche per annum - A

 

Ecoutons fidèlement l’enseignement de Jésus, comme si c’était la première fois, comme si nous le rencontrions en Palestine après son Baptême, après qu’il ait appelé les premiers apôtres et opéré ses premiers miracles. En un mot : écoutons notre Maître avec des oreilles nouvelles, avec un cœur nouveau, sans laisser notre esprit à l’illusion du “déjà entendu”.

 

*       *       *

 

Avant de parler de ce Discours sur la Montagne, nous entendons en ce jour un petit extrait très important du Siracide (la Vulgate l’appelle Ecclésiastique), un livre qui ne fait pas partie du canon juif, mais qui fut connu et cité par les rabbins.

Le verset qui précède immédiatement l’extrait d’aujourd’hui est une référence fondamentale pour la doctrine de la liberté : C’est (le Seigneur) qui au commencement a fait l’homme et l’a laissé à son conseil.  

En créant l’homme à son image, Dieu l’a rendu participant de la Liberté divine, de cet état ontologique d’adhérence au Bien. Dieu ne peut faire le mal, parce qu’Il est fondamentalement libre. Dans son état initial, créé à l’image et la ressemblance de Dieu, l’homme était naturellement libre et porté vers le Bien. Dieu n’a commandé à personne d’être impie, il n’a permis à personne de pécher. Quand l’homme fut tenté et hésita entre obéir ou désobéir, il perdit sa liberté ; abusant de sa liberté, il la perdit et sombra dans le péché. C’est depuis lors qu’il est sans cesse dépendant de son libre arbitre, du choix qu’il doit faire entre telle ou telle action.

Un enseignant de théologie, et non des moindres, disait à ses élèves que, si Adam a péché, la responsabilité première en revenait à Dieu, qui l’avait laissé libre… Etrange doctrine. L’Ecriture nous dit bien aujourd’hui : Il dépend de ton choix de rester fidèle.

 

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L’extrait du psaume 118 mérite son petit commentaire aujourd’hui. Le psaume 118 est le psaume le plus long des cent cinquante psaumes de l’Ecriture. Ce psaume est dit “alphabétique”, car les huit vers de chaque strophe commencent par l’une des vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu. Les cent soixante-seize versets de ce monument à la fois mystique, poétique et littéraire constituent ainsi vingt-deux strophes réparties sur chaque jour de la prière hebdomadaire de la Liturgie des Heures. Les versets que nous relisons aujourd’hui à la Messe sont pris aux strophes 1, 3 et 5.

Chacun de ces versets contient tour à tour l’un de ces mots fondamentaux qui désignent la Loi : témoignage, précepte, volonté, commandement, promesse, parole, jugement, voie. Le mot loi et tous ces synonymes sont à prendre ici dans le sens le plus large d’enseignement révélé, tel que l’ont transmis les prophètes.

Plus particulièrement, quand David demande au Seigneur : Sois bon pour ton serviteur, et je vivrai, il entend par cette vie la plénitude de l’épanouissement dans la joie divine, un émerveillement mystique devant l’immensité divine, quelque chose qui doit ressembler à l’extase, mais que seuls de grands Saints ont pu connaître.

Sans arriver jusqu’à ce degré d’union intime avec Dieu, nous sommes sans cesse appelés à en recevoir la Sagesse, une grâce divine qu’on énumère dans les Dons du Saint-Esprit. 

 

*       *       *

Pour recevoir cette grâce, il faut réellement se démarquer de la (fausse) sagesse de ceux qui dominent le monde et qui déjà se détruisent, nous dit l’Apôtre Paul ; qui ajoute plus loin qu’Aucun de ceux qui dominent ce monde n’a connu (la sagesse de Dieu).

La citation que fait Paul de l’Ecriture (Ce que personne n’avait vu de ses yeux…) est une combinaison très réussie de deux extraits des prophètes Isaïe et Jérémie (Is 64:3 ; Jr 3:16). On prétend parfois que la pensée de Paul est incompréhensible ; en réalité elle est difficile, certes, surtout si l’on est encore trop tributaire de la “sagesse du monde”. Ce qu’on a dit précédemment n’a rien de très difficile à comprendre : ce qui est difficile est plutôt de faire passer dans notre quotidien cette Sagesse divine qui nous manque si souvent. La Sagesse de Dieu est une grâce qu’il faut demander avec persévérance, à l’image du jeune Salomon (cf. Sg 9).

 

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Ecoutons maintenant la Sagesse incarnée, Jésus, donner son premier enseignement à ses disciples sur la Montagne (une des collines proches de Capharnaüm). Il faut essayer de se mettre parmi eux et imaginer ce que pourrait être leur état d’esprit, dans ces premiers pas qu’ils font avec le Sauveur. Ils ont d’abord suivi Jean-Baptiste, puis trouvé cet Homme qui les a fascinés par son Verbe, par son attitude, sa bonté inaltérable, ses premiers miracles aussi : pour eux cet Homme est une sorte de leader, quelqu’un qu’on écoute volontiers parce qu’il leur parle d’une façon nouvelle, et dont ils attendent évidemment qu’il apporte un réel changement à leurs conditions de vie, sociale et politique. 

Alors Jésus les met immédiatement au diapason : il ne va rien changer à la Loi et aux Prophètes ! rien abolir ! Il va accomplir ! Stupeur, étonnement des auditeurs : ils sont habitués à entendre chaque Sabbat les versets, les préceptes de la Loi qu’on leur lit et qu’on leur rabâche inlassablement ; ils pensent désormais les connaître par-cœur et voilà que Jésus prétend les porter à leur accomplissement… Avec quelle curiosité vont-ils maintenant écouter ce qui va suivre, en retenant leur souffle.

C’est là que commencent les Béatitudes que nous avons lues il y a quinze jours, puis l’appel, dimanche dernier, à être le Sel et la Lumière du monde. Aujourd’hui donc, Jésus nous donne un ample enseignement sur ce que doit être notre vie intérieure, en évitant de nous contenter de pratiques extérieures et de rites habituels. Il est sans doute inutile de redire ce que Jésus dit si clairement. Mais ne passons pas trop vite sur certains versets, que nous croyons avoir déjà entendus cent fois et que nous survolons trop rapidement, pour les mettre vraiment en pratique dans notre vie.

Nous voyons que Jésus assimile la colère à un meurtre. Les gens se mettent très souvent en colère : les protestations et les rébellions de tout genre portent la marque de la colère et nous y sommes presque habitués., au point que nous avons oublié que la colère est un des péchés les plus graves et qu’on appelle un vice. On se reportera utilement à ce sujet aux articles 1866 et 1867 du Catéchisme de l’Eglise Catholique. 

C’est que la colère est un très grave manquement à la charité ; Dieu est Charité, dit saint Jean (1Jn 7:8). Pécher contre la Charité, c’est donc pécher directement contre Dieu, auteur de la Vie ; c’est un acte de mort. 

Des dix Commandements de Dieu, les trois premiers concernent directement le culte envers Dieu, et le quatrième le respect envers les parents, notre première autorité dans la vie. Le cinquième Commandement concerne justement la vie : Tu ne tueras pas. Maudire et calomnier, sont des attitudes meurtrières, parce que contraires à l’Amour : Un coup de langue est parfois plus mauvais qu’un coup de lance, avons-nous appris dans nos vieilles leçons de morale.

Jésus parle ensuite de l’adultère, se référant ici au sixième Commandement de Dieu : Tu ne commettras pas l’adultère. La banalité qu’est devenue l’adultère à toutes les époques et plus encore aujourd’hui, pourrait nous faire oublier l’extrême gravité de ce péché, un péché si grave aux yeux de Dieu, qu’Il n’a pas de comparaison plus forte pour exprimer par la bouche du prophète Osée le péché dans lequel est tombé tout le peuple d’Israël. Osons le dire fortement : l’adultère est une infidélité, la rupture d’un serment solennel, une trahison.

Enfin, le Divin Maître parle des serments et de la sincérité, se référant au huitième Commandement. Quand Il condamne les serments, il n’interdit pas les promesses solennelles, mais Il nous avertit que notre parole ne doit dire que des choses justes et vraies. Plus tard, Jésus sera encore plus incisif en nous disant : De toute parole sans fondement (verbum otiosum) que les hommes auront proférée, ils rendront compte au jour du jugement (Mt 12:36). Ce n’est pas par hasard que le Fils de Dieu a été appelé le Verbe, étant l’expression-même de la Vérité (cf. Jn 1). A notre tour, notre verbe doit refléter toujours cette Vérité.

