Marie-Victoire (Thérèse) Couderc
1805-1885
Marie-Victoire Couderc est née à Sablières en Ardèche le 1er février 1805, quatrième des douze enfants de Claude et Anne Méry. La famille Couderc, tout en étant assez aisée, vit simplement et a l'estime des habitants du village : la foi est bien enracinée.
Marie-Victoire fait sa première communion en 1815 et parle bientôt de devenir religieuse, mais son père ne veut pas en entendre parler.
A dix-sept ans elle entre au pensionnat des Sœurs de Saint- Joseph aux Vans. Marie-Victoire y apprendra le bien-vivre, mais ne sera jamais une intellectuelle. Elle écrira simplement, comme elle parlait, sans trop de soucis pour son orthographe.
Deux ans après, son père vient la chercher pour qu'elle soit présente avec toute la famille à la mission animée par trois missionnaires diocésains, dont le père Étienne Terme. Ils viennent de Lalouvesc (ou La Louvesc, Ardèche) où ils ont la charge du pèlerinage auprès du tombeau de saint Jean-François Régis (v. 31 décembre).
Le père Étienne Terme est aussi curé d'Aps (aujourd'hui Alba) où, voyant la pauvreté des villages environnants privés d'écoles chrétiennes, il réunit quelques jeunes filles qui souhaitent se consacrer à l'éducation humaine et chrétienne des enfants. Cette congrégation devient la Congrégation de Saint Régis.
Au moment de la mission à Sablières, Marie-Victoire a vingt ans et un grand désir de se consacrer à Dieu. Elle se confie au père Terme qui lui propose d'entrer au noviciat d'Aps. Après quelques pourparlers difficiles avec Monsieur Couderc, en janvier 1826, elle quitte sa famille et rejoint la communauté d'Aps où elle prend le nom de Thérèse.
Nommé à Lalouvesc en 1824, le père Terme constate que la promiscuité dans les auberges ne favorise guère le pèlerinage surtout pour les femmes. Il lui vient alors l'idée d'ouvrir une maison d'accueil uniquement pour celles-ci. Dès l'hiver 1825-1826, il organise avec deux jeunes filles, l'accueil des femmes dans un lieu provisoire. Sans argent, ne comptant que sur la Providence, il entreprend en même temps la construction d'une maison : le Cénacle actuel. En 1827, il appelle Thérèse et deux autres sœurs à Lalouvesc pour prendre en charge cette nouvelle fondation. Thérèse est nommée maîtresse des novices. Un an plus tard, la supérieure étant appelée dans une autre communauté, elle doit «remplir les fonctions de supérieure»... elle n'a pas vingt-trois ans.
Vers 1832, Thérèse devient supérieure générale de toutes les communautés fondées par le père Terme : Lalouvesc est alors la Maison-Mère. Très vite, Thérèse prend conscience que l'accueil des femmes est insuffisant : elles arrivent là un peu par hasard, elles ne cherchent pas toujours le recueillement, et la communauté ne peut pas mener une réelle vie religieuse. En 1828, elle parvient, quoique difficilement, à convaincre le père Terme de n'accepter que des femmes qui voudraient prendre un temps de prière et d'approfondissement de la foi durant trois ou neuf jours pour mener ensuite une vie chrétienne solide dans leur milieu.
C’est alors que le père Terme, au cours d’une retraite chez les Jésuites de Vals près du Puy, découvre providentiellement les «Exercices spirituels» de Saint Ignace de Loyola. Dès son retour, il propose aux sœurs d’en faire à leur tour l'expérience et de s’en servir pour aider les personnes qui viennent en pèlerinage. Les sœurs n'osent pas employer tout de suite le mot de retraite. En 1831, le père Terme consacre les biens et les personnes de la communauté au Sacré-Cœur par les mains de Marie. Les maisons de retraite se développent malgré le manque de moyens. Entre temps, les sœurs émettent leurs premiers vœux.
Le 1er novembre 1834, avant d'entreprendre ses missions en Ardèche, le père Terme projette d'entrer dans la Compagnie de Jésus (ou Jésuites). Durant un mois, une mission le conduit de Viviers à Lanarce, puis dans son village natal (Le Plagnal) où, épuisé par son ministère et miné par la fièvre, il meurt le 12 décembre 1834 à l'âge de quarante-trois ans. Dans son testament, le père Terme confie son œuvre à Thérèse : à vingt-neuf ans, elle devient responsable.
Thérèse manifeste alors ses capacités et son esprit de décision. Elle demande à l'évêque que la communauté soit confiée au père Renault, le provincial des Jésuites de France. Jusqu'en 1837, elle gouverne la petite congrégation avec l'appui des Jésuites et collabore avec eux. La communauté de Lalouvesc passe quelques années heureuses dans la paix et la vie apostolique. La question de maintenir dans une même congrégation maisons de retraite et écoles se pose. La séparation entre les Sœurs de Saint Régis qui garderont les écoles et les Sœurs de la Retraite (plus tard Notre Dame du Cénacle) sera une grosse épreuve pour Thérèse.
