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20 décembre 2023 3 20 /12 /décembre /2023 00:00

Noël : Messe de la  Nuit

 

 

 

Un de nos cantiques traditionnels de Noël dit : Depuis plus de quatre mille ans nous Le promettaient les prophètes. Voici que le prophète Isaïe, huit siècles avant la naissance du Sauveur, entrevoit cet heureux événement et s'en réjouit comme s'il y assistait. Huit siècles ! Imaginons que notre roi Louis IX nous ait annoncé la fin de la deuxième guerre mondiale…

Il faut comprendre dans un sens spirituel et théologique ces termes qui décrivent les hommes : les ténèbres, le pays de l'ombre,  expriment l'héritage du péché ; la grande lumière est celle qui vient d'En-haut, celle dont parle l'évangéliste Jean à propos du Verbe éternel : C'était la vraie lumière qui illumine tout homme (Jn 1:9). De même le joug, le bâton, le fouet, font allusion à la situation des Israélites en Egypte, l'Egypte étant elle-même  restée ensuite le symbole de l'esclavage du péché.

Quand ensuite Isaïe parle de la victoire de Madiane, il fait allusion à cette fameuse victoire du Juge Gédéon avec ses trois-cents hommes qui, de nuit, sans rien faire d'autre que de crier Pour Dieu et pour Gédéon et en heurtant entre elles les lanternes qu'ils portaient, ont engendré une telle panique dans le camp adverse, que les ennemis en se réveillant brusquement se sont entretués eux-mêmes (Jg 7).

Certes Dieu n'agit pas toujours ainsi ; pour Gédéon, Dieu voulait faire comprendre que ce n'était pas le grand nombre de combattants qui allaient garantir la victoire, mais la confiance en Dieu. De fait, sur les vingt-mille hommes dont disposait Gédéon au départ, seuls trois-cents restèrent avec lui.

Ces ennemis d'Israël, guerriers orgueilleux, ont été exterminés en un instant.

La victoire, désormais, est dans les mains de ce petit Bébé qui vient de naître ; il n'a ni épée, ni arc, ni bouclier, ni richesse, ni force physique : il est dans une étable, sur la paille, près des bêtes, et c'est Lui le Sauveur. Personne ne le connaît, mais il porte déjà l'insigne du pouvoir sur son épaule, et des titres de noblesse inégalables : Merveilleux Conseiller, Dieu Fort, Père à jamais, Prince de la Paix.

Quand Isaïe écrit, il ne connaît encore ni Marie, ni Jésus, mais il apprend dans l’inspiration qui lui vient de Dieu d'une part que Marie est vierge (on va en reparler à propos de l'évangile), et qu’elle aura un Fils. C'est Dieu qui inspire à Isaïe  de donner à cet Enfant ces noms extraordinaires : Jésus est en effet Un avec Dieu Père, dont Il est le Fils unique, éternellement engendré ; avec Dieu et comme Dieu, Christ est Fort, Père à jamais et Prince de la Paix.

La Paix que Jésus nous apporte n'est pas une paix sociale ou politique. Nous ne le savons que trop, hélas ! la guerre est chaque jour d'actualité, et même là où Jésus est né... Mais Jésus-Christ nous apporte une autre paix ; ce sera par le sang de sa croix qu'Il apportera la paix, autant à ceux qui sont sur terre qu'à ceux qui sont (déjà) au ciel (Col 1:20) ; et la paix que Jésus Christ nous apporte, c'est la réconciliation entre Dieu et la Créature, cette créature blessée par le péché initial.


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Le psaume 95 chante cette joie immense de la Créature qui se sent consolée, une joie tellement universelle que même les arbres des forêts la ressentent.


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Saint Paul explique à son disciple Tite quelle grâce immense Dieu nous a donnée par la naissance du Christ. Cette grâce concerne tous les hommes, et nous appelle à rejeter le péché, à vivre en hommes raisonnables, justes et religieux. Il dit bien "nous", car il ne s'adresse pas qu'à Tite : il pense à lui-même, à tous ceux qu'il a convertis, à toute l'Eglise, à nous tous, car chacun de nous est concerné par cet appel à combattre le péché.


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L'évangéliste Luc, le plus historien des quatre évangélistes, donne des précisions historiques sur la date de la naissance de Jésus, mais les spécialistes n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur la date précise de cette naissance, sans doute parce que nous ne connaissons pas forcément tous les détails de la vie politique d'il y a deux mille ans, et qu'il y a bien probablement des faits que l'on croit établis avec certitude et qui devraient au contraire être repensés. Mais ceci n'a désormais plus d'importance. Il est bien plus important de recevoir la Bonne Nouvelle de Jésus et de la mettre en pratique, que de préciser si Jésus ne serait pas né quelques années (quatre, ou six)  plus tôt qu'on ne l'admet en général.

En revanche, Luc signale que Marie mit au monde son fils premier-né, une expression qui a fait couler beaucoup d'encre, car certains ont voulu y voir une allusion à d'autres éventuels enfants qu'aurait eus Marie après Jésus. Ce n'est certainement pas la pensée de saint Luc.

Après avoir fait le récit de l'Annonciation, Luc rappelle par ce premier-né, d'une part que Jésus est effectivement né d'une Femme vierge, comme l'avait annoncé Isaïe (Is 7:14), mais surtout l'évangéliste affirme cette vérité fondamentale et théologique que Jésus est le Premier-né d'une nouvelle génération :  chacun de nous, par les sacrements de l'Eglise, reçoit de l'Eglise comme d'une Mère, cette nouvelle Vie divine que Jésus nous a apportée. Comme Marie a donné le jour à  Jésus, ainsi l'Eglise, nouvelle Mère, engendre en nous la vie de l'âme.
 
Jésus ne pouvait pas naître sans Marie, et sur la croix, il nous a à son tour donné Marie comme Mère : Voici ta Mère, dit-il à Jean (Jn 19:26-27). Tout ce que nous recevons de Jésus, nous vient en même temps par Marie, Mère de l'Eglise et Mère de chacun d'entre nous.

Il faut encore préciser ceci : après la naissance de Jésus, Marie est restée vierge, selon une tradition toujours répétée depuis les premiers siècles. D'ailleurs, si Jésus avait eu quelques frères et soeurs, Jésus n'aurait pas dit à sa Mère et à Jean, sur la Croix : Voici ton Fils, voici ta Mère. En outre, de même que la Tradition a eu le souci de répéter inlassablement que Marie était la « Toujours Vierge », de même elle aurait répété fidèlement et respectueusement – si ç'eût été le cas – que cette Mère aurait eu d'autres enfants, et elle nous aurait sans doute aussi conservé leurs noms. Rien de tout cela. Marie fut vierge avant la conception de Jésus, et après. Nous le répétons encore aujourd'hui, peut-être un peu machinalement, mais c'est l'expression de notre liturgie, dans le Je confesse à Dieu, dans le Canon romain, dans le Je crois en Dieu ; dans tous les textes, les prières et les textes conciliaires ou pontificaux, partout où il est question de Marie, on répète constamment qu'il s'agit de la « Vierge Marie ».

Cette Mère admirable, dit Luc, emmaillota Jésus, pour bien préciser que Jésus était né comme un homme, d'une Mère, et n'était pas seulement "apparu" sous forme humaine. Ceci a son importance, car on a parfois prétendu que Jésus était seulement un ange.

L'histoire de l'apparition des anges aux bergers, elle, fait aussi partie de la Tradition. On a voulu la qualifier de "légendaire", car les bergers ne dorment pas à la belle étoile un 25 décembre, même au Moyen-Orient où il fait un temps plus doux que dans nos régions occidentales.