Puisqu’on a rapproché les Commandements de Dieu de l’enseignement du Christ sur la Montagne, on pourra demander maintenant pourquoi il a “sauté” une référence au septième Commandement, concernant le vol. Peut-être parce que le vol, plus que tout autre péché, est très fortement ressenti dans notre conscience, suffisamment pour qu’il ne soit pas utile de le commenter. Mais aussi, plus simplement, parce que notre Sauveur n’a pas explicitement choisi de commenter les dix Commandements de Dieu, lesquels d’ailleurs ne se trouvent pas tels quels dans l’Ecriture, mais en sont un condensé pratique à l’usage des fidèles (voir là-dessus l’Abrégé du même Catéchisme, pp. 172-175).

 

*       *       *

 

Jésus donc, dans le Discours sur la Montagne, expose à ses disciples comment accomplir vraiment la Loi, en la vivant profondément dans notre cœur, dans un amour toujours plus grand de Dieu et du prochain. C’est une grâce à demander à Dieu, non pas parce qu’Il ne nous l’accordera que si nous la Lui demandons, mais parce qu’en la demandant, nous Lui ouvrons déjà notre cœur pour la recevoir mieux.

Relisons bien la Prière du jour : Dieu, qui veux habiter les cœurs droits et sincères, donne-nous de vivre selon ta grâce…  

Amen.                                                                                                                                                                                                    

 

 

 

 

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5e dimanche per annum - A

 

 

Dimanche dernier, le prophète Sophonie nous parlait du Reste d’Israël, ce petit noyau très minoritaire d’où devait sortir la résurrection du Peuple choisi. 

Jésus-Christ n’a jamais promis à ses disciples d’être nombreux, forts, majoritaires, mais il leur demande d’être ce petit troupeau, ce ferment que les chrétiens doivent insérer dans le monde, un témoignage de charité envers tous, sans distinction. 

 

*       *       *

 

Aujourd’hui, le prophète Isaïe appelle Israël à cette générosité envers le pauvre, exposant déjà au 8e siècle avant Jésus-Christ cette charte de l’amour fraternel. Prochainement, quand arrivera la période du Carême, l’Eglise nous fera lire cette même lecture du prophète (le samedi après le Mercredi des Cendres).

On le voit, l’Ancien Testament avait déjà ces mêmes exigences que nous enseigne la charité évangélique : partager, accueillir le pauvre, vêtir le malheureux.

On se souviendra de l’empressement que montre Abraham à recevoir ses trois mystérieux visiteurs à Mambré (Gn 18:1-15), de celui de Tobie qui n’hésitait pas à se lever, et à quitter la table, pour aller ensevelir un mort (cf. Tb 12:13).

Un autre exemple lumineux d’hospitalité nous vient de l’attitude de saint Phocas au 4e siècle : il hébergea fraternellement ceux-là même qui étaient envoyés pour l’arrêter et le décapiter à cause de sa foi (sa fête est au 5 mars). Et saint Benoît prescrit dans sa Règle (ch.53), de saluer les hôtes par l’inclination de tête ou même la prostration jusqu’à terre, adorant en eux le Christ.

Le prophète recommande aussi des attitudes de paix et d’humilité. Faire disparaître le joug, c’est ne pas se mettre au-dessus de l’autre, c’est reconnaître que nous avons tous le même Maître dans les Cieux (cf. Mt 23:8). Le geste de menace n’a pas à être commenté ; saint Paul le rappellera aussi aux maîtres : laissez de côté les menaces (cf. Eph 6:9).

Notre vie ne serait-elle pas plus «lumineuse» si nous évitions davantage toute attitude conflictuelle ? Dieu est-il content de nos bagarres, de nos disputes, parfois quotidiennes ?

C’est donc par ces attitudes toutes simples que le juste irradiera la lumière, cette lumière dont Jésus va nous parler tout-à-l’heure dans l’évangile.

 

*       *       *

 

Le psaume 111 chante ce juste qui craint le Seigneur et reprend les idées du prophète Isaïe.

Mais on relèvera ici une expression du psaume : Il ne craint pas l’annonce d’un malheur. Le texte initial dirait plutôt : «Il n’aura pas peur d’entendre quelque chose de mal», ce que saint Augustin commente comme étant cette parole terrible du Juge qui dira aux condamnés : Allez au feu éternel, préparé pour le démon et ses anges (cf. Mt 25:41, in Sermon sur le psaume 95). Ce que leur reproche en effet le Christ dans cette parabole du Jugement dernier, c’est d’avoir manqué à la charité.

 

*       *       *

 

Mais pourquoi le prophète et le psalmiste mentionnent-ils particulièrement le pauvre, le malheureux ? C’est que Jésus nous demandera explicitement de prêter sans rien attendre en retour (Lc 6:34-35).

C’est cette charité sans borne qui fera des Chrétiens la lumière et le sel de la société. 

Le sel, dissout dans les aliments, ne se voit pas, mais manque beaucoup lorsqu’on l’oublie ! Mais attention à n’en pas abuser : il faut une juste dose, sans excéder ! autrement dit : être discrets. 

La lumière dont a besoin le monde, est cette référence à la Loi de Dieu qui permet de sortir de la noirceur quotidienne des conflits et des jalousies continuelles.

 

*       *       *

Même si l’épître aux Corinthiens n’a pas de lien direct avec ce qui précède, car on en lira des extraits pendant plusieurs dimanches de suite, l’attitude de l’apôtre Paul est pour nous un encouragement.

Devant ces Corinthiens qui se vantaient tellement de leurs raisonnements, de leurs doctrines philosophiques savantes, l’apôtre du Christ se fait tout petit, et leur rappelle, non sans une pointe d’humour, qu’il est tout juste venu leur parler… d’un Crucifié, d’un Condamné à mort. 

C’est cette humble prédication qui a fait de Paul une lumière, une référence doctrinale, à la suite de notre Maître qui s’est «contenté» de prendre sa croix et d’y mourir.

 

*       *       *

Comment réussir, nous, pauvres pécheurs, à être lumière, dans une vie si pleine d’embûches, si agitée, si bruyante ? Où trouver cette force intérieure qui nous aidera à entretenir notre lampe à huile toujours allumée ?

Seuls, nous sommes faibles, tentés. Avec la grâce de Dieu, nous sommes forts. C’est pourquoi, dans la Prière du jour, nous demanderons à Dieu sa constante protection.

 

Ne laissons pas le prêtre tout seul quand il prononce ces paroles. Avec lui, demandons à Dieu sincèrement cette protection, de tout notre cœur, confiants que Dieu nous aidera.


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4e dimanche “per annum” - A

 

En ce 4e dimanche “per annum”, commence le long et magnifique Discours sur la Montagne. Les deux lectures vont nous y introduire.

 

*       *       *

Sophonie prophétisait sept siècles avant le Christ, mais on pourrait croire qu’il venait d’entendre le Sermon sur la Montagne du Christ : il nous parle des humbles, de la justice. 

Le peuple petit et pauvre encore une fois doit s’entendre ici comme “doux et humble”. Les mots hébreux originaux n’étaient pas absolument interchangeables, mais se sont rapprochés dans les traductions grecque, puis latine, dans un contexte directement lié au langage du Christ. 

Le Reste d’Israël revêt pour nous un grand intérêt. Le Prophète explique en effet que seule une minorité de Justes ne commettra plus l’iniquité, renoncera au mensonge, pourra paître et se reposer sans être effrayé par personne.

D’abord, il nous vient souvent à l’esprit cette sorte de peur, de vertige, en constatant combien nous sommes minoritaires dans la société, et certains sont tentés de penser que “bientôt” le groupe des chrétiens pourrait disparaître.

D’un autre côté, nous nous lamentons souvent sur tous ceux qui nous déçoivent par leurs attitudes mensongères et leurs injustices ! Quelle tentation n’avons-nous pas de nous rebeller, de nous fâcher, de nous venger même. 

A ces deux “tentations” le Christ nous a répondu. D’une part, le “petit Reste” a toujours été ce “levain” biblique d’où est sortie la résurrection spirituelle d’Israël, soit après une période d’athéisme, soit après l’exil, soit après une persécution. C’est toujours cette petite minorité qui redonne l’espérance et ramène l’ordre perdu. D’autre part, l’agitation, qu’elle soit dans notre cœur ou dans la rue, n’a jamais conduit à de bonnes solutions. L’agitation ne vient pas du Christ. Nous chercherons sans doute souvent à nous justifier par le prétexte de ne pas nous “laisser manger”, mais là n’est pas l’enseignement du Maître Divin. Sinon, il aurait Lui-même été le premier à susciter un mouvement de révolte ; au contraire : Penses-tu que je ne puisse faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d’anges ? (Mt 26:53). 

Christ ne s’est jamais révolté.

