Cyriaque
449-557
Cet ermite du VIe siècle eut une vie très longue, qui dépassa le siècle, et mouvementée : c’est que l’amour total de Dieu lui suggérait de rechercher la solitude chaque fois que sa renommée s’étendait.
Grec, il naquit à Corinthe le 9 janvier 449 de Jean et Eudoxie. Jean était prêtre, le frère de celui-ci évêque, et Cyriaque devint bientôt lecteur de cette église à Corinthe.
Vers l’âge de dix-huit ans, il fut conquis par l’appel de Jésus : “Si quelqu’un veut se mettre à ma suite, qu’il se renonce, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive” (Mt 16:24), aussi s’embarqua-t-il bientôt pour la Palestine, où florissait alors le monachisme.
Après avoir passé l’hiver hors de Jérusalem, il fut reçu par l’abbé saint Euthyme lequel, le trouvant trop jeune, ne voulut pas le garder. Cyriaque alla trouver saint Gérasime, près du Jourdain, où il fut durant neuf ans, au dur régime du pain et de l’eau.
Après le décès de Gérasime et d’Euthyme, le jeune Cyriaque retourna dans la laure d’Euthyme, pendant une dizaine d’années ; mais des contestations s’élevèrent entre les moines de cette laure érémitique, qui allait se transformer en monastère cénobitique (1) ; le pacifique Cyriaque préféra quitter cette atmosphère houleuse et se retirer dans la laure de Souca, où il resta près de quarante ans et où il reçut le sacerdoce.
Dans cette laure, il reçut plusieurs charges : sacristain, il fut chargé du soin des vases sacrés et des reliques, et aussi d’annoncer les offices, ce dont il s’acquittait en frappant une pièce de bois avec un ustensile en fer, et très consciencieusement, en récitant le long psaume 118, qui compte vingt-quatre strophes de huit vers chacune. Canonarque, il devait diriger le chant en donnant le ton. Il reconnut humblement que “pendant les trente ans qu’(il fut) trésorier et canonarque, le soleil ne (l’)a pas vu manger ni en colère”.
Amoureux de plus de silence, il passa à la laure de Natoupha ; il avait près de quatre-vingts ans. L’auteur de sa biographie, contemporain, dit qu’il se nourrissait de bulbes de scilles. Mais notre ermite avait aussi reçu le don des miracles, et sa notoriété s’étendait : il émigra au désert de Rouba. Après une dizaine d’années, il se fixa sept ans à Sousakim, mais il finit par accepter de revenir à Souca, pour soutenir la lutte contre les doctrines origénistes : là, il demanda à habiter la grotte de Chariton, un lieu extrêmement rude, caverneux, mal aéré, très difficile d’accès, où Cyriaque se sentait heureux. Il y resta cinq années.
La doctrine origéniste qui prétendait se réclamer d’Origène, comportait des relents de plusieurs doctrines païennes (Pythagore, Platon, Evagre, Didyme d’Alexandrie). Il y eut des bagarres, des moines “origénistes” se barricadèrent dans une laure, que d’autres moines orthodoxes finirent par reconquérir et occuper, au sud de Souca. Après ces événements, Cyriaque ne demanda pas mieux que de réintégrer Sousakim, où il resta huit ans. Le voici à peu près centenaire, et il a auprès de lui, pour monter la garde, un lion énorme qu’il avait dressé admirablement ; le lion veillait sur lui, et recevait les visiteurs très poliment. Ainsi se manifeste la sainteté de ceux qui recherchent la volonté de Dieu : la nature déchue réapprend à obéir et à retrouver l’ordre de la création divine originelle.
Cyriaque fut jusqu’à la fin zélé pour la psalmodie, attentif à bien soigner son visiteur, doux, facile, doué pour enseigner, d’une orthodoxie parfaite, et avec l’esprit de prophète. Son biographe le dit bel homme, mais débilité par l’âge.
Deux ans avant sa mort, les moines de Souca ramenèrent Cyriaque dans la caverne de Chariton, où il mourut en 557, âgé de plus de cent-huit ans, après avoir embrassé tous les moines de la laure.
Cet ermite changea souvent de résidence, mais c’était par amour du silence, pour répondre à l’exigence fondamentale de stabilité, par fidélité à l’esprit de l’érémitisme.
Des calculs incertains ont fini par établir sa mention au 29 septembre dans le Martyrologe.
(1) On donnait à ces monastères le nom de “laure”. Les ermites vivent seuls dans leur cabane, mais sous l’autorité d’un Abbé ; les cénobites partagent davantage leur temps en commun (chant, travaux, artisanat).