Or il sera bon de préciser ici que la date de Noël a été établie par l'Eglise de façon non pas historique, mais théologique : Noël se situe au moment où les jours commencent de s'allonger, où la lumière gagne en durée sur la nuit. D'ailleurs, cette fête ne fut instituée que relativement tard et fut plusieurs fois déplacée. Encore actuellement, nos frères d'Orient célèbrent la Nativité le 6 janvier au lieu du 25 décembre.

Relevons enfin le chant des Anges à Bethléem, qui a été repris dans le chant du Gloria à la Messe des dimanches et jours de fête. On ne le chante pas les dimanches qui précèdent la fête de Noël, pour le reprendre au moment où les Anges l'ont chanté la première fois, dans la nuit de Noël.

 

*         *        *

 

Parlons aussi ici de deux autres détails liturgiques, concernant l’un le rite de la goutte d’eau à l’Offertoire, l’autre le chant de la Préface à Noël.
 
A chaque messe, le prêtre mélange une goutte d’eau au vin qui va être consacré, disant ces paroles : Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous êtres unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité. Cette goutte d'eau se perd dans le vin, de même que notre nature humaine a été totalement assumée dans la divinité de Jésus-Christ.

Ecoutons attentivement, enfin, la préface de Noël : Par le mystère de l'incarnation du Verbe, la nouvelle lumière de Ta clarté a rayonné à nos yeux. C'est une nouvelle Lumière, la vraie Lumière dont il était question plus haut.

Mais jusqu'à il y a peu, la préface de Noël était celle-là même de la Fête-Dieu, solennité du Saint-Sacrement. Pourquoi ? Parce que, à chaque messe se renouvelle dans les mains du prêtre l'Incarnation et la Naissance du Christ parmi nous. Chaque messe est une actuation de la nuit de Noël. Le Verbe s’est fait chair et il a habité en nous, écrit l’évangéliste Jean dans son Prologue (Jn 1:14 : Verbum caro factum est, et habitavit in nobis) : en traduisant très littéralement, on se rend compte que cette phrase exprime aussi bien et l’Incarnation du Verbe, et l’Eucharistie où nous Le recevons.

 

*         *        *

 

La plus grande joie de la Vierge Marie est que son Fils naisse en chacun de nous.

A l'occasion de Noël, renouvelons notre reconnaissance envers la Mère du Sauveur, demandons-lui avec ferveur d'intercéder pour nous, maintenant et à l'heure de notre mort, pour que cette grande fête d'aujourd'hui soit une occasion de re-naissance pour nos âmes. Dans une semaine, nous célébrerons solennellement, le 1er janvier, la Maternité de Marie, Mère de Dieu.

Merci, mon Dieu, pour la naissance de ton Fils !
Merci Jésus, de nous avoir donné ta Mère !

   
   

 

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14 novembre 2022 1 14 /11 /novembre /2022 00:00

34e dimanche ordinaire - C

Solennité du Christ Roi

 

Une tendance assez généralisée de nos jours est de considérer le “roi” et la “royauté” comme des réalités désormais désuètes, dépassées, et en voie de totale disparition : nous préférons les “présidents” (1). On conviendra pourtant que, si le terme change, la réalité reste immuable : rois ou présidents, les hommes sont les hommes, ils ont leurs faiblesses et leurs valeurs, leurs erreurs et leurs mérites, leurs caprices et leurs vertus. 

Par définition un “président” est assis à la première place (præ-sedere), nécessairement pour prendre les bonnes directives qu’il fait voter. Le “roi” marche en tête de son peuple pour le conduire (regere) ; le mot grec “basileus” évoque plutôt celui qui est la «base» de la cité, sur lequel on peut s’appuyer pour être rassuré, protégé.

Il reste que la notion de roi évoque un degré absolu, en bonne ou en mauvaise part : le roi de la générosité, le roi de la sottise… Quoi qu’il en soit, on a toujours besoin d’un chef, d’une autorité, à qui se référer ; cela vaut dans tous les groupes, dans tous les milieux, dans tous les pays.

Quand le pape Pie XI institua la fête du Christ-Roi en 1925, il n’avait pas d’idée politique préconçue ; il n'avait qu'un souci paternel et pastoral : inviter tous les hommes à regarder vers le Christ, comme idéal vrai et fondamental pour l’édification de notre société. Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, différents courants s’affrontaient dans toute l’Europe, partisans de nouveauté, de restauration, d’alliances diverses ou de divisions : le Pape voulait donner à tous un seul et même Exemple pour reconstruire cette pauvre Europe déchirée par la haine et les ambitions. Il espérait qu’en regardant vers l’unique Pasteur et Chef de tous les Chrétiens, tous - catholiques, orthodoxes, protestants, anglicans - sauraient faire abstraction de leurs propres intérêts au profit d’une nouvelle Europe chrétienne où l’on éliminerait tout conflit. On ne l’a malheureusement pas écouté, et l’on sait ce qu’il en advint.

Dans l’histoire, il y a eu des rois despotes, injustes, pécheurs ; il y en eut de bons, aussi, et le Martyrologe Romain ne recense pas moins de quarante-huit rois et reines, sans compter les non moins nombreux proches, frères et sœurs, fils et filles de rois, qui ont illustré l’histoire de l’Eglise par leur vie exemplaire tout inspirée de l’amour de Dieu et du prochain.

On a souvent critiqué les rois pour leurs "richesses" ; peut-être est-ce parfois la jalousie qui nous a fait parler, mais peu sont ceux qui "jalousent" Louis IX de France pour avoir lavé les pieds à ses pauvres ou participé à l'office des moines à cinq heures du matin ; lui-même répondit un jour à ses proches, qui le taquinaient pour ses dévotions jugées excessives : Si j'étais allé à la chasse avec vous, vous ne me reprocheriez pas d'avoir délaissé les affaires de l'État !

Etre roi n’est pas une charge véritablement enviable ; malheureux, plutôt, serait toute personne qui ambitionnerait cette place. Quelle responsabilité, devant Dieu et devant les hommes !

Mais être royal, pratiquer les vertus en cherchant la perfection, voilà l’idéal que nous propose le Christ. Avec la grâce de Dieu, nous pouvons tous le faire. 

 

*       *       *

 

L’histoire de David nous est un peu connue, surtout pour l’épisode de Goliath, par les deux Livres de Samuel (1S 16-31 et 2S) (2), mais d’autres épisodes illustrent la vie du roi David.

Mystérieusement, dès sa jeunesse, David a reçu l’onction royale de Samuel (1S 16:14), que confirmèrent plus tard les anciens de Juda (2S 2:4), puis ceux d’Israël (2S 5:3, notre récit d’aujourd’hui). 

Quand Saül, dans un accès de jalousie, voulut tuer David, ce dernier cependant pardonna et se montra royal envers Saül, refusant de porter la main sur lui parce qu’il avait reçu l’onction de Dieu (2S 24 et 26). C’est au nom de Dieu qu’il mena beaucoup de combats victorieux contre les ennemis du Peuple de Dieu. 

Après avoir fait reporter l’Arche de l’Alliance à Jérusalem, il eut l’humilité de remarquer qu’il habitait dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu sous une tente (2S 7:2) : c’est alors que le prophète Natân lui annonça que ce serait son descendant qui construirait ce fameux Temple (2S 7:13). C’est à partir de ce moment que Jérusalem fut vraiment ce que signifie son nom (Cité de la paix), la ville de Dieu, le siège du droit, que chante le psaume 121 aujourd’hui.

Or, le descendant de David qui devait construire le Temple de Jérusalem, n’en était pas le premier-né, loin de là (3). Salomon naquit de l’adultère de David avec Bethsabée, dont le roi David avait fait tuer le mari à la guerre. Natân vint reprocher très sévèrement son péché à David et le premier enfant de cette union mourut. Dans son repentir si sincère, David se montra encore une fois royal, il s’inclina devant le reproche du prophète, reconnut son péché et composa alors ce sublime psaume 50, le Miserere. Ensuite naquit Salomon qui, malgré cet adultère, reçut une bénédiction toute spéciale de Dieu et hérita de David la royauté.