 

*       *       *

 

Il faudrait dire maintenant un mot sur le psaume 145, où l’on voit encore ici le Seigneur se mettre aux côtés des opprimés, des affamés, des prisonniers, des aveugles, des accablés, des justes, des étrangers, des veuves et des orphelins. Ici aussi une pensée de révolte pourrait envahir notre cœur, en pensant à tant de malheureux de notre monde : orphelins et veuves, victimes de la guerre, de l’injustice, des rapines, des vengeances, des épidémies, des catastrophes… Où donc est la main de Dieu ? Que fait ce “Seigneur tout puissant”, demandent beaucoup de gens. 

Il est très difficile d’entrer dans la “Providence” de Dieu. Pourquoi celui-ci est frappé, et pas celui-là ?

 

*       *       *

 

On pourrait dire que c’est d’une telle “folie” que parle s.Paul dans l’extrait aux Corinthiens : Dieu a choisi ce qu’il y a de fou dans le monde pour couvrir de confusion les sages. Il rappelle que c’est Jésus Christ qui est notre Sagesse, notre Justice (encore une fois), notre sanctification, notre rédemption. Tentons quelques réflexions succinctes sur chacune de ces Béatitudes.

 

*       *       *

 

Jésus monte sur la montagne, comme autrefois Moïse reçut la Loi de Dieu sur la montagne de l’Horeb. Moïse y reçut une Loi provisoire, dans l’attente du Messie ; aujourd’hui, le Verbe incarné nous donne de Lui-même Son enseignement. Aux préceptes de l’ancienne Loi, Jésus apporte la vie que donne l’amour de cette Loi. Il ne s’agit plus d’appliquer les articles de la Loi comme on respecte les articles du code de la route, il faut les vivre dans le plus profond de notre cœur, avec la joie intime d’être dans l’amour de Dieu.

1. Etre pauvre ne signifie pas simplement ne rien avoir. Etre pauvre selon Christ signifie : ne pas être attaché, ni aux choses, ni aux personnes, ni à soi-même, ni à la vie ; c’est savoir s’en remettre totalement à la volonté de Dieu. C’est le premier vœu que font les religieux. Mais ceux qui possèdent quelque chose, peuvent très bien être en même temps très pauvres, s’ils savent utiliser leurs biens au service des autres. L’ami de Jésus, Lazare, était fort riche, dit-on, et mettait sa fortune au service de Jésus et de ses amis.

2. Quand on s’est ainsi dépouillé, on éprouve souvent un grand sentiment de douceur envers tous et envers tout. Mais en même temps, Dieu donne une grande force intérieure : si je me suis libéré de la terre, celle-ci ne pourra plus m’abattre, parce que ma vie est ailleurs ; même conditionné par la terre, je n’en suis pas esclave. Dans le texte, Jésus dit précisément : “Heureux les doux, parce que ce sont eux qui possèderont la terre” ; ils en seront les maîtres, par leur force intérieure.

3. Le dépouillement est parfois un arrachement difficile ; mais il ne l’est plus quand on a compris quel gain spirituel on obtient en compensation. Le monde est tellement triste, avec ses guerres, ses orgueils, ses jalousies, ses ambitions, ses jeux. Il y a vraiment de quoi pleurer sur une société où les uns et les autres ne pensent pas (ou pas assez) à Dieu. A ceux qui pleurent ainsi, Dieu promet la consolation, “mais pour plus tard”, comme a dit la Vierge Marie à sainte Bernadette, la voyante de Lourdes.

4. La quatrième béatitude évoque la faim et la soif de la justice. Ius en latin, est le Droit. Le seul Juste est, par essence et par excellence, le Christ : Le juste fleurira comme le palmier (Ps 91,13). Avoir faim et soif de justice, c’est désirer ardemment l’Eucharistie où l’on reçoit le Corps et le Sang du Seigneur. Oui, ceux-là seront rassasiés, dit Jésus. 

5. Le vrai Juste sait être miséricordieux. Dieu nous juge parfaitement parce qu'Il nous connaît parfaitement. Sa justice est miséricordieuse. Pour exprimer un jugement qui soit le plus “juste” possible, il faut tenir compte de l’imperfection de chaque être ; savoir nuancer son propre jugement, c’est se montrer magnanime et miséricordieux, et c’est pourquoi Jésus s’adresse ici aux miséricordieux, leur promettant miséricorde pour eux aussi. Il le dira d’ailleurs quelques versets plus bas (Mt 6:14).

6. La béatitude des cœurs purs doit être comprise positivement. S’en tenir aux conseils de “ne pas” faire ou dire ou lire, n’est pas très instructif ni formateur. Il faut pouvoir parler de tout sans malice, sans fausseté, sans “double jeu”, avec simplicité et prudence, pour que tout soit dit selon la Vérité et avec la Charité. Chaque être a droit à la Vérité et à la Charité ; il ne faut pas les leur masquer. Pour être dans la Vérité et dans la Charité, il faut vivre en Christ avec ferveur, de sorte que, comme Christ, “nous verrons Dieu”.

7. Plus on avance dans la pratique des Béatitudes, plus on s’unit intimement avec Jésus Christ, jusqu’à s’identifier avec Lui. Précédemment on L’a reçu dans l’Eucharistie, maintenant Jésus promet aux artisans de paix d’être appelés fils de Dieu, ni plus ni moins, comme Lui-même est Fils de Dieu par nature. 

8. Cette ressemblance va s’accomplir encore plus ontologiquement lorsque, à la suite du Christ, les chrétiens seront persécutés pour la Justice. Il faudrait écrire Justice avec une majuscule, parce qu’elle représente pleinement le Fils de Dieu.

Après ces huit béatitudes, en arrive une neuvième où Jésus change de ton. Jusqu’ici Il a dit : Heureux tels et tels. Maintenant : Heureux êtes-vous, vous qui m’écoutez, vous qui lisez l’Evangile maintenant. Les Béatitudes ne concernent pas une espèce de gens inconnus, une race idéale, intouchable : elles nous concernent tous, et après avoir énoncé cette merveilleuse Charte, Jésus nous avertit de ne pas nous endormir sur notre pauvreté, notre douceur, notre justice, notre paix : il faudra être forts dans le combat, au milieu des contradictions, des persécutions, des insultes… Abondante (copiosa !) sera votre récompense dans les cieux. Réjouissez-vous donc alors. 

Nous fêtons ces jours-ci (le 21 janvier) sainte Agnès. Douze ans, l’âge de nos collégiennes de Sixième, à peine sorties de l’école primaire ! Ayant refusé de sacrifier aux idoles, elle devait être décapitée. Et comme le bourreau n’osait pas frapper cette jeune créature délicate, c’est elle qui le pressait. Même le juge était frappé de la joie qu’elle avait de quitter la terre pour rejoindre le Christ.

 

*       *       *

 

A priori, tous les malheureux, tous les blessés, toutes les victimes, rejoignent les bienheureux des Béatitudes : les affligés qui seront consolés, les doux qui posséderont la terre, les affamés qui seront rassasiés, les persécutés qui seront grandement récompensés dans le Ciel.

Mais ajoutons aussi que beaucoup de maux de la terre viennent des hommes, et non pas de Dieu. Les guerres sont habituellement générées par l’orgueil et l’injustice des hommes. Les mensonges dont est truffée la vie sociale, viennent des hommes aussi : Dieu ne dit jamais de mensonges !

Il ne faut pas oublier que la souffrance “invisible” des uns l’emporte de beaucoup sur celle “visible” des autres.

La souffrance d’ici-bas, si grande, si injuste soit-elle, est pour un temps seulement. Nous savons que cette vie est brève, et que c’est l’éternité qui nous attend ensuite. Dans l’éternité, ceux qui auront souffert obtiendront leur récompense, et celle-ci sera d’autant plus grande que leur patience aura été persévérante maintenant. C’est la justice qui sera récompensée, la vérité, l’humilité. 

Cette patience n’est pas innée. Mais la grâce de Dieu ne fera jamais défaut à ceux qui la Lui demanderont. L’amour vrai de Dieu et du prochain nous aidera à surmonter beaucoup d’épreuves. Ainsi pouvons-nous demander, dans la Prière du jour, d’ adorer (Dieu) sans partage et d’avoir pour tout homme une vraie charité.

 

 

 

 

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3e dimanche per annum - A

 

Précédemment, nous avons fêté le Baptême de Notre-Seigneur, le premier de nos «Mystères lumineux» du Rosaire. Nous allons vivre aujourd’hui le troisième de ces Mystères lumineux : l’annonce du Royaume et l’appel à la Conversion.

