Marie Deluil-Martiny
1841-1884
Marie Deluil-Martiny naquit à Marseille le 28 mai 1841, aînée des cinq enfants d’un avocat qui partageait avec son épouse une profonde foi chrétienne.
Elle fut baptisée le jour même.
Elle montrera un tempérament fier et impérieux. Pour sa première Communion, ses parents la mirent en pension à la Visitation de Marseille. Un jour, lors de la récréation, Marie interrompit tout d'un coup son jeu et, prenant à part une amie : Angélique, le Sang de Jésus coule en ce moment sur l'Autel pour le monde ! Elle resta quelques instants comme absorbée par cette pensée qui avait traversé son esprit comme un éclair.
Elle reçut la première Communion en 1853, et la Confirmation en 1854 des mains de l’évêque de Marseille, le futur saint Eugène de Mazenod (v. 21 mai).
Vers l'âge de 15 ans, encore au pensionnat, elle réunit un groupe d'élèves, appelées Oblates de Marie, qu'elle considérait comme un petit ordre religieux, avec règle, noviciat et profession. Découvert, le groupe fut immédiatement dissout par les Supérieures dont l’autorité ne souffrait pas de telles «fondations».
A la fin de ses études, Marie fit une retraite décisive pour sa vocation. Elle comprenait «Qui» l’appellait : Jésus-Christ est le seul aimable ; à la mort, je voudrais n'avoir aimé que Lui... Pour bien vivre dans le monde, je dois abhorrer le péché, fuir les occasions, haïr le monde et ce qui est du monde... Venez et suivez-moi, dit Jésus ; ô Dieu, que ce mot est beau !... Il est à moi si je le veux !
Elle rencontra à Ars saint Jean-Marie Vianney (v. 4 août), et lui parla de sa vocation. Décidée, elle refusa plusieurs propositions de mariage.
Marie connaîtra le doute et le scrupule : Vivre dans la pensée d'être mal avec Vous, ô Jésus, c'est mourir mille fois; c'est si dur, mon doux Maître, de ne jamais vous sentir pleinement et d'attendre le Ciel pour jouir de Vous ! Un bon prêtre la rassura en lui expliquant que l’agitation intérieure n’est pas un signe de l’Esprit. Elle se pacifia.
En 1859, mourut sa plus jeune sœur, après sa Première communion ; les deux autres et son frère mourront aussi peu après. La voilà bien seule avec ses parents dans la peine, malades et éprouvés par des problèmes économiques.
En 1864, elle fit la connaissance d'une nouvelle association, la Garde d'honneur du Sacré-Cœur de Jésus, dont le but est de glorifier, aimer et consoler le Sacré-Cœur en s'offrant avec Lui dans une vie de prière, de pénitence et de charité, pour réparer les péchés du monde. Marie reçut bientôt le titre de Première Zélatrice de l'œuvre qu'elle se consacra à propager auprès de nombreuses âmes à travers le monde, y compris des évêques, au moyen d'imprimés, d'images et de médailles.
En 1865, lors de la béatification de Marguerite-Marie Alacoque (v. 16 octobre), elle fit une retraite à Paray-le-Monial puis rencontra un prédicateur jésuite, Jean Calage, qui eut l’heureuse inspiration de l’encourager en ces termes : Vous êtes appelée, c'est certain ; mais le moment n'est pas venu encore ; votre entrée en religion actuellement renverserait les plans de Dieu. Il a des desseins particuliers sur votre âme... A vous de vous préparer par le détachement de vous-même. Marie s’offrit totalement au Christ, le premier vendredi de mai 1867.
Marie priait et cherchait à comprendre comment «réparer». Le premier samedi de septembre 1867, Jésus lui adressa la parole : Je ne suis pas connu, je ne suis pas aimé... Je veux me faire des âmes qui me comprennent... Je suis un torrent qui veut déborder et dont on ne peut plus retenir les eaux !... Je veux me faire des coupes pour les remplir des eaux de mon amour... J'ai soif de cœurs qui m'apprécient et qui me fassent remplir le but pour lequel je suis là ! Je suis outragé, je suis profané. Avant que les temps finissent, je veux être dédommagé de tous les outrages que j'ai reçus... Je veux répandre toutes les grâces qui ont été refusées...!