En ces circonstances, Dieu montra envers David et Salomon ce que signifie être royalement miséricordieux. David à son tour, montra comment même un roi doit rester humble devant Dieu, en se reconnaissant pécheur : il n’y a peut-être rien de plus exaltant que de reconnaître son péché. Plusieurs siècles après, le Fils de Dieu nous montra comment il voulait être humble, en prenant notre nature pécheresse, et en naissant de la lignée de David, le pécheur royal.

 

*       *       *

 

Nous voyons aujourd’hui Jésus, notre Roi doux et humble de cœur, crucifié, entre deux bandits. Ces deux bandits, disait l’évangéliste Matthieu, l’outrageaient de la sorte, comme le faisaient les Juifs autour de la croix (Mt 27:44). Le passage d’aujourd’hui, en saint Luc, pourrait laisser entendre que le “Bon Larron” fut peu à peu touché par la grâce (et sans doute aussi par l’intercession de Marie, co-Rédemptrice) : voyant comment Jésus mourait sans se plaindre et en pardonnant, il rentra en lui-même, comprit son péché et, cessant d’outrager Jésus, lui demanda humblement pardon, comme le roi David après son péché. 

On pourra remarquer ici que l’évangéliste utilise l’imparfait (il disait…), comme pour indiquer une répétition : il se pourrait bien que le Bon Larron ait en effet répété plusieurs fois son “acte de contrition”. 

Une précision encore : quelqu’un pourrait objecter que, au moment des ténèbres qui suivirent la mort de Jésus, le Bon Larron aura pu être saisi de frayeur et donc un peu forcé de demander pardon. Mais l’objection ne tient pas car la conversion du Bon Larron précéda ces ténèbres de midi. Ce fut donc bien un acte personnel, libre et conscient, du Larron. On ne peut que regretter que l’autre ne l’ait pas imité.

D’après la Tradition, le Bon Larron s’appelait Dismas. Sans le nommer, le Martyrologe commémore le Bon Larron au 25 mars. Saint Dismas ne fut peut-être pas un “martyr” qui versa son sang pour le Christ, mais on peut sans aucun doute affirmer qu’il fut un “témoin” authentique - c’est le sens du mot grec martyr - par ses vertus de foi, d’espérance et de charité : foi au Christ Rédempteur et Sauveur, espérance de l’Eternité, charité à vouloir convertir son compagnon d’infortune, avant-même de demander la grâce pour lui-même.

Ainsi, sur le Calvaire, on pourra dire qu’il y a deux rois : Jésus, et saint Dismas. L’un est Roi par nature, par l’onction qu’Il a reçue de Dieu, l’autre est roi par son humilité, et par sa “nouvelle naissance” dans la vie du Christ ; sans doute sans le savoir, il accomplit ce mot du Christ, prenant en exemple un petit enfant : Qui donc se fera petit comme cet enfant-là, voilà le plus grand dans le Royaume des Cieux (Mt 18:4).

 

*       *       *

 

Jésus est Fils de Dieu, consacré Prêtre éternel et Roi, selon ces versets des psaumes, souvent repris dans la Liturgie : 

Tu es prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédech (Ps 109:4)

Ton Dieu t’a donné l’onction d’une huile d’allégresse comme à nul de tes rivaux (Ps 44:8).

A ce Roi divin saint Paul élève cette hymne magnifique dans l’épître aux Chrétiens de Colosses (4), en des termes qui mériteraient beaucoup d’heureux commentaires : Jésus est l’image du Dieu invisible, avant tous les êtres (en grec : le premier-né de toute créature), tête du Corps, de l'Église, le commencement, premier-né d'entre les morts. Et pour accomplir cette plénitude, ajoute Paul, Dieu a voulu tout réconcilier, en faisant la paix par le sang de sa croix, c’est-à-dire en nous laissant le miracle sublime et extraordinaire du Pain et du Vin de l'Eucharistie. Un don royal.

Le Bon Larron, lui, est le premier que Dieu a fait entrer dans son royaume, derrière son Fils, par qui nous sommes rachetés et nos péchés pardonnés, le premier aussi de ceux que Dieu a rendus capables d'avoir part à l'héritage du peuple saint, et qu’Il a arrachés au pouvoir des ténèbres

A la suite du Bon Larron qui fut baptisé dans son sang et par sa foi, nous avons reçu, au Baptême et à la Confirmation, l’onction sacrée du Chrême, qui nous a rendus participants de cette royauté divine. Nous sommes des rois ! Quelle dignité ! Mais aussi quelle tristesse quand cette dignité est blessée, tachée, bafouée, par nos péchés.

 

*       *       *

 

Apprenons à être rois de nous-mêmes, à nous gouverner saintement en conquérant les vertus que Jésus Roi nous a données en exemple : le pardon, l’humilité, la douceur. 

La béatitude Heureux les doux, ils posséderont la terre (Mt 5:4), devrait sans doute être interprétée ainsi : Donne-nous la grâce de dominer la terre par notre douceur royale.

C’est sans doute aussi ce que veut nous faire dire le Christ dans sa Prière. En effet, quand nous disons Que ton Règne vienne, ce Règne ne va pas tout d’un coup s’imposer à nous sans notre participation. Chacun est appelé à apporter sa propre pierre pour construire ce Royaume, en cherchant à devenir toujours plus “royal”. 

Si nous ne le voulons pas, nous n’empêcherons pas Jésus d’être Roi, puisqu’Il l’est, puisque déjà il possède le règne, la puissance et la gloire, comme nous le chantons à la Messe. Mais Jésus veut nous faire entrer dans ce Royaume, pour que nous soyons avec lui dans l’Eternité. 

Prions notre Roi d’Amour avec cette totale conviction :

Fais que toute la création, libérée de la servitude (du péché) reconnaisse ta puissance et te glorifie sans fin.

 

 

(1) Et une publicité très inconvenante, présentant une sorte de Bon Dieu dans les nuages, prétend qu’ “il n’y a rien au-dessus du Président”.

(2) Dans la Vulgate, ce sont les deux premiers Livres des Rois.

(3) Voir 1Ch 3:1-9.

(4) Les ruines de Colosses se trouvent près de l’actuelle Honaz en Turquie occidentale.

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7 novembre 2022 1 07 /11 /novembre /2022 00:00

33e dimanche ordinaire - C

 

Déjà au chapitre 19 de saint Luc, Jésus avait pleuré sur Jérusalem (Lc 19:41-44), annonçant qu’il n’en resterait pas pierre sur pierre. En entendant la douloureuse plainte du Seigneur, les apôtres ne restèrent certainement pas indifférents, habitués à contempler ce magnifique édifice qu’était le temple de Jérusalem. L’historien juif Josèphe, qui fut témoin des années 60-70, en parle en des termes qui le font bien comprendre (VI Belli, VI). On rapporte traditionnellement que le Temple de Jérusalem était d’une splendeur jamais connue auparavant et jamais égalée par la suite.

C’est un peu comme si on nous annonçait la destruction totale et irréparable d’une cathédrale de Chartres ou de Strasbourg… Dieu le permettra-t-il ? La question travaille les Apôtres. Aujourd’hui, en 21:8 sq, Jésus leur indique davantage de signes, plutôt catastrophiques et inquiétants, et surprenants dans la bouche de Celui qui était venu apporter la paix aux hommes de bonne volonté.

 

*       *       * 

 

Qu’une ville soit détruite, cela était déjà arrivé à des villes célèbres comme Ninive, comme Babylone, Tyr ou Alexandrie ; Rome aussi subira maints saccages.