 

*       *       *

 

Nous entendons d’abord le prophète Isaïe annoncer, huit siècles déjà avant la naissance du Christ, que le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière, puisqu’en effet le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ont été couverts de gloire.

Ces régions de Zabulon et Nephtali sont à l’ouest de la Mer de Kinneret ou Lac de Tibériade, où se trouvent beaucoup de localités célèbres de l’Evangile : Tibériade, Magdala, Gennésareth, Capharnaüm, plus loin Cana, Nazareth, le Mont Thabor.

Les peuples qui y habitent devaient donc recevoir cette grande lumière, l’allégresse, la joie de l’annonce apportée par le Sauveur : l’annonce du Royaume !

La victoire sur Madiane est cet épisode des Juges (Jg 7), où Gédéon et trois cents hommes seulement semèrent la terreur dans le camp madianite, simplement en sonnant du cor et en brisant des cruches, au point que les assiégés, se réveillant en pleine nuit, soit s’entretuèrent soit s’enfuirent, poursuivis puis achevés par les habitant des tribus ralliées à Gédéon. Israël retrouva ainsi la paix, pas pour longtemps hélas, puisque quarante ans à peine après cette victoire, on retombait dans l’idolâtrie.

 

*       *       *

 

Malgré cette rechute, malgré toutes nos chutes quotidiennes, nous pouvons expérimenter et rester convaincus que seul Le Seigneur est (notre) lumière et (notre) salut.

Tel est le chant du psaume 26. Nous n’en méditons aujourd’hui que trois strophes, dans lesquelles le psalmiste David exprime la confiance totale qu’il a en Dieu. Certes, David a connu l’erreur, est tombé dans le péché, mais il ne s’est jamais rebellé contre Dieu : sa volonté est restée constamment tendue vers Dieu.

C’est cette constance dans la volonté qui peut nous permettre, avec lui, d’habiter la maison du Seigneur tous les jours de (notre) vie.

Dieu en effet, ne compte pas chacune de nos fautes : Il veut seulement notre amour, notre recherche de conversion. C’est cet effort qu’Il récompense.

Par exemple, un fumeur qui, en se combattant, réussit à fumer quelques cigarettes de moins, a certainement beaucoup plus de mérite que celui qui consomme chaque jour dix cigarettes sans jamais chercher à diminuer… Un élève qui, par son labeur quotidien, fait passer sa moyenne de 9 à 11 sur 20, a certainement plus de mérite que l’élève moyen qui, sans effort, se contente d’un 12 ou même d’un 15 sur 20.

Ce qui compte, à la fin, c’est la somme d’efforts que l’homme aura accomplis pour se rapprocher du Bien et du Vrai. 

Ces efforts doivent se faire dans la patience, dans l’humilité, dans l’amour sincère de tous les hommes. 

C’est cet effort de chacun qui aidera peu à peu tous les chrétiens à se réunir en un seul troupeau. Ces jours-ci, du 18 au 25 janvier, nous célébrons la Semaine de l’Unité, un temps de prière intense pour demander à Dieu l’unité des chrétiens : anglicans, protestants, orthodoxes, catholiques.

 

*       *       *

 

Quelque chose de ce problème de divisions se reflète dans l’extrait de l’épître aux Corinthiens, que nous continuons de lire aujourd’hui. 

Dans la jeune communauté de Corinthe, certains se réclamaient plutôt de Pierre, d’autres de Paul, d’autres d’Apollos - cet Alexandrin éloquent, versé dans les Ecritures (Ac 18,24), à qui on a même attribué quelquefois l’épître aux Hébreux. 

Et Paul de protester, humblement, mais fermement, disant en quelque sorte : Qui suis-je, moi ? Je ne vous ai même pas baptisés ! Si je suis venu à vous, c’est pour vous annoncer la Bonne Nouvelle, le Christ, et Lui seul. La réflexion de Paul fait écho à la parole du Père, que nous entendions lors du baptême du Christ : C’est Lui, mon Fils bien-aimé. C’est Lui que vous devez suivre désormais.

C’est Lui que nous devons écouter d’un seul cœur, et louer d’une seule voix.

 

*       *       *

 

L’évangéliste Matthieu continue de montrer l’accomplissement des prophéties par la venue de Jésus. Il cite longuement Isaïe, que nous avons lu dans la première lecture.

Jésus nous demande de nous convertir. 

Se convertir ne doit pas évoquer une démarche difficile, pénible, car la conversion dans l’amour de Dieu est une libération de notre moi pour nous épanouir réellement dans la liberté des enfants de Dieu ; c’est réellement un moment de grande Lumière, et c’est sur cette Lumière que nous méditons le troisième mystère lumineux du Rosaire.

Et voilà que Jésus lance un autre appel, très particulier celui-ci, à l’adresse de Pierre et André, de Jacques et Jean ; un appel à Le suivre. 

On s’étonnera de la promptitude avec laquelle ceux-ci quittent, immédiatement, famille et travail pour suivre Jésus. Mais ce n’est certainement pas la première fois qu’ils rencontrent Jésus, qu’ils l’ont entendu parler ; certains l’ont déjà vu près de Jean-Baptiste. Ils ont déjà réfléchi sur ce Jésus de Nazareth, comme les évangiles le laissent entendre ; ils ont entendu parler de sa naissance, de celle de Jean-Baptiste, de tout ce qui s’est passé à ce moment-là : même sans télévison et sans internet, les nouvelles passaient très vite et très bien !

Ajoutons aussi que le cœur de ces pêcheurs était tout prêt à accueillir le message du Christ, car ils étaient du nombre de ceux qui aimaient la Vérité et attendaient avec ferveur ce Messie annoncé par les Prophètes ; ils savaient ainsi que s’accomplissaient en ce moment les soixante-dix semaines de Daniel (cf. Dn 9:24). 

A travers tous les siècles et jusqu’à nos jours, Dieu appelle ainsi ceux dont Il a besoin pour transmettre le Message de l’Evangile. C’est un appel vibrant qui touche le cœur de tel ou tel, qui le comble dans son désir de Vérité. Les candidats au sacerdoce perçoivent l’Appel parfois tout petits, parfois déjà adultes, quelque chose de très impressionnant se passe alors en eux, quelque chose qui les attire irrésistiblement vers un haut idéal. Restant libres de répondre ou non, certains ne s’engageront pas, ou hésiteront. Certains recevront cette immense grâce du Sacerdoce. Prions pour eux.

L’évangile ne dit pas que ces apôtres aient tout quitté définitivement : nous savons bien qu’ils reprendront leurs filets de pêcheurs, puisqu’on les retrouvera dans les barques, quand Jésus calme la mer déchaînée (Mt 8:23-27), quand Il leur apparaîtra après la résurrection et multipliera les poissons (Jn 21:4-6). En revanche, Matthieu abandonnera totalement son “métier” (nous en lirons son propre récit au chapitre 9, dans quelques semaines). C’est que Jésus désire que ses collaborateurs sachent vivre de leur propre travail, humblement, durement même, tandis que l’activité de Matthieu, pas malhonnête en soi bien sûr, pouvait offrir des occasions faciles de lucre, d’amour du profit, et Jésus préfère le dépouillement réel. C'est ainsi que nous voyons saint Paul (Ac 18:3) coopérer avec des fabricants de tentes, travaillant de ses mains pour n’être à la charge de personne (2Th 3:8 ; 1Th 2:9), ajoutant même cette parole solennelle : Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus (2Th 3:10).

 

*       *       *

Quels seront donc les fruits en abondance que nous porterons par nos efforts, pour reprendre les mots de la Prière du jour ?

Certainement une sanctification toujours plus parfaite, comme nous le montrent tous les Saints, qui ont combattu le vieil homme, qui ont aimé Jésus-Christ à la folie, qui ont aidé le Prochain, les enfants, les pauvres, les veuves, les malades…

Certainement aussi, une profonde unité entre tous les Chrétiens ; que nous réparions les déchirures fraternelles, comme le désire fondamentalement notre Sauveur : 

Que tous soient Un ; comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient Un en nous (Jn 17:21). 

 
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2e dimanche per annum - A

 

Le Baptême de Jésus ayant été célébré, nous entrons liturgiquement dans le “Temps ordinaire”, qui ira jusqu’au Carême et qui reprendra après le Temps pascal. 

Lors de la réforme liturgique récente, ce temps a été appelé Tempus per annum, soit Temps de l’année, pour le distinguer des autres temps forts de Noël et de Pâques. Finalement s’est imposée l’expression Temps ordinaire. Or, rien n’est ordinaire, dans l’oeuvre de Dieu, et notre vie spirituelle, alimentée par la prière et les sacrements, devrait plutôt tendre à des moments quotidiens sans cesse plus extraordinaires les uns que les autres.

