Martyres de Valenciennes
octobre 1794
Le couvent des Ursulines existait à Valenciennes depuis 1654 : elles y enseignaient les petites filles avec succès, pour la satisfaction des habitants.
En 1790, elles étaient une trentaine de Religieuses, qui répondirent aux commissaires venues dresser l’inventaire des biens, qu’elles ne désiraient rien d’autre que de vivre et mourir dans leur maison.
Malgré d’innombrables paperasses dûment remplies, la Supérieure n’obtint jamais la pension promise par les autorités pour remplacer les biens confisqués.
La municipalité nomma un prêtre constitutionnel pour célébrer la Messe, que refusèrent les Religieuses.
La guerre de septembre 1792 entraîna la réquisition de tous les couvents pour héberger les soldats. Les Religieuses furent invitées à n’emporter que leurs effets personnels et à trouver à loger par petits groupes en ville. Mais la Supérieure, Mère Clotilde, préféra orienter les Religieuses vers le monastère de Mons, qui ne put en recevoir que quatorze ; cinq Religieuses, âgées ou malades, restèrent dans leur famille.
Mère Clotilde vint tout de même à Mons avec ses vingt-cinq Religieuses, munies de passeports en règle délivrés par la municipalité de Valenciennes. On chanta le Te Deum et l’on se serra.
Après la bataille de Jemmapes (novembre 1792), un commissaire s’installa au couvent et se fit donner l’argent qui s’y trouvait. Mais après la bataille de Neerwinden (mars 1793), Mons et Valenciennes laissèrent place aux Autrichiens, et les communautés religieuses se reconstituèrent : les Ursulines revinrent à Valenciennes, dans un couvent dévasté et ruiné. L’aide des habitants permit la reconstruction.
C’est à ce moment que la Mère Clotilde admit dans sa communauté deux Brigittines et une Clarisse, dont les couvents restaient fermés.
Après la victoire française de Fleurus (juin 1794), les Autrichiens évacuèrent la ville et les républicains renouvelaient les vexations anti-religieuses : le 31 août, il fallut évacuer le couvent, à nouveau réquisitionné pour loger des soldats.
Mère Clotilde et quelques Sœurs y demeuraient cependant : elles furent arrêtées le 1er septembre. Celles qui s’étaient réfugiées chez l’habitant, furent bientôt retrouvées par les perquisitions assidues, et mises aux arrêts dans le couvent. Puis on les transféra dans l’église de la Chaussée, et on en ramena quelques-unes au couvent, et les autres à Saint-Jean.
Le commissaire de la République, malgré la réaction thermidorienne, tenait à maintenir son tribunal révolutionnaire et ordonna la construction immédiate et rapide d’une guillotine, qui fut prête le 13 octobre 1794.
Le 15 octobre plus de cent prévenus, prêtres et Religieuses, furent rassemblés et mis à la disposition du tribunal. Entassés, mal nourris, ils étaient dans umne promiscuité ignoble, mais qui permit aux Religieuses de se confesser aux prêtres et de communier, dans la mesure où les prêtres pouvaient secrètement consacrer quelques miettes d’un pain trop rare.
Les premières Ursulines comparurent le 17 octobre. Le premier grief était que les cy-devant religieuses ursulines de Valenciennes ont repris l’habit religieux et ont joui de leurs anciens privilèges. L’autre grief était qu’elles avaient émigré, crime encore plus grave.
Cinq devaient être guillotinées le jour-même du 17 octobre 1794.
Sur le chemin, elles chantèrent le psaume 50 (Miserere), les litanies, le Magnificat.
Les autres furent reconduites au couvent. Le 19 octobre, la Mère Clotilde écrivait à une nièce qu’elles allèrent à la mort comme au plus grand triomphe. Le 20 octobre, Mère Scholastique pouvait écrire au couvent de Mons : Cinq de nous ont déjà subi la guillotine, ce sont les Mères Natalie, Laurentine, Marie-Ursule, Louise et Augustine. Elles n’y marchèrent pas, mais elles volèrent au lieu du supplice. Elles y montèrent en riant. Une d’entre elles, voulant être exécutée avant les autres, fut obligée de descendre du supplice et d’y remonter. On leur laissa un jupon seulement et leur chemise, les mains derrière le dos. Nous attendons le même sort… Croyez-nous toujours très reconnaissantes dans le ciel. En mourant, nous vous embrassons de tout notre cœur.
Le 23 octobre, après quelques jours d’une apparente accalmie, le tribunal reprit sa tâche macabre. Douze prévenus furent présentés, dont six Ursulines. Mère Clotilde assuma la pleine responsabilité de l’émigration des Sœurs, demandant leur élargissement. Mais les Sœurs refusaient de s’en séparer. Elles furent condamnées à mort. Quand on vint les chercher l’après-midi, le geôlier ne remarqua pas qu’il fermait la porte avant le passage de la dernière Sœur condamnée, Marie-Cordule ; cette dernière s’agenouilla alors derrière la porte et pria le Seigneur de ne pas être séparée des autres ; la porte s’ouvrit alors et le geôlier réunit la Sœur aux autres.
Ce deuxième groupe tomba sous la guillotine le 23 octobre 1794, dans l’après-midi.
On n’a jamais retrouvé les corps des victimes.
Les onze Ursulines martyres à Valenciennes furent béatifiées en 1920.
Voici leurs noms en ordre alphabétique (voir leur petite notice séparée) :
- Anne-Josèphe Leroux
- Clotilde-Joseph Paillot
- Hyacinthe-Augustine-Gabrielle Bourla
- Jeanne-Louise Barré
- Jeanne-Reine Prin
- Louise-Josèphe Vanot
- Marie-Augustine Erraux
- Marie-Geneviève-Joseph Ducrez
- Marie-Liévine Lacroix
- Marie-Madeleine-Joseph Déjardins
- Marie-Marguerite-Joseph Leroux