Certes, la destruction d’une ville entière est évidemment une horreur. Un cataclysme dévastateur, un tsunami, un ouragan, une explosion atomique qui laissent un spectacle de mort, de destruction totale, parfois irréparable, est une épreuve difficile pour les survivants (quand il y en a), les familles et pour nous tous qui en voyons des images dans nos journaux.

Mais Jésus nous apporte ici des réflexions d’un ordre beaucoup plus spirituel. 

Une maison, un monument, une voiture, un musée, un tableau magnifique, une collection de bijoux, un violon Stradivari…, qu’est-ce devant l’Eternité ? Les emporterons-nous dans l’Au-delà ? 

Et si nous les laissons pour nos héritiers, en profiteront-ils plus que nous, si tant est qu’ils survivent à la catastrophe ou à la guerre ?

Ecoutons bien alors l’avertissement du Christ, qui nous demande, qui nous supplie, presque, de regarder au-delà des événements historiques.

Au-delà des guerres, des tremblements de terre, des épidémies de peste, des famines, des faits terrifiants, de grands signes dans le ciel, il y a la Vie éternelle, la Vie qui ne finit pas, et qu’on ne pourra pas nous arracher : le plus important pour nous, est de nous préparer à la Vie éternelle de notre âme qui, elle, ne meurt pas après la mort.

Le Christ nous avertit très clairement : 

Prenez garde de ne pas vous laisser égarer.

N’allez pas vous effrayer.

Aurions-nous déjà oublié la constance des sept frères martyrs, que nous lisions dimanche dernier ?

La destruction de Jérusalem par Titus en 70 fut effectivement une horrible catastrophe. Complètement affamés, les Juifs qui y vivaient encore mouraient de faim et l’on y vit une pauvre mère rôtir et manger son petit nouveau-né. Saint Jérôme, dans son livre Sur Zacharie, VIII, rapporte que, non seulement il n’y resta pas pierre sur pierre, mais qu’on y passa la charrue. Le même historien Josèphe, déjà cité, raconte que Titus n’en laissa qu’une partie des murs, pour y loger un camp, et deux des tours du temple, pour que la postérité pût se rendre compte de la force de l’armée romaine qui avait détruit le reste : Tout le reste fut à ce point abattu, détruit et aplani, qu’on pouvait à peine croire qu’on y avait habité (VII Belli, XVIII). 

Mais Jésus va au-delà de la Jérusalem historique. Notre Jérusalem, c’est aussi notre monde, qui ne reconnaît pas Dieu, comme les Juifs n’ont pas reconnu le Christ. 

Conflits nationaux et internationaux, explosions et attentats, déportations massives, maladies graves, catastrophes immenses (rappelons-nous le tsunami d’il y a quelques années, les tempêtes et les ouragans), persécutions : il semble que nous vivions bien au milieu de tous ces malheurs. Le XXe siècle écoulé a peut-être vu tomber autant et plus de martyrs que durant les dix-neuf autres siècles écoulés.

Tout cela non plus ne doit pas nous abattre. Un combat beaucoup plus grave nous attend : celui de rester debout avec la foi, en face des faux prophètes qui prétendront que Le moment est tout proche, ou même en temps de persécutions, car il n’est pas interdit de penser que notre Occident pourrait bien revenir à une persécution organisée contre l’Eglise, déjà bien amorcée par le matérialisme ambiant, ennemi de la religion. 

Jésus ne parle pas qu’aux Apôtres en leur disant qu’ on vous persécutera. Nous avons le droit de vivre une persécution, morale ou sanglante. Là encore, le Christ nous donne les armes de la résistance : Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. 

Les martyrs sont gagnants, parce qu'ils sont sûrs d'avoir la Vie éternelle en échange de ce qu'ils laissent, car ils échangent le secondaire contre l'essentiel, le temporel pour l’éternel, la mort pour la vie. Dans cette perspective, on comprend que chacune de nos actions, de nos pensées (chaque cheveu), soit précieuse aux yeux de Dieu. C'est que nous ne sommes pas des égarés perdus au milieu de galaxies : Dieu aime chacun de nous.

 

*       *       * 

 

C'est pourquoi s.Paul nous invite aujourd'hui à ne pas céder à la paresse, sous prétexte que bientôt tout sera fini ou au contraire que cette attente se prolonge trop. Lui, Paul, persécuté presque à chaque étape de ses voyages, et maintenant proche de sa condamnation à mort, continuait à opérer : Nous (lui et ses disciples, Timothée, Epaphras, Tite, Luc, et d'autres), nous avons travaillé pour n'être à la charge d'aucun d’entre vous. 

Il faut profiter de chaque instant pour préparer et conquérir le Royaume de Dieu. Chaque moment de notre existence est une grâce de Dieu. 

Récemment, une cause de béatification semble avoir été définitivement abandonnée, quand on sut qu'un jeune homme condamné par la maladie avait interrompu ses études. Saint Paul est sévère sur l'inactivité : Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. C’est que la société ne manque pas de ces faux pauvres, irresponsables, qui se contentent de profiter des autres. Le livre des Proverbes, déjà, avait ses sentences savoureuses sur l’oisiveté ; en voici une : Le paresseux dit : Un lion sur la route ! Un lion sur la place ! (Pr 26:13).

 

*       *       * 

 

Nous devons donc nous préparer à rencontrer le Christ. Cela pourrait historiquement arriver tout-à-l'heure, demain, après-demain… Qu'ai-je fait de ma vie ? Quelle belle plante ai-je semée, pour faire éclore bientôt une fleur magnifique ? Ou au contraire, à quelle activité sans lendemain ai-je donné tant de temps ?

Quand Jésus sera là, où serai-je ? avec ceux qui commettent l'impiété, qui seront de la paille, ou avec ceux qui respectent le Nom de Dieu, pour qui se lèvera le Soleil de justice. C'est le prophète Malachie qui nous le demande, cinq siècles avant la naissance de Jésus. Or l'avènement que nous attendons n’est plus la naissance de ce Sauveur, mais notre rencontre personnelle avec le Fils de Dieu, notre nouvelle naissance, maintenant en cette vie, et définitivement quand de toutes façons nous laisserons cette terre.

 

*       *       * 

 

Avons-nous bien compris l’enseignement de Jésus-Christ et de saint Paul ? Avons-nous besoin d’autres références ?

Il n’y a pas, en effet, que les textes d’aujourd’hui qui nous invitent au détachement. Voyons encore : 

Ne vous amassez point de trésors sur la terre, où la mite et le ver consument, où les voleurs perforent et cambriolent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel (Mt 6:19-20).

Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent (Mt 6:24).

Ne vous inquiétez pas pour votre vie (Mt 6:25).

Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps mais ne sauraient tuer l’âme… Vos cheveux même sont tous comptés (Mt 10:28,30).

A la messe, le prêtre élève cette prière confiante : Rassure-nous devant les épreuves en cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus-Christ, notre Sauveur.

Tous ces textes sont une invitation pour nous à réfléchir sur cette vérité de notre Credo, que nous répétons peut-être un peu machinalement chaque dimanche : 

Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin…

J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir.                      

ou bien, dans le Symbole des Apôtres : 

Je crois… à la résurrection de la chair, à la vie éternelle.

 

*       *       * 

 

Tous ceux qui seront restés fidèles dans leur cœur acclameront le Christ dans un débordement de joie qui ne finira plus. Le psaume 97 veut illustrer cette fête universelle dans une symphonie musicale triomphante avec la cithare et tous les instruments, au son de la trompette et du cor ; la mer, le monde et ses habitants, les fleuves, les montagnes ! Ce psaume est plein de joie, plein d'harmonies célestes, c'est tout le créé, désormais re-créé, qui joue pour Dieu !

 

*       *       * 

 

A la lumière de ces quelques réflexions, il est bon d’approfondir la Prière du jour : trouver notre joie dans notre fidélité, être toujours heureux même dans l’adversité, c’est tout un programme. Servir constamment le Créateur de tout bien, c’est véritablement entrer déjà dans l’Eternité. 