 

*       *       * 

 

Dimanche dernier, nous lisions d’abord le premier des quatre Chants du Serviteur du prophète Isaïe. Voici aujourd’hui le second.

Le Serviteur, celui que Dieu a envoyé, s’exprime personnellement. Il faut remarquer que ce Serviteur, parlant du Père, l’appelle Seigneur. Le Christ est Seigneur, comme son Père, car ils sont un seul et même Dieu.

On se rappellera utilement aussi ici le psaume 109, où David chante : Le Seigneur a dit à mon Seigneur ‘Siège à ma droite’. Dans ce verset, il est question du Père et du Fils, tous deux qualifiés du même titre de Seigneur.

Ensuite, le Seigneur appelle son Serviteur Israël. Ici, il s’agit de l’Israël dans sa plénitude de nation choisie, prélude de l’Eglise sainte. L’Eglise et le Christ sont intimement liés en une union mystique, d’où naissent les enfants de Dieu. Ils sont tellement liés que le Christ dira plus tard à Pierre : Tout ce que tu lieras sur terre, sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur terre, sera délié dans les cieux (Mt 16:19). 

On pourrait dire ainsi que «Christ» et «Eglise» sont synonymes. C’est pourquoi ici Israël est le nom donné au Serviteur de Dieu, au Christ.

Et le Christ n’est pas envoyé seulement pour sauver les rescapés d’Israël, mais pour être la lumière des nations. L’Eglise est en effet appelée à appeler tous les hommes à la Foi unique, au Baptême unique, comme l’a commandé Jésus-Christ aux apôtres juste avant de les quitter : De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28:29).

 

*       *       * 

 

Ecoutons bien le psaume 39. Ici encore nous entendons parler le Serviteur, qui s’adresse au Seigneur, à Dieu son Père. Il s’offre spontanément et présente sa mission : Je viens ! Maintenant, il n’y aura plus de sacrifices d’animaux, ni holocauste ni victime, car le Serviteur s’offrira lui-même. David a annoncé dans ce psaume le sacrifice du Serviteur, qui s’immolerait lui-même.

Dans la lettre aux Hébreux, dont l’auteur s’applique à démontrer l’excellence du sacrifice du Christ, c’est ce même passage qui y sera commenté (He 11:5-9).

Désormais, l’Agneau du sacrifice sera Jésus lui-même.

 

*       *       * 

 

Ecartons donc un instant la lecture de l’épître et lisons l’évangile du jour, tiré de l’évangéliste Jean (car l’épisode de cette rencontre entre Jean-Baptiste et Jésus “manque” en Matthieu). 

L’épisode se situe très peu de temps après le baptême de Jésus. Lors de ce baptême, nous l’avons lu dimanche dernier, Jean-Baptiste a vu la colombe de l’Esprit et entendu la voix du Père au-dessus de Jésus. 

 

Beaucoup étaient sans doute présents à ce moment-là, mais tous ne comprirent pas ces paroles ; Jean explique alors solennellement par son témoignage : J’ai vuJe rends ce témoignage… Celui que je viens de baptiser est bien le Fils de Dieu. Et de s’effacer humblement devant Jésus :  Il a sa place devant moi.

Mais surtout Jean annonce ici un trait fondamental de la mission de Jésus : outre qu’il est Fils de Dieu, il est l’Agneau qui va s’immoler. C’est à Jean-Baptiste que revient la paternité de cette phrase sublime, divine et messianique : Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde. Que de fois les prêtres l’ont répétée à toutes les Messes, que de fois l’avons-nous entendue… sans y faire attention.

Imaginons la scène, imaginons l’émotion de Jean devant ce Sauveur attendu depuis des siècles. Le premier, Jean a prononcé cette phrase. Jean a annoncé Jésus, il a témoigné de lui. On peut dire qu’il l’a “donné” à la foule en le désigant comme l’Agneau ; on pourrait dire ainsi que Jean est le premier prêtre du Nouveau Testament qui ait prononcé la phrase que nous entendons peu avant de recevoir la communion : Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde.

Ceux qui en auront le temps, pourront utilement se reporter aux écrits de sainte Gertrude ou de la Mère Claret de la Touche, qui développent la même idée.

Ici, le mot péché est au singulier. Pourtant que de péchés se commettent dans le monde… Saint Jean nous avertira fortement contre le monde (cf. 1Jn 2:15-17). A la mesure où le monde est la situation dans laquelle on vit loin de Dieu, le monde est effectivement tout entier dans le pouvoir du Mauvais (1Jn 5:19) : Jésus est venu effacer «le» péché du monde, le monde dans son intégralité, si les hommes veulent bien accepter son message.

 

*       *       *

 

Aujourd’hui commence la lecture de la célèbre première épître aux Corinthiens, dont nous lirons une partie chaque année en ces premiers dimanches après le Baptême de Jésus. Il n’y a pas forcément de rapport direct entre ces chapitres et ceux de l’évangile, mais ils constituent un enseignement précieux, celui des apôtres. 

Paul commence cette épître par un rappel important : c’est Dieu qui l’a appelé et qui l’a envoyé (apôtre vient du grec apo-stello, envoyer). La vocation apostolique n’est pas un réflexe ou une décision personnelle, c’est un appel de Dieu, auquel on répond si on le veut bien. Tous n’y répondent pas, ou pas de la même façon ni avec la même ferveur.

Il arrive souvent que ceux qui ne veulent pas y répondre gardent toute leur vie une tristesse intérieure, l’amertume de quelque chose de “manqué” ; Dieu ne leur refusera pas pour autant sa grâce. Qu’ils soient donc réconfortés et qu’ils ne désespèrent pas de trouver et de rester dans la Paix.

Les Apôtres ont répondu ; les Saints et les Saintes, les prêtres, les martyrs, ont répondu, heureux de se consacrer corps et âme à Dieu et à l’Eglise. L’apôtre Paul a répondu.

Il a avec lui un certain frère Sosthène, dont on n’est pas trop sûr ni de l’identité ni de l’apostolat. Eusèbe de Césarée le présente comme un des soixante-dix disciples de Jésus ; certains, dont Jean Chrysostome, comme le chef de la synagogue de Corinthe, maltraité par ses ex-coreligionnaires. L’incertitude totale et insoluble a fait que le Martyrologe Romain ne l’a pas retenu.

En quelques mots, Paul rappelle aux Corinthiens qu’ils ont été sanctifiés en Jésus, qu’ils font partie des fidèles, du peuple saint, de l’Eglise unique, avec tous ceux qui invoquent le nom de Jésus. A ces chrétiens du premier siècle, nous sommes donc tous unis, en Jésus, par notre baptême, par notre foi, et par l’invocation du nom de Jésus.

Enfin, à ces chrétiens de Corinthe, Paul adresse un souhait que notre liturgie a repris dans une des trois formules initiales de la Messe : Que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur.

 

Plutôt qu’un banal “Bonne année, bonne santé”, on pourrait peut-être se souhaiter Grâce et Paix, et répondre Maintenant et toujours !

 

*       *       *

 

C’est justement ce que nous demandons dans la Prière du jour. 

Faisons très attention aussi à la Prière sur les Offrandes, où est énoncée en quelques mots la doctrine catholique du Sacrifice de la Messe : 

Chaque fois qu’est célébré ce sacrifice en mémorial, c’est l’œuvre de notre Rédemption qui s’accomplit.

Enfin, après avoir parlé de l’unité des Corinthiens dans l’Eglise, et puisque nous célébrons ces jours-ci la Semaine de l’Unité des Chrétiens, retenons aussi l’expression de la Prière après la Communion : 

Que soient unis par ton amour ceux que tu as unis d’un même pain.

Prions pour que cette unité se fasse, dans l’Eucharistie.

 

 

 

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Avent 2e dimanche - A

 

Le deuxième dimanche de l'Avent nous présente chaque année le personnage de saint Jean Baptiste, le dernier des prophètes, le seul qui ait annoncé puis rencontré personnellement Jésus Christ ; il est donc la charnière entre l'Ancien et le Nouveau Testament. le pré-curseur de Jésus Christ, celui qui a "couru devant" Jésus. 

Nous allons l’entendre dans l’Evangile ; huit siècles avant lui, c’était Isaïe qui avait annoncé la venue du Messie en des termes pleins d’espérance, tandis que saint Paul a été contemporain, et probablement un témoin direct de la vie du Christ.

 

*       *       *

 

Isaïe, donc, parlant au futur, voit Jessé, dont sortira un rameau. Historiquement, Jessé est le père de David, et vivait au 11e siècle avant le Christ, trois siècles avant Isaïe. Ce rameau de la prophétie rappelle en premier lieu comment le dernier fils de Jessé, David, devait devenir le roi, sur lequel reposera l’esprit du Seigneur (cf. 1S 16:1-13).