Marie était profondément attristée par le refus que le monde opposait à Jésus. Le monde ne veut plus de Lui. Aujourd'hui, les uns rougissent de Lui, les autres Le haïssent et Le méprisent ; ils essayent de Le chasser des cœurs et de la société. A ces hontes, à ces haines, à ces mépris, à ces impiétés sataniques, répondons haut et ferme : Il faut qu'Il règne !
Le 8 décembre 1867, Marie prononça, avec la permission du Père Calage, le vœu de virginité.
En septembre 1868, devant la statue de la Vierge de la Salette, elle reçut cette inspiration: La Sainte Vierge veut des victimes qui s'interposent, en union avec son Cœur transpercé et avec Jésus immolé, entre les crimes des hommes et la Justice de Dieu...
Le mois suivant, elle fait cette belle prière : Ô Jésus, recevez-moi des mains de la Très Sainte Vierge et offrez-moi avec Vous, immolez-moi avec Vous... Je m'offre à cette immolation autant que votre bon plaisir le voudra et que ma faiblesse le permettra... Je regarderai toutes les croix, toutes les souffrances que votre Providence me destine et m'enverra comme autant de gages qui m'assureront que vous avez accepté mon humble offrande.
Au début de l'année 1869, Marie mit par écrit un aperçu complet de l'œuvre future :
Comme Marie sur le Calvaire, unie au Prêtre Éternel, a offert son divin Fils et a renouvelé cette offrande par les mains de saint Jean, les Filles du Cœur de Jésus, unies à tous les prêtres du monde, offriront Jésus-Hostie immolé d'autel en autel. Elles offriront spécialement le Sang et l'Eau sortis de la divine blessure du Sacré-Cœur. Elles seront les adoratrices de l'Eucharistie exposée solennellement dans les églises de leurs monastères et s'appliqueront à L'entourer des plus profonds témoignages de respect et d'amour; ce sera leur vie, leur raison d'être...
Des épreuves humiliantes survinrent en même temps qu'une abondance de grâces. Le Père Calage en profita pour enraciner Marie dans l'humilité.
Marie priait pour les prêtres, ceux qui doivent offrir la Victime, qui doivent célébrer avec dignité. Elle s’unissait aux prêtres, aux Sacrifices qu’ils offraient.
Les conditions politiques françaises ne permettaient pas à Marie de fonder quelque chose en France. C’est en Belgique qu’elle fonda la Société des Filles du Cœur de Jésus. Prenant le nom de Mère Marie de Jésus, elle reçut le voile et un habit blanc sur lequel étaient brodés deux cœurs rouges entourés d'épines.
Le nouvel Institut était destiné à faire réparation pour les péchés commis contre le Cœur de Jésus, Lui offrir une incessante action de grâces pour tous les bienfaits qu'Il ne cesse de répandre sur le monde, offrir à la Très Sainte Trinité le Sang précieux de Jésus-Christ pour obtenir l'avènement de Son règne dans le monde. Le moyen privilégié pour réaliser cet idéal sera une vie cloîtrée, centrée sur l'office divin et l'adoration du Très Saint Sacrement. Les Religieuses du nouvel institut réciteront chaque jour les sept dernières paroles de Jésus en Croix, paroles de Rédemption et source de sainteté pour les âmes. Afin de compenser le manque d'action de grâces envers les bienfaits divins, elle réciteront le Magnificat plusieurs fois par jour.
Mère Marie de Jésus insistait moins sur les pénitences corporelles que sur la mortification intérieure et sur le renoncement par l'obéissance. Sa préférence allait aux mortifications qui se présentent d'elles-mêmes ; ne rien dire, offrir en silence en acceptant intérieurement la mortification, est beaucoup plus méritoire.