C’est la joie parfaite.

 

 

 

 

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31 octobre 2022 1 31 /10 /octobre /2022 00:00

32e dimanche ordinaire - C

 

Depuis la fête de la Toussaint jusqu'à la fête du Christ Roi, la liturgie nous place dans une perspective très accentuée vers l'Au-delà, tant par la pensée de la mort et de la résurrection, que celle du jugement dernier, du retour du Christ et de la Vie éternelle avec les Anges et les Saints.

 

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Les livres des "Martyrs d'Israël" - comme on les appelle actuellement - sont les derniers des livres historiques de l'Ancien Testament et furent écrits un siècle environ avant la naissance de Jésus-Christ. Il est important de le noter, parce que nous y trouvons déjà des affirmations importantes sur la résurrection des morts, la prière pour les défunts, les mérites des martyrs, qui seront reprises et amplement développées dès l’Eglise naissante du premier siècle. 

Le récit d'aujourd'hui nous fait lire une petite partie des tortures subies par ces sept frères. Le chapitre entier est consacré à ce récit complet, qui relate d’autres détails (cf. 2M 7). Ne nous y arrêtons pas ici non plus ; ce qui compte, c'est la ferme espérance que nourrissent tous ces jeunes gens, de retrouver la Vie après cette mort terrestre. Le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle, dit l'un ; tenant de Dieu l'espoir d'être ressuscité, dit l'autre ; et un autre encore, tendant ses mains qui vont lui être coupées : Ces membres que je tiens du Ciel, j'espère par lui les retrouver.

 

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Cette certitude de la Vie éternelle existait bien avant aussi, mais par d'autres allusions. Jésus nous le rappelle dans l'évangile d’aujourd’hui : si Moïse parle du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, c'est que ces derniers sont bien vivants près de Dieu : quel intérêt y aurait-il à invoquer un Dieu de morts ?

Dans l’évangile, les interlocuteurs de Jésus inventent une situation invraisemblable, juste pour lui poser une "colle". Imagine-t-on en effet sept frères épouser successivement la même femme ! Mais ne nous moquons pas des Sadducéens, ces juifs qui ne croyaient pas à la résurrection. Combien de fois n'entend-on pas dire dans des conversations ordinaires, et même de la bouche de chrétiens, que "la vie d'après n'existe pas, parce que jamais personne n'en est revenu pour nous le dire" ? Bien que chaque dimanche nous répétions que nous croyons à la résurrection des morts, beaucoup montrent là-dessus des doutes, des craintes, des perplexités… Pourtant, que de “signes” avons-nous reçus de la part des Défunts, et ne serait-ce que les multiples manifestations de Jésus après sa mort et sa résurrection !

 

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Or, même avant Jésus, déjà les juifs avaient coutume de lire et de commenter les psaumes. Le psaume 16 d'aujourd'hui a précisément cette finale très claire sur la résurrection : Au réveil, je me rassasierai de ton visage. On peut certainement y voir et y entendre le Christ parlant à Son Père, pendant la “nuit” de sa vie, de son agonie, de sa mort, et attendant l’heure de sa résurrection. Tout le psaume est la prière d’un Juste qui se sait innocent, mais qui, accusé de toutes parts, ne trouve son refuge qu’en Dieu. 

On pourra évoquer parallèlement le psaume 15 où s’exprimait aussi cette certitude : Ma chair reposera en sûreté ; car tu ne laisseras pas mon âme dans le shéol, ni ne laisseras ton Saint connaître la corruption ; plénitude de joie devant ta face, délices éternelles à ta droite.

Le sens de ces versets est assez clair. Peut-être que les Sadducéens lisaient ou chantaient ces psaumes sans y réfléchir, machinalement ; un peu comme nous "récitons" le Je crois en Dieu, qui s'achève précisément sur cette profession de foi en la vie éternelle.

Pour nous, chrétiens, nous avons au moins "une" attestation de la résurrection, par la résurrection tout-à-fait historique de Jésus-Christ. Saint Paul nous en a avertis : S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n'est pas ressuscité, et vide est notre foi (2Co 15:13-14).

Il est vrai que la résurrection échappe à toutes les lois de la nature, à toutes nos expériences quotidiennes. Elle n'en demeure pas moins une réalité fondamentale.

 

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C'est le sens qu’il faut trouver dans les paroles de saint Paul aux Thessaloniciens, la deuxième lecture d’aujourd’hui, dont nous allons souligner quelques expressions fortes : 

Laissez-vous réconforter par notre Seigneur lui-même, car si Jésus n’était pas ressuscité, il ne pourrait pas nous réconforter ; 

Dieu... nous a donné réconfort et joyeuse espérance : quelle espérance “joyeuse” pourrions-nous avoir, si nous n’étions pas appelés à la résurrection, comme le Christ ?

Qu'ils affermissent votre cœur…, que le Seigneur vous conduise à la persévérance pour attendre le Christ : ne nous laissons pas décourager par ce monde qui passe, mais encourageons-nous à rejoindre le Christ. 

Ces expressions ne sont pas banales ; gardons-nous de les lire trop rapidement, de les trouver évidentes sous la plume de l'Apôtre. Elles sont précisément une exhortation pressante à raviver notre foi, à ne pas nous endormir sur nos habitudes, sur notre train-train. Quelle merveille inouïe que cette résurrection ! Que serait notre vie, sans cette perspective ?

 

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Quand nous comprenons quel sera le vrai but de notre existence, nous percevons mieux quelle valeur prend alors chaque instant de la vie : chaque minute est précieuse pour l'éternité. Mais comme c’est souvent difficile de rester fermes sur la route, nous demandons à Dieu dans la Prière du jour que, par Sa grâce, Il éloigne de nous tout ce qui nous arrête, toute entrave d’esprit et de corps. Déjà dimanche dernier, l’expression se trouvait dans la Prière : sans que rien nous arrête.

 

 

Pour l’homme, c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible (Mt 19:26).

 
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23 octobre 2022 7 23 /10 /octobre /2022 23:00

31e dimanche ordinaire - C

 

Dans son voyage pour rejoindre Jérusalem, Jésus a successivement rencontré les dix lépreux aux confins de la Samarie et de la Galilée (Lc 17:11, évangile du 28e dimanche), puis guéri l’aveugle comme il approchait de Jéricho (Lc 18:35) ; Le voici en Jéricho, où l’attend Zachée. Le récit évangélique d'aujourd'hui va peut-être nous poser quelque difficulté, après la parabole du pharisien et du publicain de dimanche dernier, où Jésus nous invitait à ne pas nous vanter de nos bonnes actions. 

Aujourd'hui, celui qui expose à Jésus ses bonnes actions n’est pas un pharisien, mais un publicain ; qui plus est, il est le chef des collecteurs d’impôts, quelqu’un qui manipule l’argent, qui emprunte, fait du profit, en quelque sorte un “voleur”, un de ceux qui devaient traiter aussi avec les Romains pour changer leur argent, pour collecter et leur remettre les impôts : traiter ainsi avec les occupants, c’était être un “collaborateur” ; on voit bien comment on peut arriver aux amalgames, et aux accusations faciles ; ajoutons que le mot hébreux pour “chef” est Gabba, d’où vient notre gabelle, le fameux impôt sur le sel. 

S’arrêter là serait mal connaître celui à qui Jésus va dire qu’il doit demeurer chez lui. Le nom-même de Zachée signifie Pur (Juste), et l’on va voir que ce “gabelou” a un cœur en or.