Mais traditionnellement, l’exégèse a vu en David une image annontiatrice du Sauveur, roi de Justice et de Paix, car seul le Christ est véritablement le Roi parfait, juste, miséricordieux, sur lequel repose en plénitude l’Esprit du Seigneur.

C’est à cet extrait que remontent les sept dons du Saint-Esprit, qu’on nous fait apprendre au moment de notre confirmation : la sagesse, l’intelligence, le conseil, la force, la science, la piété et la crainte de Dieu. Tels sont du moins les termes habituels, qu’on peut retrouver dans le Catéchisme (Abrégé, p.268).

David fut, certes, sage et intelligent, fort et pieux, mais aussi gravement pécheur, tandis que le Christ, Fils de Dieu, avait une nature humaine parfaite, et c’est véritablement à Lui que s’applique la prophétie que nous lisons aujourd’hui, une prophétie qui ne peut que nous consoler et nous remplir d’espérance, quand nous voyons combien la «justice» des hommes est tellement limitée et injuste.

La prophétie continue avec des descriptions de la vie animale vraiment étonnantes, où l’on voit ensemble le loup et l’agneau, le veau et le lionceau, la vache et l’ourse. A quoi donc peut penser le prophète avec ces allusions ? 

C’est que dans le règne du Christ, il ne doit plus y avoir de loups, de lions, d’ours, ces bêtes féroces qui font la terreur des plus faibles. Ces loups, ces lions, ces ours, ce sont nous-mêmes, avec nos défauts, nos ambitions, nos absences de charité, qui, en quelque sorte, «dévorent» notre prochain avec injustice. 

Quand on vit avec le Christ, on ne peut plus être partagé entre le mal et le bien, on ne peut plus faire le mal, notre bête intérieure doit changer totalement. Résistons à la pensée que cela est impossible, car, même si nous n’atteignons jamais la perfection, nous devons au moins avoir la volonté d’y tendre, par nos petits efforts quotidiens persévérants.

Ce qu’ont fait tant de Saints est aussi à notre portée : 

Saint François d’Assise (sa fête est au 4 octobre) était un homme violent : il s’est fait violence, a appris à être doux, et sa douceur a commandé au loup de Gubbio de ne plus déranger les hommes.

Saint Camille de’ Lellis (voir au 14 juillet), perdait son temps et son argent dans le jeu ; converti, il se donna au soin des malades.

Le saint péruvien Martino de Porrés (3 novembre) ordonnait aux rats d'aller au fond du jardin au lieu de grignoter la nourriture des moines qui ne leur appartenait pas.

Plus près de nous, saint Charles de Foucauld (1er décembre) était un bon vivant très éloigné de toute religion ; on sait comment il donna sa vie à la méditation et à la prière.

Notons encore l’exemple singulier de Zozimas, un saint moine de Palestine au 6e siècle (30 novembre) : il rappela le lion qui avait dévoré son âne, et le dressa pour remplacer l’âne.

 

 

*       *       *

 

Une terre où habiteraient de tels sujets, serait vraiment le pays idéal du Messie, et son roi serait vraiment l'élu de Dieu. Les larges extraits du psaume 71 chantent ce roi, qui semble être dans un premier temps Salomon ou David, mais bien sûr le Roi messianique, Jésus lui-même. Dans ce pays merveilleux régnera la Justice qui doit venir de Dieu seul.

 

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Une expression de la première lecture va nous amener à approfondir le texte de saint Paul aux Romains. Isaïe écrit : La connaissance du Seigneur remplira le pays. Connaître le Seigneur, sa vie, son œuvre, son enseignement, c’est un devoir qui nous concerne tous.

La lecture de l’Ecriture, de ces livres saints dont parle l’Apôtre, devrait être notre souci quotidien.

Mais qui peut dire qu’il a lu la Bible, au moins une fois dans sa vie ? Nous sommes souvent comme des sportifs qui voudraient être des champions sans connaître les règles de leur sport, comme des artisans électriciens qui ne sauraient pas distinguer un fil électrique d’une ligne à haute tension. 

Nous nous disons croyants et chrétiens, mais nous ignorons presque tout de ce que l’Ecriture dit de Dieu, de ses envoyés, des Juges, des Rois, des Prophètes.

Or saint Paul nous le répète : Tout ce que les livres saints ont dit avant nous, est écrit pour nous instruire… 

Alors, si nous sommes «instruits», nous apprendrons à faire mourir en nous le loup, le lion, l'ours. Nous comprendrons ce que signifie s’accueillir les uns les autres : c’est une autre façon de vivre le commandement du Christ, de nous laver les pieds les uns aux autres (cf. Jn 13:14), de nous pardonner et de vivre dans la paix de Dieu. 

Pardonnons ! Faisons la paix ! Ne disons pas machinalement comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés, sans pardonner vraiment du fond du cœur ! 

Relisons ici un autre livre saint, l’épître de l’apôtre Jean : Celui qui hait son frère est dans les ténèbres… Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est un homicide… N’aimons ni de mots ni de langue, mais en actes… Celui qui dit «J’aime Dieu» et déteste son frère, c’est un menteur (1Jn 1:11 ; 3:14-15;18 ; 4:20).

Quand nous échangeons un signe de paix avec notre voisin juste avant d’aller recevoir le Corps du Christ, pensons à ceux avec lesquels nous ne sommes pas en paix, et cherchons à nous réconcilier, sinon notre Eucharistie ne serait plus une com-union, mais un sacrilège.

C’est là un exemple de la façon dont nous devons accueillir le Messie et étendre son royaume divin. Chacun a son propre combat à faire ; celui qui est en paix avec ses frères, pourra combattre peut-être la gourmandise, ou la paresse, ou la jalousie… N’attendons pas à «plus tard», c’est aujourd’hui que nous devons faire ce mouvement de conversion.

 

*       *       *

 

Quand Jean-Baptiste dit à ses contemporains : Convertissez-vous, ce n’est pas aux gens du 1er siècle qu’il le dit seulement. Sa parole pressante s’adresse à nous. Cessons d’écouter distraitement ces «histoires du passé» : la parole de Dieu vaut pour moi, maintenant, ici.

Jean Baptiste et Jésus étaient cousins ; ils avaient le même âge, mais - humainement parlant - ils ne se connaissaient pas, parce que Jésus était resté "caché" à Nazareth, tandis que Jean s'était très tôt retiré dans le désert proche de Jérusalem (et notons-le, avec des habits et une nourriture dignes des plus grands ascètes : qu'on essaie de se mettre sur le dos du poil de chameau et qu'on se nourrisse uniquement de sauterelles et de miel sauvage…). Saint Luc dit en effet : Il demeura dans les solitudes jusqu’au jour où il se manifesta devant Israël (Lc 1:80).

Inspiré par Dieu, Jean sait que le Messie va se manifester, mais comment les foules vont-elles accueillir ce Messie ? Trente ans plus tôt, Jésus était né dans l'extrême pauvreté, mal accueilli, ignoré et même persécuté ; il dut s’exiler, fuir en Egypte avec ses parents. Alors, maintenant, Jean-Baptiste est très pressant : Convertissez-vous ! Préparez le chemin du Seigneur !

Il ne faut pas imiter l’attitude de ceux qui ont refusé le Messie.

L’appel de Jean est cette voix qui crie dans le désert : l’expression est dans Isaïe (Is 40:3), et l’évangéliste Matthieu s’applique toujours à montrer la réalisation des prophéties de l’Ancien Testament lors de la vie du Christ. La voix dans le désert, est celle de Jean dans le désert de Judée, au-delà du Jourdain, là où Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain venaient à lui.

C’est aussi l’appel de Dieu dans le désert de mon âme.

L'évangile ajoute que ces gens reconnaissaient leurs péchés, et c’était là le but de l’appel de Jean Baptiste.

Que faut-il entendre par "se convertir" ? Beaucoup se disent "croyants", ou "Fils d'Abraham". Mais cela est bien loin de l'appel de Jean. Se "convertir" signifie qu'on se "tourne complètement" (con-verti, en latin) vers Christ, vers la Vérité, pour ne pas être des croyants seulement de nom, mais aussi en réalité, dans la vie courante. 

Pharisiens et Sadducéens étaient des "croyants", mais n'ont pas reçu Jésus. Il y a aussi beaucoup de chrétiens qui ne reçoivent pas Jésus, qui acceptent de Jésus ce qui leur va, mais mettent de côté ce qui les contrarie. Pourquoi ? Parce qu’ils ne veulent pas se convertir. Ils veulent bien entendre parler de Jésus, mais il n’aplanissent pas la route de Jésus à eux-mêmes, ils y laissent des pierres, des obstacles, et Jésus reste loin d’eux. La conversion, c’est pour les autres !