Les constitutions furent approuvées en 1876 et, le 22 août 1878, la Fondatrice et les quatre premières Religieuses prononçaient leurs vœux perpétuels.
En juin 1879, une fondation s'établit à La Servianne, propriété héritée de ses parents, près de Marseille. C’était la première en France.
La vie de Mère Marie de Jésus se partagea désormais entre le gouvernement de ses monastères et une volumineuse correspondance. Sa sollicitude maternelle veillait à tous les détails de la vie de ses Filles. Si l'une d'elles tombait malade, elle passait à son chevet des nuits entières, la soignant de ses mains, lui suggérant de saintes pensées.
Voici une sage comparaison qu’elle rédigea dans une lettre : Tenez, nous ressemblons à un homme qui, au milieu d'un grand incendie qui brûle sa maison, et qui va étouffer sa mère, son père, ses enfants, au lieu de se hâter d'aider à l'éteindre, gémirait en un coin d'avoir sali ses habits en portant des seaux d'eau, et s'occuperait à enlever, avec des lamentations, chaque grain de cendre égaré sur ses vêtements. Eh bien ! Voilà ce que nous faisons quand, au milieu de ce malheureux monde qui cherche à incendier l'Église et qui insulte Jésus-Christ Notre-Seigneur, nous passons notre temps à nous lamenter sur nos maux intérieurs, nos épreuves personnelles, etc. Nous nous rétrécissons sur nous-mêmes, quand nous pourrions nous élargir en embrassant Dieu, et devenir des saintes en servant sa cause par nos renoncements et nos sacrifices. Un bon coup d'aile, et, avec la grâce, élevons-nous, quittons la terre, quittons-nous nous-mêmes surtout, et ne voyons plus que Jésus seul !
En novembre 1883, Mère Marie de Jésus engagea un aide-jardinier, Louis Chave, vingt et un ans, pour le tirer de la misère. Mais bientôt, il se montra paresseux, impoli, exigeant, et de plus il nouait des relations avec les anarchistes. Le 27 février 1884, mercredi des Cendres, il se mit en embuscade dans le parc de La Servianne, là où allaient passer les Religieuses au cours de leur récréation. Il se montra et, tandis que la Supérieure lui adressait une parole aimable, il lui saisit la tête et tira deux fois à bout portant avec un revolver. Blessée à la carotide, Mère Marie de Jésus s'effondra en murmurant : Je lui pardonne... pour l'œuvre !
Elle mourut peu après, ce même 27 février.
Son corps fut retrouvé intact et souple en 1989.
La Congrégation des Filles du Cœur de Jésus compte aujourd'hui des monastères en France, en Belgique, en Suisse, en Autriche, en Italie, et une fondation en Croatie.
Après la mort de la fondatrice, le rayonnement de sa communauté a conduit à l'établissement de l'Association des Âmes Victimes, qui a compté des milliers d'adhérents, dont les saints Pie X et Maksymilian Kolbe, les bienheureux Charles de Foucauld, Columba Marmion, Edward Poppe, et Joseph-Marie Cassant (Les saints Maksimilian Kolbe et Pie X sont fêtés les 14 et 20 août ; les bienheureux Columba Marmion, Edward Poppe, Joseph-Marie Cassant et Charles de Foucault, sont commémorés respectivement les 30 janvier, 10 juin, 17 juin et 1er décembre.)
Marie Deluil-Martiny a été béatifiée en 1989.
Il faut qu'Il règne !... Car, à Lui appartient l'empire dans les siècles des siècles; et toutes les nations Lui ont été données en héritage. Il faut qu'Il règne !... notre Jésus, notre Frère, notre Sauveur, notre Ami, notre Époux ! Il faut qu'Il règne en nous-mêmes pleinement, sans ombre de réserve ou de partage ; il faut qu'Il règne sur le monde et sur les cœurs; et pour l'obtenir, nous prierons, nous offrirons, nous nous sacrifierons, nous mourrons tous les jours !...