Voici donc que Zachée, qui est de petite taille, grimpe sur un arbre : cette attitude est touchante de prime abord, parce que ce faisant, Zachée ne peut guère passer inaperçu ; tout le monde voit notre homme se dépêtrer dans les branches, comme le font tous les enfants pour s'amuser ; mais Zachée ne s'amuse pas : sans s'inquiéter du qu'en-dira-t-on, il fait tout ce qu'il peut pour voir Jésus. Saint Jean Chrysostome commente délicieusement : Il voulait voir des yeux Celui que désirait son âme.

Jésus ne manque pas de le remarquer, bien sûr, et lui adresse la parole, l'invite à descendre "vite" (déjà il avait couru en avant pour escalader son sycomore, voilà qu'il doit redescendre encore plus vite !) Et Zachée de descendre, obéissant comme un petit enfant à l’appel de Jésus, pour Le recevoir avec joie.

Il y a eu des commentaires à propos du sycomore auquel est grimpé Zachée. Ce petit arbre, parfois appelé “faux platane”, ou même assimilé à une sorte de figuier aux fruits fades, aura suggéré la “folie de la Croix”. Contrairement aux païens qui considèrent une folie le langage de la Croix (cf. 1Co 1:18), Zachée au contraire s’est “sagement” appuyé sur ce Bois pour trouver la Vérité. 

Saint Grégoire le Grand a à ce propos une autre formule savoureuse : “Abandonnons la science vénéneuse pour apprendre la louable stupidité” (1) .

Le désir de Zachée était si fort et si pur, que Jésus s’est Lui-même présenté à lui, selon ce passage de l’Ecclésiastique (ou Siracide) : La Sagesse vient au-devant de (celui qui craint le Seigneur) comme une mère ; elle le nourrit du pain de la vie et de l’intelligence, elle lui donne à boire l’eau de la sagesse salutaire (Si 15:2-3, d’après la Vulgate) (2). 

Ecoutons notre Zachée : contrairement au pharisien de la parabole de dimanche dernier, sans vanité, sans se comparer aux autres, il expose simplement ce qu'il croit bien de faire. Personnellement, il ne connaît pas la Loi, sinon vaguement ; peut-être n’était-il pas même Juif ; mais son cœur droit lui dicte qu'il doit aider les autres, qu'il doit réparer ses torts. A strictement parler, la Loi ne demande pas de donner aux pauvres la moitié de (ses) biens : en fin de récolte, il fallait seulement laisser à la veuve la gerbe ou les grappes qui restaient (Dt 24:19sq), ou bien tous les trois ans seulement on demandait la dîme des récoltes (Dt 14:28) ; quant à restituer au quadruple, cela ne concernait que le vol de petit bétail (Ex 21:37).

Le texte de l’évangile nous permet ici une explication supplémentaire. Dans son laconisme, le verset de Luc Voyant cela, tous récriminaient… laisse bien supposer tous les attroupements de la foule devant la maison de Zachée et les conversations où chacun y va de son commentaire et de sa critique. Pendant tout ce temps, personne n’entend la conversation de Jésus et Zachée : il est plus que probable que Jésus ait pris le temps de parler, d’écouter, de conseiller, après quoi Zachée, convaincu, converti, aura cette phrase : Je fais don aux pauvres, etc, qu’on peut très bien entendre comme une sorte de décision, de promesse solennelle faite à Jésus, qui alors déclare que le salut a été accordé à cette maison, à Zachée et à tous ses proches, car le bon exemple de Zachée a convaincu toute la maisonnée (3). 

Certes, Zachée savait s'y prendre en matière de finances, et n’était pas totalement innocent. Mais Jésus voit plutôt l'intérieur de son âme, éprise de justice : à lui pourra s’appliquer la Béatitude Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront rassasiés (Mt 5:6) ; Jésus lui accorde le salut, exactement selon le mot que nous lisons dans la première lecture : Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’il se convertissent. Ainsi se manifeste la divine miséricorde : sans contrainte, sans brusquerie, Dieu amène toute âme droite à la conversion.

 

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Toute la première lecture, extraite du Livre de la Sagesse, chante cette miséricorde divine, qui n’exclut personne. Un Père de l'Eglise a fait cette remarque merveilleuse : Dieu aime tous les êtres, parce qu'il les aime chacun en particulier (4). 

 

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Oui, vraiment, dit ensuite le psaume 144 : Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d'amour. La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

Il n’est pas rare que tel ou tel pécheur demande lui-même à recevoir les Sacrements de l'Eglise avant de mourir. De telles conversions au moment suprême montrent comment des cœurs parfois endurcis soient touchés par la grâce, comme le Bon Larron sur la croix. Le cas est loin d’être unique. On ne peut que remercier Dieu pour cette "patience" qu'Il a envers chacun de nous.

 

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Dieu, qui n’est pas un juge impitoyable, ne veut qu’une chose : le salut de notre âme. Peu importeront les circonstances, les peines, les difficultés, les souffrances, nos chutes même (pourvu que nous les reconnaissions) ; et surtout les faux prophètes alarmistes (deuxième lecture) : si s.Paul dit ailleurs que le Seigneur est proche (Phil 4:5), c'est pour nous rappeler que le temps passe très vite, mais il nous avertit bien précisément, aujourd’hui, que la fin du monde (le jour du Seigneur) n'est pas arrivée encore. Peu importe la date des "derniers temps" dont on nous parle ici et là : l'essentiel est, dit l’apôtre, de conserver une foi active et d'accomplir tout le bien possible ; d’abord une conversion toujours plus totale en nous-mêmes, et puis un amour toujours plus grand autour de nous.

Ainsi, dit s.Paul, notre Seigneur Jésus aura sa gloire en vous (le texte grec dit plutôt que le nom de notre Seigneur Jésus (sera) glorifié en vous) : que chacune de nos actions soit un hommage à Jésus Christ, une progression vers les biens qu’(il) nous promet, dit la Prière du jour, pour que Jésus soit en quelque sorte fier de nous, quand Il reviendra, et qu'Il dise à chacun de nous : Entre dans la joie de ton Maître (Mt 25:21).

Alors, sans crainte du Jugement et de la mort, et au contraire avec la plus grande joie et totale liberté, nous invoquerons de toutes nos forces : Viens, Seigneur Jésus (Apoc 22:20).

 

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1 “Relinquamus noxiam sapientiam, ut discamus laudabilem fatuitatem” (Moralia, XXVII).

2 On pourra chercher sur Internet des informations sur M.André Levet, un Zachée du XXe siècle, ou plutôt un Bon Larron : ce voleur voulut parler  avec le Christ, le vit effectivement, et se convertit totalement dès sa prison.

3 D’après le pape saint Clément, saint Pierre ordonna Zachée évêque de Césarée de Palestine. 

4 Très probablement s.Maxime le Confesseur, un illustre théologien de Constantinople au VIIe siècle, extrêmement prolixe et surnommé “le Confesseur”, fêté le 13 août ; sa fidélité à la doctrine de l’Eglise lui valut d’être torturé : on lui coupa la langue et la main droite, pour l’empêcher de parler et d’écrire davantage.

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16 octobre 2022 7 16 /10 /octobre /2022 23:00

30e dimanche ordinaire - C

 

Le Christ met une petite pointe d'humour dans la parabole d'aujourd'hui : le procédé est utile pour faire passer plus aisément la leçon. Nous connaissons tous la parabole du pharisien et du publicain, et tous, nous condamnons l'attitude du pharisien, mais, sincèrement, demandons-nous maintenant : suis-je un pharisien ou suis-je un publicain ?

Au fond, pourquoi le pharisien n'a-t-il pas trouvé grâce devant Dieu ? Nous allons voir que ce pharisien - celui qui se cache en chacun de nous - commet plusieurs erreurs.