Envers les représentants officiels de la religion (Pharisiens et Sadducéens), qui refusèrent d’accueillir le Christ, envers tous ceux qui ne sont pas vraiment convertis (envers nous tous, envers chacun de nous), Jean est direct : Engeance de vipères ! Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Devant le Christ qui arrive, on ne peut pas faire la vipère, faire semblant d’être inoffensif, et brusquement piquer son frère avec notre méchante langue.

 

*       *       *

En ce deuxième dimanche d’Avent, pour bien préparer la fête de Noël, il convient de prendre conscience de l’urgence de cette conversion. Nous avons souvent l’excuse de nos soucis quotidiens, qui nous accaparent, qui nous prennent du temps, et nous remettons ; c’est dommage. 

La Prière nous en fait prendre conscience : 

Ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche.

 

 

 

 

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Avent 1er dimanche - A

 

L'année liturgique s'est achevée dimanche dernier avec la fête du Christ Roi. Aujourd'hui commence la nouvelle année liturgique avec le premier dimanche de l'Avent.

"Avent" ni signifie pas que nous sommes "avant Noël", erreur qu'on entend toujours ici ou là, et même dans les réunions de catéchisme. "Avent" vient du latin "adventus", arrivée : Jésus vient, il va naître, il va nous apporter son message. 

Faisons aussi cette petite remarque : chaque jour à la Messe Jésus vient ; il s’incarne dans les mains du prêtre au moment de la Consécration ; et juste avant nous chantons : "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur" (psaume 117).

Une caractéristique liturgique de l'Avent est que le prêtre revêt un ornement de couleur violette ; une couleur un peu sombre qui évoque la patiente, parfois douloureuse attente de tous les patriarches, de tous les prophètes, de tout le peuple d'Israel, à qui Dieu avait annoncé "la" promesse d'un Sauveur. En signe de cette longue attente, marquée par tant d'épreuves diverses, on ne chantera pas non plus le "Gloire à Dieu" : ce chant joyeux des Anges reviendra dans la nuit de Noël, au moment même où les Anges le chantèrent après avoir annoncé aux bergers la naissance du Christ.

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Ecoutons la prophétie d'Isaïe, qui vivait huit siècles avant la naissance de Jésus. C'est le Prophète de l'Annonce par excellence, celui qui a prophétisé l'Emmanuel, l'Agneau innocent immolé, le Royaume nouveau, la Terre nouvelle. Dans l'extrait d'aujourd'hui, il évoque la colline où sera Jérusalem et son temple, cette colline qui sera le but du pèlerinage des enfants d'Israel, là où ils se retrouveront, là où Jésus accompagnera ses parents et où il consommera son sacrifice. Mystiquement, l'Eglise sera à son tour notre Jérusalem à nous.

Ceux qui chercheront dans la vérité de leur coeur à vivre selon l'enseignement de Dieu, qu'ils auront entendu dans le Temple - et maintenant dans l'Eglise - ceux-là se convertiront, seront des artisans de paix, transformeront leurs épées en socs de charrue, et ne songeront plus à la guerre. Ils rejetteront les ténèbres.

*       *       *

Une telle conversion profonde donne une grande joie, parce que notre âme se sent vraiment délivrée des liens de la terre. Cette joie est exprimée dans ce psaume 121, qui chante les sentiments des pèlerins en marche vers Jérusalem : Quelle joie, quand on m'a dit 'Nous irons à la maison du Seigneur', à Jérusalem, là où montent les tribus, où l'on rend grâce, où l'on vit en paix.

*       *       *

Si notre Maître nous rappelle instamment : Tenez-vous prêts, saint Paul, envers les chrétiens de Rome - et envers nous bien sûr - n’est pas moins clair : Rejetons les activités des ténèbres ! Ripailles, beuveries, orgies, débauches, dispute, jalousie… C'est qu'il y en avait, dans cette Rome du premier siècle, des débauches de toutes sortes ! Mais… les temps ont-ils beaucoup changé ?

*       *       *

En cette nouvelle année liturgique, année A du cycle des trois années liturgiques, l'Eglise nous propose la lecture particulière de l'évangile de s.Matthieu, dans lequel cet apôtre a voulu principalement démontrer l’accomplissement des prophéties de l’Ancien Testament.

On s'étonnera sans doute que l'évangile d’aujourd’hui soit extrait d'un des derniers chapitres de Matthieu, qui évoque plutôt le retour de Jésus-Christ à la fin des temps. C’est à dessein. En réalité, si nous n'évoquions que sa venue il y a deux mille ans, nous nous en tiendrions à une simple commémoration du passé, stérile. Nous, croyants du XXIe siècle, nous devons renouveler l'accueil que nous devons à notre Sauveur, Le faire entrer dans notre maison, dans notre vie, dans notre coeur, dans notre cité. Quand le Christ est venu sur terre, il fut accueilli diversement par ses contemporains : et nous, comment l’accueillons-nous ?

Par ailleurs, il est bien vrai aussi que la venue du Seigneur a une grande importance pour tous les hommes de tous les temps, quand le Seigneur viendra rassembler près de lui tous les justes, pour la vie éternelle. C'est pourquoi il y a un lien très fort entre la fête du Christ-Roi de dimanche dernier, et ce premier dimanche de l'Avent.

Observons aussi un détail qui donne toute son authenticité à l’évangile : Matthieu rapporte cette expression du “Fils de l’homme”, que seul Jésus utilise dans tout l’Evangile. Le Fils de Dieu incarné a voulu rappeler par là que, vrai Dieu, il est aussi vrai Homme (par sa naissance, et par sa Passion) ; mais l’expression, déjà utilisée, par Daniel en particulier (cf. Dn 7:13) devait évoquer chez les auditeurs le retour eschatologique du Christ, sa vraie mission.

L'évangile de s.Matthieu semble nous avertir sur l'heure du Jugement dernier,  et se situer bien loin de la naissance du Christ. Mais si le souvenir de cet heureux événement nous comble de joie, il ne doit faire aucun doute à chacun d'entre nous que nous devons chaque jour nous préparer à rencontrer le Christ au moment où il nous appellera à passer dans l'Eternité, l'unique but de notre vie terrestre ; ce sera en effet le jour de notre naissance au Ciel.

Pourquoi ne savons-nous pas quel sera ce jour ? Parce que nous pourrions être tentés de remettre sans cesse à plus tard notre conversion totale, notre confession, la pratique des bonnes oeuvres, et ainsi - comme les contemporains de Noé - "manger, boire, se marier" sans se soucier jamais de l'arrivée prochaine de notre Maître.

Ce jour-là alors, on sera stupéfait de voir que "l'un est pris, l'autre laissé" : le Seigneur distinguera alors qui mérite ou pas d'entrer dans la béatitude avec lui. Les hommes seront aux champs et les femmes en train de préparer de la farine, mais les uns seront attachés à la terre, les autres auront l'esprit tourné vers le Ciel.

Le Diable peut nous tenter facilement en nous donnant l'illusion que nous sommes en bonne santé, que nous ferons "bientôt" telle ou telle action charitable, que nous remettons indéfiniment, comme de pardonner une offense reçue. Débarrassons-nous de cette supercherie diabolique et pensons au contraire, chaque matin : Dieu m'a gardé en vie, mais le serai-je encore ce soir ? Un accident est si vite arrivé... Et qui est ce "voleur", sinon le Diable lui-même qui guette sans cesse autour de notre "maison" (notre âme), prêt à nous enlever la vie (spirituelle) en nous entraînant au péché.

Mais le Christ, le Fils de l'Homme, se compare à ce voleur non pas pour nous voler quelque chose, bien sûr, mais parce qu'il viendra dans le silence de notre nuit, de notre sommeil, à un moment où nous serons distraits. S.Paul nous en avertit aussi, comme nous l'avons vu plus haut ; il nous écrit aussi : "Vous n'êtes pas dans les ténèbres, au point que ce jour-là vous rapte comme un voleur, mais vous êtes des fils de la lumière, des fils du jour... Ne nous endormons pas, mais restons éveillés et sobres" (1Th 5:4).

*       *       *

Il faut vivre intensément cette conversion. Quand le prêtre dit d'échanger un signe de paix, il faut que ce signe de paix évoque vraiment autant notre conversion que notre réel amour des frères, pour que notre communion soit préparée avec sincérité, sinon, nous répétons des rites morts et nous nous endurcissons. Souhaitons de tout notre cœur que la paix règne en nos murs, dans les murs de l’Eglise.

