Martyrs de Laval (Quatorze)
† 1794
On sait que la répression fut particulièrement violente durant la Révolution française dans le département de la Mayenne. Parmi les nombreuses victimes, l’Eglise a retenu les noms des plus remarquables, et dont on put certifier que la mort fut causée pour des motifs religieux.
Beaucoup de prêtres avaient refusé le serment constitutionnel, certains l’avaient prêté sous conditions, avec des restrictions n’entraînant pas leur caractère schismatique. Ces prêtres entretenaient la foi chez les fidèles.
Sous le Directoire, ces prêtres réfractaires furent sommés de venir habiter à Laval, dans la prison de la Patience (!), l’ancien couvent des Clarisses, et de se présenter à l’appel chaque jour à dix heures.
Lors de la loi de proscription, on excepta les prêtres infirmes et sexagénaires. Mais on ne voulait pas s’arrêter là. C’est ainsi que le Tribunal voulut plutôt en finir, en soumettant à un interrogatoire chacun des prêtres enfermés, avant de les condamner à la guillotine.
Voici le nom de ces treize prêtres et un diacre, en ordre alphabétique de leur prénom, avec quelques indications qu’on a trouvées sur eux.
André Duliou, né le 18 juillet 1727, ordonné prêtre en 1752, vicaire successivement à Luigné, Marigné, Miré, puis curé à Saint-Fort ; déjà prisonnier à Château-Gontier, on le transféra à Laval.
Augustin Emmanuel Philippot, né le 11 juin 1716, curé à Bazouges-des-Alleux depuis cinquante ans ; on lui reprochait d’être trop généreux pour les pauvres.
François Duchesne, né le 8 janvier 1736, avait été recteur de collège à Sablé et Laval, et occupait les fonctions de diacre à Laval.
François Migoret-Lamberdière, né le 28 août 1728, avait été vicaire puis recteur à Oisseau, et curé à Rennes-en-Grenouilles.
Jacques André, né le 15 octobre 1743, ordonné en 1768, vicaire à Rouez, curé à Rouessé-Vassé, s’était retiré à Laval.
Jean-Baptiste Triquerie, né le 1er juillet 1737, était l’unique religieux du groupe, appartenant aux Cordeliers ; chapelain et confesseur des Franciscaines de Buron, et réfugié à Laval.
Jean-Baptiste Turpin du Cormier, né le 8 septembre 1732, ordonné en 1756, bachelier en théologie à l’université d’Angers, était curé de la Trinité de Laval, la future cathédrale. C’est sa fermeté et son autorité qui encouragèrent les autres à suivre son exemple. Tous, et même les geôliers, le considéraient comme le chef du groupe.
Jean-Marie Gallot, né le 14 juillet 1747, était vicaire à Bazougers, sous-chantre à la Trinité de Laval et chapelain des Bénédictines. C’est le plus jeune de ce groupe de Martyrs.
Joseph Pellé, né le 22 janvier 1720, ordonné en 1746, vicaire à la Trinité de Laval, chapelain des Clarisses Urbanistes, était réputé pour ses façons un peu rustres, mais il était réellement droit et pieux. Une fois expulsées les Clarisses Urbanistes, le monastère devint la prison Patience, où lui et ses Confrères furent enfermés. Il mourut donc la veille de son soixante-quatorzième anniversaire.
Julien Moulé, né le 29 mars 1716, avait été vicaire à Beaufray, puis curé à Saulges ; il n’était pas réputé pour sa science et ne savait pas prêcher ; en outre, le pauvre homme souffrait de la goutte. C’est le plus âgé de ce groupe de Martyrs.
Julien François Morin de la Girardière, né le 14 décembre 1733, avait étudié la théologie à Angers et avait été ordonné en 1763 mais, malade, s’était retiré.
Louis Gastineau, né le 10 novembre 1727, ordonné vers 1754, avait été vicaire à Loiron, Saint-Berthevin, de nouveau Loiron, Olivet, Port-Brillet.
Pierre Thomas, né le 13 décembre 1729, ordonné vers 1759, avait été vicaire à Peuton, puis chapelain de l’hôpital de Château-Gontier ; on le savait brusque, un peu loufoque, mais il fut toujours lucide devant les juges.
René-Louis Ambroise, né le 1er mars 1720, ordonné en 1745, était vicaire à la Trinité de Laval.
Une première fois libérés par l’armée vendéenne, les prêtres furent sommés de réintégrer Patience dans les vingt-quatre heures, ce qu’ils firent avec soumission.
L’interrogatoire commença le 21 janvier 1794 au matin. Voici quelques réponses des prêtres accusés :
- L’abbé Turpin du Cormier : (Je n’ai pas prêté le serment) parce qu’il attaquait ma religion et était contre ma conscience…
- L’abbé Gallot : Citoyen, je suis catholique.
- L’abbé Pellé : Vous m’ennuyez avec votre diable de serment. Je ne le ferai pas, je ne le ferai pas, je ne le ferai pas.
- L’abbé Ambroise : Je veux bien être fidèle au gouvernement, mais je ne peux renoncer à la religion… Je conviens que j’ai eu le malheur d’adopter des opinions qui n’étaient pas conformes à la pure et saine doctrine. Mais Dieu m’a fait la grâce de reconnaître mes erreurs et je les ai abjurées et anathématisées devant mes confrères, qui m’ont réconcilié avec la sainte Eglise. Prêt à paraître devant Dieu, je suis content de laver mon crime dans mon sang.
- Le diacre Duchesne n’était pas soumis au serment. Interrogé s’il ferait le serment, il répondit : Je demanderais un délai, pour que Dieu m’inspirât ce que je devrais faire.
- Le père Triquerie : Ah ! vraiment, non, citoyen, je ne ferai jamais un pareil serment. Je serai fidèle à Jésus-Christ jusqu’au dernier soupir.
- L’abbé Migoret-Lambardière devait choisir entre le serment et la mort, et répondit simplement : La mort.
L’accusateur public requit la peine de mort : Je demande que tous subissent la peine de mort et que Turpin du Cormier, ex-curé de cette commune, soit exécuté le dernier, pour avoir fanatisé son clergé.
Les prêtres se confessèrent mutuellement et préparèrent à la mort cinq autres vendéens condamnés avec eux.
Vers midi ils furent conduits place au Blé, aujourd’hui place du Palais.
L’abbé Pellé, connu pour ses sentences raides, s’adressa aux badauds : Nous vous avons appris à vivre, nous vous montrerons comment mourir.
Ils moururent en martyrs de la foi et de leur sacerdoce, un an après l’exécution du roi Louis XVI.
Plusieurs assistants imbibèrent des linges dans le sang des Martyrs, pour conserver des reliques.
Ces quatorze Martyrs furent béatifiés en 1955 et sont mentionnés le 21 janvier au Martyrologe.