 

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Sa première erreur est une des erreurs les plus répandues parmi les hommes : il se compare aux autres. Il est tout-à-fait vain de se comparer aux autres, parce que nous sommes tous pécheurs devant Dieu : nous avons tous des qualités et des défauts, aussi différents de sujet à sujet. Celui auquel nous devons chercher à ressembler, l'Unique, est le Christ. Lui seul est parfait, lui seul est notre modèle. Cette doctrine est fondamentale et l'Eglise n'a jamais cessé de nous le rappeler. 

Les Saints et les Saintes ont pratiqué les vertus à un degré héroïque, ils ont eu des attitudes étonnantes, voire mystérieuses, ou même contradictoires, liées au contexte historique de leur mission. Qui voudrait imiter le caractère fougueux d'un saint François d'Assise pourrait bien se trouver en difficulté à vouloir ensuite imiter la douceur infinie d'un saint François de Sales ; ou bien qui voudrait - à l'instar de certains grands Mystiques - ne se nourrir que de l'Eucharistie, aurait bientôt quelques problèmes avec son entourage (et son médecin !).

Mais si les Saints et les Saintes sont des "modèles", c'est parce qu'ils nous montrent comment ils ont cherché à suivre le Christ totalement, sans prendre en considération le qu'en-dira-t-on, et surtout sans se mesurer aux autres.

 

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Et voici maintenant la deuxième erreur du pharisien : toutes les bonnes œuvres qu'il accomplit pour satisfaire la Loi, lui suffisent pour s'autodéclarer "juste". Dans ses paroles, aucun amour réel de Dieu, mais une immense complaisance en lui-même. Il fait de Dieu son miroir et se félicite lui-même de ce qu'il y voit. Les Saints en revanche ne s'attribuent aucun mérite dans leurs bonnes actions. 

On lit ainsi dans la vie de saint Martial qu’après avoir fondé les Églises dans tout le sud de la Gaule, il mourut "ne cessant de regretter d'avoir si peu fait" (Saint Martial venait de Palestine et fut évêque à Limoges, un des sept premiers évangélisateurs envoyés de Rome en Gaule ; sa fête est au 30 juin).

 

 

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En lisant l’épître de saint Paul, on pourrait, à première vue, lui reprocher d'avoir des propos un peu similaires à ceux du pharisien : Je me suis bien battu, j'ai tenu jusqu'au bout, je suis resté fidèle… Je n'ai plus qu'à recevoir la récompense. Mais lisons bien le contexte : Le Seigneur m'a assisté, il m'a rempli de force. Paul ne s’attribue aucun mérite : c’est Dieu qui a agi en se servant de son “serviteur inutile” (c'était l’évangile de dimanche dernier, 29e ordinaire) ; rappelons-nous ici le fameux “hymne à la Charité”, du même Apôtre Paul : Quand j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j'aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien (1Co 13:2). Paul se montre ici très exigeant pour son propre apostolat : sans l’amour vrai, sans la Charité, tout ce qu’il pourra faire ne comptera pour rien.

 

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Les Saints ne s'appuient que sur Dieu. Quand ils se mettent en Sa présence, leur première attitude est de s'humilier, de demander pardon pour leurs faiblesses, comme nous en donne l'exemple notre publicain. C'est pourquoi aussi, au tout début de la liturgie de la Messe, avant toute prière, avant toute lecture, nous commençons par demander pardon à Dieu. Cette action est pleinement liturgique, parce qu'elle favorise l'ouverture de notre cœur pour écouter et entendre la Parole divine.

 

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Recueillons encore une autre leçon que nous donne notre Modèle divin aujourd’hui. Le pharisien a la dent dure contre les autres hommes : voleurs, injustes, adultères ; c'est sa troisième erreur. Oui, laissons à Dieu le jugement des autres ; tout en discernant le bien du mal, ne condamnons jamais et bannissons rudement de notre cœur (et de notre bouche) toute médisance. Cette attitude nous apportera un sens profond de la Justice et de la Paix, à l'image de Christ qui dit à la pécheresse : Je ne te condamne pas, va et désormais ne pèche plus (Jn 8:11).

 

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Voilà qui nous amène au texte de Ben Sirac le Sage (le “Siracide” ou “Ecclésiastique”, un livre de la Bible très utilisé dans la liturgie ; la numérotation y est un peu différente selon le texte latin de la Vulgate ou le texte hébraïque original ; la Bible de Jérusalem indique les versets latins en chiffres marginaux, plus petits).

Nous y lisons en quelques lignes l’universelle Bonté et Justice de Dieu, un “juge” absolument juste et impartial, en qui l’homme peut avoir une totale confiance.

Toutefois, après avoir lu ces lignes et celles du psaume 33 qui suit, que dira-t-on de tant et tant de “laissés pour compte” de notre monde ? Injustices, conflits sociaux, délinquance, guerres… Où est cette Bonté divine, cette Justice dont nous avons tant besoin? Quand donc Dieu nous délivrera de toutes (nos) angoisses ? 

Avec saint Pierre nous nous rappellerons que Dieu use de patience envers vous, voulant que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir (2P 3:9). Dieu veut la conversion de tous les pécheurs, de tous les hommes. Voyons si nous ne sommes pas, nous les premiers, à l’origine de quelques injustices, de quelques heurts familiaux, de quelques querelles entre collègues.  Au lieu de regarder le mal ailleurs, cherchons toujours à corriger d’abord nos propres défauts à l'intérieur de nous-mêmes ; jusqu'au dernier souffle, nous aurons toujours des imperfections à nous reprocher.

 

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Les Saints ne s'appuient que sur Dieu. Quand ils se mettent en Sa présence, leur première attitude est de s'humilier, de demander pardon pour leurs faiblesses, comme nous en donne l'exemple notre publicain.

Le pharisien de la parabole, en réalité, ne prie pas ; il se loue lui-même.

Le publicain, dans son humble prière de pécheur, a une attitude que l’Eglise a, depuis, reprise dans notre liturgie pour exprimer la pénitence : il se frappe la poitrine. Par ce geste, le publicain veut en quelque sorte subjuguer son cœur, le siège de la volonté humaine, la source de tous les péchés. C'est pourquoi aussi, au tout début de la liturgie de la Messe, avant toute prière, avant toute lecture, nous commençons par demander pardon à Dieu. Cette action est pleinement liturgique, parce qu'elle favorise l'ouverture de notre cœur pour écouter et entendre la Parole divine. On se frappe la poitrine à l’acte pénitentiel du début de la Messe, au chant de l’Agneau de Dieu qui précède la communion, et juste avant de recevoir l'Eucharistie : Seigneur, je ne suis pas digne...

 

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Cette façon de demander pardon à Dieu nous conduira tout droit à cette joie du psaume 104 du chant d'entrée : Soyez dans la joie, vous qui cherchez Dieu. Cherchez le Seigneur et sa force, sans vous lasser, recherchez son visage ; c'est cette recherche qui nous fortifiera et nous consolidera sur le chemin vers la sainteté. 

Oui, Seigneur, fais-nous aimer ce que tu commandes, pour obtenir ce que tu promets (prière du jour).

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9 octobre 2022 7 09 /10 /octobre /2022 23:00

 

29e dimanche ordinaire - C

 

Je t'appelle, mon Dieu, car tu peux me répondre. Le psaume 16 ouvre ainsi la liturgie de ce dimanche. Voilà une prière confiante, une supplique intense : Dieu est notre refuge sûr. Nous allons méditer sur la prière confiante à Dieu.

 

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Moïse demande l'aide de Dieu, il s'offre lui-même pour l'obtenir, il supplie, il lève les mains, et quand il n'en peut plus il se fait aider : grâce à Aaron et Hour, Moïse garde les bras élevés. Cet homme qui intercède pour son peuple, les bras étendus, est déjà une figure du Sacrifice du Christ, qui lèvera ses bras en croix pour tout Son peuple. 

Chaque fois que nous prions pour quelqu’un, un malade, un ami, une quelconque autorité, nous sommes des Aaron qui soutiennent les bras de nos Moïse, mais nous pouvons aussi être des Moïse, en levant nous aussi nos bras vers Dieu.