Notre charité doit toujours être réchauffée, parce que c'est ainsi que le Seigneur peut "venir parmi nous". La Prière du jour englobe les deux aspects de cette venue du Seigneur : si nous allons sincèrement à Sa rencontre dès maintenant, nous serons  aussi appelés, plus tard, à entrer dans Son Royaume.

 

 

 

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Dédicace de la basilique du Latran

 

 

En ce 9 novembre, nous célébrons une fête à la fois très importante et très méconnue : la Dédicace de la Basilique romaine Saint-Jean-de-Latran. Cette fête est même suffisamment importante pour qu’elle remplace la célébration du dimanche, en cas de coïncidence des deux dates (c’est le cas en 2014, et le sera en 2025, 2031, 2036, 2042…)

Le “Latran” doit son nom à la famille des Laterani, qui avait sa propriété dans la zone sud-est de Rome ; devenue propriété de l’empereur Constantin au 4e siècle, elle fut donnée aux papes, qui y résidèrent en effet pendant dix siècles, jusqu’à la “papauté en Avignon” ; une première basilique y fut alors construite, plusieurs fois reconstruite, qui s’appela Archibasilique du Saint Sauveur, puis fut dédiée aussi à Saint Jean-Baptiste, le Précurseur et Cousin de Jésus-Christ, tant il est vrai que le Pape, successeur de saint Pierre, doit préparer les âmes à recevoir le Christ, comme le fit Jean-Baptiste.

Cette basilique fut donc la cathédrale du Pape, qui est l’Evêque de Rome. Dès son élection le Pape “prend possession” de cette basilique ; il y célèbre chaque année la Messe du Jeudi Saint, au cours de laquelle il lave les pieds à douze personnes, soit prêtres, soit laïcs, comme le fit Jésus au cours de la Dernière Cène. Signalons aussi qu’au-dessus de l’autel de la chapelle du Saint-Sacrement, est conservée la Table de la Dernière Cène, cette Table-même où Jésus institua l’Eucharistie. 

Siège de l’Evêque de Rome, la basilique de Saint-Jean-de-Latran est donc en même temps la “Mère et Maîtresse de toutes les Eglises”. 

 

*       *       *

 

Dans la première lecture, Ezéchiel raconte une vision : les termes précis qu’il utilise ont une signification spirituelle et mystique. 

Cette Eau qui jaillit dessous le Temple, ne signifie pas que le Temple est construit sur un sable mouvant ; c’est l’Eau de la Vie, l’Eau des Sacrements, du Baptême, de l’Enseignement divin. 

Se souvenant mal de ce récit, l’auteur du Coran a glosé en décrivant la récompense des Justes comme des jardins sous lesquels couleront les ruisseaux, où, immortels, ils auront des épouses purifiées (sourate 3,13).

L’eau qui descendait du côté droit a été commentée comme ce jaillissement de sang et d’eau qui sortit du côté du Christ, quand le centurion lui ouvrit le côté avec sa lance (cf. Jn 19:34). On le sait, les Pères de l’Eglise ont vu dans cette eau et ce sang l’allusion au Baptême et à l’Eucharistie.

L’abondance permanente des poissons et des fruits de ce Temple, évoque la richesse de la Grâce divine. En particulier on retiendra le nom mystique du Poisson, qui symbolisa le Christ : d’une part, parce que les lettres du mot grec (ichthus) signifient : Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur ; d’autre part aussi parce que le poisson, même blessé ou amputé d’une partie de son corps, se reconstitue, conservant la Vie. Et le Christ, même mort physiquement, continue de nous donner la Vie par son Corps eucharistique.

 

*       *       *

La version de la Bible de Jérusalem note que le psaume 45 est à chanter sur le hautbois, du moins avec un chalumeau tel qu’on en jouait au temps biblique.

Ce psaume oppose les eaux profondes agitées, et celles d’un fleuve calme et majestueux qui borde la Cité de Dieu.

Par cette image qui correspond à la cosmogonie ancienne, on imagine la terre ébranlée sur ses supports par une tempête dévastatrice, tandis que la Cité de Dieu reste stable et tranquille. Traditionnellement, les commentateurs y ont reconnu les agitations du monde et de la société, qui ne pourront jamais ébranler les fondements éternels de l’Eglise.

Cette confiance au Roc de l’Eglise doit nous aider à surmonter nos épreuves, par la certitude que, même dans la plus grave catastrophe, Dieu est là avec sa grâce et ne nous laisse jamais démunis.

 

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 Saint Paul reprend l’image de cette construction sainte. Il nous fait remarquer que les pierres de cette construction, c’est nous mêmes ! 

L’Eglise est une immense famille ; une construction doit sa beauté à la qualité de chacune des pierres qui la forment, et l’Eglise est d’autant plus belle que chacun de ses membres se montre tel que Dieu le désire.

Plus je rechercherai la perfection, plus l’Eglise sera resplendissante.

Quand saint Paul affirme qu’il a posé les fondations, ce n’est pas vanité de sa part : tout son enseignement repose sur la Résurrection du Christ et l’amour fraternel. Après, c’est à chacun de prendre garde à la façon dont il construit.

Nous sommes tous appelés à être d’authentiques temples, ce que s.Pierre appelle dans son épître des pierres vivantes (1P 2:4-5), formant l’unique Temple sacré, l’Eglise éternelle. 

 

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Jésus se rendit souvent dans le Temple de Jérusalem, la première fois à douze ans (cf. Lc 2:41sq). Au début de sa vie publique, il intervint sévèrement pour en faire retirer tout ce qui s’y vendait (cf. Jn 2:13sq). Bien sûr, les fidèles devaient bien se procurer ce qui était nécessaire aux sacrifices à offrir dans le Temple, mais peu à peu ce commerce s’était intallé à l’intérieur de la Maison Sainte, avec tout ce que cela pouvait comporter de conversations, marchandages, cris et disputes, et d’insanités malodorantes. Imaginons la Foire-Exposition de bestiaux à Versailles s’installer dans une de nos cathédrales !

Mais aux Juifs, Jésus précise que le vrai Temple de Dieu, c’est d’abord Lui-même, la Perfection humanisée, venu pour se faire Agneau et s’offrir en Sacrifice parfait. Et d’annoncer sa mort et sa resurrecction : Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. 

Unie à ce Templs divin, l’Eglise, l’Epouse du Christ, est à son tour le temple de DieuUne telle “construction” sainte ne doit donc pas être profanée par n’importe quel marché à bestiaux, par n’importe quelle conversation, n’importe quelle conduite. 

 

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Faire la “dédicace” d’une église nouvelle est une cérémonie grandiose : l’évêque vient consacrer cet édifice pour en faire la maison de Dieu, le Lieu où se rendront les appelés, les Chrétiens, qui forment l’Ecclesia (“Assemblée”), là où seront célébrés les Sacrements, où sera proclamé l’Enseignement du Christ.

La fête de la Dédicace, c’est donc tout cela : c’est Dieu parmi nous, Emmanuel, Celui qui s’est révélé à nous comme “la Voie, la Vérité et la Vie”. Que cette fête soit une action de grâce pour cette Annonciation quotidienne, pour cette présence divine parmi nous. 

Mais qu’elle soit surtout l’occasion d’une réponse de notre part, d’une sanctification quotidienne ! Le bel édifice sacré de la présence de Dieu, ne doit pas laisser apparaître des pierres mal taillées !

C’est ce que veut dire la Prière du jour : Que le peuple ne cesse pas de progresser pour l’édification de la Jérusalem céleste, ou aussi celle après la Communion : Accorde-nous d’être le temple de ta grâce.

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  • : Le blog de samuelephrem
  • : Près de 9600 notices de Bienheureux et Saints. Ont été successivement illustrés : - Les personnages bibliques de l'ancien et du nouveau Testaments. - Tous les Saints et Bienheureux reconnus, depuis les débuts de l'Eglise jusqu'aux derniers récemment proclamés. En outre, des commentaires pour tous les dimanches et grandes fêtes (certains devant être très améliorés). Sur demande, nous pourrons vous faire parvenir en plusieurs fichiers pdf l'intégralité du Bréviaire romain latin, "LITURGIA HORARUM", qui vous permettront d'éviter beaucoup de renvois fastidieux, notamment pour les périodes de Noël et Pâques. Les textes sont maintenant mis à jour selon le nouveau texte de la Nova Vulgata (ed. 2005). Nous avons aussi le Lectionnaire latin pour toutes les fêtes du Sanctoral, sans renvois, également mis à jour selon le texte de la Nova Vulgata. Bienvenue à nos Lecteurs, à nos abonnés, avec lesquels nous entamerons volontiers des échanges. Bonne visite !
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