1837 est l’année où Thérèse prononce ses vœux perpétuels. Mais, épuisée, elle tombe malade et doit aller se reposer à Notre Dame d'Ay. En la fête du 15 août, renouvelant le geste du père Terme, elle remet tout à Marie et se démet de sa fonction de supérieure. Apaisée, elle remonte à Lalouvesc, où elle est confrontée à de gros problèmes financiers : une novice, jeune veuve fort riche, a remis son héritage au Cénacle, mais l’incompétence de l’économe était grande. En outre, pendant l’absence de Thérèse, la suspicion s'est développée à son égard.
En octobre 1838, avec l'accord de l'Évêque de Viviers, le père Renault provoque la démission de Thérèse pour nommer à sa place une autre veuve qui vient d'entrer dans la communauté : Madame de La Villeurnoy, qui devient officiellement “supérieure fondatrice”. Très vite, les dettes s'accumulent, des sœurs partent. Le père Renault se rend compte de son erreur et destitue Madame de La Villeurnoy, qui laisse la communauté en plein désordre. Thérèse s'enfonce dans le silence et l'humilité, alors que le père Renault est prêt à lui redonner sa responsabilité et à lui rendre justice. Mais elle s'efface et encourage les sœurs à élire Mère Charlotte Contenet. Celle-ci réussit à redresser un peu la situation ; la congrégation se développe, mais Thérèse est continuellement tenue à l’écart et se trouve confinée dans d'humbles et pénibles travaux.
Le projet d'une fondation à Lyon se fait jour : Thérèse et une autre sœur sont envoyées pour nettoyer une maison proposée par Pauline Jaricot. Les locaux ne conviennent pas, les recherches s'engagent pour trouver un autre lieu. Thérèse prend l'initiative de signer l'acte d'achat pour un terrain sur la colline de Fourvière. Mère Contenet découvre alors les capacités et le dévouement de Thérèse : elle lui redonne sa confiance.
En 1844, une communauté s'installe à Fourvière : Thérèse est nommée assistante. La congrégation prend désormais le nom de Notre Dame du Cénacle. A la mort de Mère Contenet, une pénible situation de schisme divisa les religieuses, jusqu’à ce que la “concurrente” de la nouvelle supérieure décidât de se retirer dans le monde. L’évêque nomma alors Thérèse supérieure générale. Pendant vingt-cinq ans, Thérèse sera de plus en plus entourée d'estime et d'affection.
Fin 1856, elle devient supérieure de la communauté de Tournon. En 1860, elle est nommée assistante de la supérieure de Montpellier : durant cette période sa vie spirituelle s'intensifie, alimentée par des grâces mystiques.
En 1867, le Cénacle de Montpellier est fermé, et Thérèse revient à Lyon qu'elle ne quittera plus. Vers 1875, Mère Thérèse demande à sa supérieure la permission de s’offrir en victime à Notre-Seigneur. C’était le début d’une longue épreuve intérieure, la participation à l'agonie du Christ. Thérèse fut frappée particulièrement dans ses jambes, elle devint sourde, ce qui l’isola davantage encore. Sans le savoir, elle priait parfois à haute voix, provoquant l’édification de qui l’entendait. Dans les dernières années, sa santé se dégrade et elle éprouve de grandes souffrances physiques. Si Thérèse n'a plus de fonctions d'autorité sauf en de brèves occasions, elle n'est plus à l'écart. Elle est peu à peu reconnue comme témoin du passé, la première «religieuse».
La maladie puis la vieillesse vont la diminuer physiquement et au plan spirituel, ce sera aussi la nuit : Thérèse ne goûtera plus la présence de Dieu, mais continuera à prier longuement.
En 1877, la nouvelle supérieure générale, au courant des différentes crises traversées par la congrégation, fait connaître Thérèse comme co-fondatrice avec le père Terme : c'est une reconnaissance officielle. En 1878, des chrétiennes laïques s'agrègent à la congrégation.
Désormais vénérée de toutes, Thérèse meurt le 26 septembre 1885 au Cénacle de Fourvière. Quelques jours plus tard, son corps est transporté à Lalouvesc.
Thérèse a été déclarée bienheureuse en 1951, et sainte en 1970. Le village de Lalouvesc, lieu de pèlerinage à saint Jean-François Régis est devenu aussi lieu de pèlerinage à sainte Thérèse Couderc, particulièrement fréquenté durant l’été.
En 2010, la congrégation compte environ cinq cents sœurs présentes dans treize pays, outre les autres formations qu’elles animent ailleurs, dans des pays où elles n’ont pas (encore… ) ouvert de maisons : Chine, Malaisie, Burkina Faso, Bénin, Côte d’Ivoire.
Sainte Thérèse Couderc est mentionnée le 26 septembre au Martyrologe.