Bruno le Chartreux
1030-1101
Les documents authentiques concernant saint Bruno sont très rares, d’une part à cause de la discrétion extrême des Chartreux, d’autre part à cause des multiples accidents survenus à la Chartreuse, et qui ont détruit un certain nombre de manuscrits.
Bruno naquit à Cologne (Allemagne), de parents nobles, vers 1030. Il devint chanoine à Cologne.
Sa grande science, tant séculière que divine, lui mérita le canonicat en l’Eglise de Reims, ainsi que la place d’écolâtre (professeur), en 1057.
L’élection d’un évêque simoniaque sur le siège de Reims, induisit Bruno à se retirer et à rechercher la solitude, avec six autres Compagnons.
Une anecdote fort ancienne, mais aujourd’hui très discutée, évoqua ici les funérailles dramatiques d’un prélat de Reims, qui se réveilla trois fois de son sommeil mortel pendant la cérémonie, pour répéter solennellement : Je suis jugé par un juste jugement de Dieu. Or cet homme était réputé pour sa digne vie ; l’épisode, qui se répéta donc trois jours de suite fit finalement annuler les funérailles. Mais aussi, il fit réfléchir Bruno, qui se serait alors résolu à quitter sa place.
Le fait est qu’avec ses Compagnons, Bruno se présenta d’abord à l’abbé Robert de Molesme, où il resta une année, puis à l’évêque de Grenoble lequel, la veille, avait vu en songe sept hommes qui venaient lui demander sa protection. Il accorda à Bruno un grand espace dans le massif de la Chartreuse.
Les sept hommes étaient : Bruno, Landovino (italien), Etienne de Bourg, Etienne de Die, Hugues (prêtre), André et Guérin (convers). On est en 1084.
Dès 1085 s’élèvent une petite église et des cabanes. Ces premiers Chartreux vivent dans une grande solitude, se retrouvent à l’église uniquement pour l’Office et la Messe ; une fois par semaine, ils font une promenade, deux par deux ; ils font abstinence perpétuelle de viande.
L’évêque de Grenoble avait une grande estime pour ce groupe et vint souvent les voir ; au début, les cellules étaient conçues pour deux moines, et l’évêque partageait volontiers celle de Bruno, lequel se voyait parfois obligé de rappeler à l’évêque que ses ouailles avaient besoin de lui.
Les moines se dédièrent à la copie et constituèrent une très riche bibliothèque. Bientôt ils eurent des maisonnettes individuelles. Des avalanches provoquèrent d’importants dégâts et les moines reconstruisirent leurs cellules un peu plus bas.
En 1090, un ancien élève de Bruno, devenu le pape Urbain II, l’appela à Rome pour entendre ses conseils. Bruno obéit. Lui parti, les moines se dispersèrent un peu vite, mais se retrouvèrent quand Landovino les rappela.
Sa mission achevée, Bruno sollicita et obtint une terre pour se retirer : ce fut en Calabre. On lui avait déjà proposé l’évêché de Reggio Calabria, qu’il avait refusé catégoriquement ; il établit sa nouvelle demeure dans le diocèse de Squillace, près de La Torre, au lieu-dit Serra (qui s’appelle aujourd’hui Serra San Bruno). Puis il construisit un autre ermitage non loin, à Santo Stefano de Bosco. Il y reçut Landovino, venu lui apporter les messages de fidélité des ermites de la Chartreuse.
Bruno mourut peu après, le 6 octobre 1101.
Comme c’était la coutume alors, un messager passa d’un lieu à l’autre où l’on avait connu Bruno, pour annoncer sa mort et recueillir sur un parchemin les messages de ceux qui l’avaient entendu ou rencontré. Notre messager remonta l’Italie, l’est de la France, la Belgique, l’Angleterre et revint par l’ouest de la France. Son rouleau devint de plus en plus pesant, du fait qu’on lui en attachait d’autres, pour exprimer tous les messages voulus. Il s’y trouve des termes qui montrent l’estime bien méritée qu’on avait pour Bruno : éloquent, expert dans tous les arts, dialecticien, grammairien, rhéteur, fontaine de doctrine, docteur des docteurs…
Bruno fut enseveli à Santo Stefano di Borgo, puis dans l’église de Torre. Des miracles eurent lieu, mais Bruno resta longtemps Maître Bruno, car les pieux Chartreux étaient bien trop modestes pour en demander la canonisation.
En 1514, fut autorisée par voie orale la récitation d’un office en l’honneur de Bruno, et le chapitre de 1515 jugea opportun de profiter de l’autorisation pontificale : la fête du Fondateur fut inscrite dans les livres liturgiques. La fête ad libitum ne fut établie pour l’Eglise universelle qu’en 1622, et rendue obligatoire en 1674.
Notons pour finir que la fameuse liqueur provient bien du travail des moines chartreux.