 

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Il s’agit aussi de la prière confiante dans le psaume 120, un des psaumes graduels que chantaient les pèlerins en marche vers Jérusalem. De la plaine, ils "levaient les yeux" vers les montagnes, vers Jérusalem, vers le Seigneur, attendant de Lui sa protection contre toutes les embûches de ce voyage, car le chemin de Jéricho à Jérusalem était infesté de voleurs, prêts à dévaliser les braves pèlerins (on se rappellera la fameuse parabole de l’homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho (Lc 10:30) ; mais aussi protection contre les embûches spirituelles, celles qui jalonnent notre voyage terrestre.

 

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Depuis plusieurs dimanches nous parcourons les deux lettres de s.Paul à Timothée, le disciple très cher de l’Apôtre, fidèle entre tous. Le passage d'aujourd'hui est une exhortation à la lecture approfondie de l'Ecriture. Non pas que Timothée l’ignorât, puisque, dit saint Paul, il la connaît depuis (son) plus jeune âge. Mais Paul l’exhorte à ne pas l’oublier, et il nous exhorte tous, et chacun d’entre nous, à lire l’Ecriture Sainte, dont tous les passages sont inspirés par Dieu. Nous y trouverons beaucoup d’exemples de prière, ne serait-ce que La prière que nous a enseignée le Seigneur.

Il est vrai que beaucoup de passages du Texte sacré nous apparaissent obscurs, étonnants, parfois vraiment incompréhensibles… Probablement, Dieu ne veut pas que nous les comprenions tout de suite, comme le dit Jésus à ses Apôtres : J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant (Jn 16:12). Mais croyons bien que la lumière se fera peu à peu, comme l’éponge qui se laisse progressivement gonfler par l’eau qu’elle absorbe.

D’autres fois, c’est que notre cœur est fermé à la Lumière : nous voudrions faire entrer le soleil, mais nous maintenons fermés les volets ! Notre âme est trop pleine de nos pensées terrestres, humaines, et il n’y a pas de place pour le divin. Notre première pensée, en ouvrant le Livre inspiré, doit être : Quel enseignement Dieu veut-il me donner en ce moment ? 

Lisons l'Ecriture, relisons-la, méditons-la ; surtout l'Evangile, que saint Dominique savait par-cœur ! C’est l’enseignement direct de Jésus. 

Et n’oublions pas que certains autres textes de l’Ecriture sont réellement “faciles” à lire, parce qu’ils sont davantage historiques, comme les Actes des Apôtres, ou, dans l’Ancien Testament, les livres de Josué, des Juges, de Samuel, des Rois, des Chroniques. Les passages des Prophètes, ou des Psaumes, ou de l’Apocalypse, auront certes besoin d’explications, mais ne doivent pas nous rebuter, car ils nous conduiront toujours vers la Vérité. N’avons-nous pas souvent le “courage” de lire des livres véritablement rébarbatifs, pour préparer nos examens ou nos conférences ? Et nous renoncerions à approfondir l’Ecriture ?

Puisqu’il s’agit aujourd’hui de la prière, cherchons dans l'Ecriture des exemples de prière confiante, et apprenons à prier Dieu comme ces saints personnages ont prié : comme Abraham devant Sodome (Gn 18:23-33), comme Moïse dont il est question aujourd’hui, comme Esther (Est 14), comme aussi le jeune Salomon pour obtenir la sagesse (Sg 9)… comme Jésus qui priait parfois toute la nuit (cf. Lc 6:12) et qui, humblement, s’effaçait devant la volonté de Son Père, à Gethsémani (Lc 22:42).

 

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L'évangile du jour revient sur l'efficacité de la prière instante. Jésus prend l’exemple un peu déconcertant d’un juge qui finit par faire justice envers cette brave femme, simplement pour qu’elle cesse de lui casser la tête. Il faut noter ce que Jésus dit de cet homme : il est tellement injuste, qu’il ne respecte ni Dieu ni même les hommes, ce qui sous-entend un état d’esprit véritablement, foncièrement mauvais. Pourtant il finit par céder. Mais Dieu n’est pas un juge humain ! Si un juge humain finit par écouter cette femme bon gré mal gré, à plus forte raison notre Père céleste, qui est bon, exaucera promptement ses enfants.

Saint Jean Chrysostome (fêté le 13 septembre) commente ainsi : Si la prière assidue a pu faire de ce juge cruel un homme doux, que ne sera-t-il pas du Bon Dieu ! Et de faire remarquer quelle force a la foi, quand on voit des juges injustes et même méchants devenirs bons et miséricordieux.

Le même Chrystostome ajoute ensuite : Quelle dignité de parler ainsi avec Dieu ! La prière nous unit aux Anges, dont la charge est de prier sans interruption, qui nous apprennent à oublier notre condition humaine et à remplir notre esprit d’une telle rapidité et d’une telle sainte crainte, que nous n’ayons plus de regard vers les choses présentes mais que nous nous sentions comme en présence des Anges, en train d’accomplir le même sacrifice d’action de grâce avec eux.

Saint Augustin (fêté le 28 août), quant à lui, compare cette Veuve à l’Eglise qui attend du Christ qu’Il lui rende la justice, qu’Il intervienne enfin pour éliminer tous les maux, toutes les injustices. Mais ces maux sont multiples, et dureront malheureusement jusqu’à la fin des temps, car ils sont liés à la condition humaine. Jusqu’à la fin de notre vie nous connaîtrons les tentations les plus diverses, jusqu’à la fin des temps les hommes éprouveront des tribulations de toutes parts, des injustices sociales, des maladies, des épidémies, des accidents, des persécutions… Tout cela, l’homme ne peut l’éviter ; mais tous, nous pouvons éviter le péché, et c’est ce qui est le plus important, peut-être même le plus difficile.

Notre prière instante doit nous faire espérer et croire sans cesse qu’avec Jésus, et seulement Lui, nous serons libérés du mal. Rappelons-nous la prière qui suit le Notre Père à la Messe : c’est bien au Seigneur qu’on demande de nous délivrer de tout mal… du péché… des épreuves, dans l’espérance de l’avènement de Jésus-Christ, à qui, répond l’assemblée, appartiennent le règne, la puissance et la gloire.

L’expression de Jésus : toujours prier, ne doit pas s’entendre au sens de quelque attitude permanente, qui exclurait par exemple le travail manuel nécessaire à la vie quotidienne. Effectivement, il y eut de ce genre d’esprits tordus que saint Paul reprend vertement : Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Or nous entendons dire qu’il en est parmi vous qui vivent dans l’oisiveté, ne travaillant pas du tout mais se mêlant de tout. Ceux-là, nous les invitons et engageons dans le Seigneur Jésus Christ à travailler tranquilles et à manger le pain qu’ils auront eux-mêmes gagné (2Th 3:10-12). 

Toujours prier veut dire : avec persévérance, à différents intervalles, comme l’insinue le psaume de David : Sept fois le jour, je te loue pour tes justes jugements (Ps 118:164).

C’est pourquoi l’Eglise nous a habitués à «faire la prière» le matin et le soir ; ce n’est pas en soi une «obligation», mais c’est le moyen d’apprendre à rester en union avec Dieu ; il y a aussi l’Angelus, le chapelet, et mille autres dévotions parmi lesquelles on peut choisir celles qui nous conviennent le mieux.

Par la persévérance dans la prière, notre esprit s’accoutume peu à peu à l’inspiration de l’Esprit de Dieu, et se laisse plus facilement modeler par la sainte Volonté divine. Il faut croire que ce que Dieu nous accordera sera pour notre bien, et que ce ne sera pas forcément ce qu’on avait demandé au départ.

Croire, oui. Mais vient alors cette question vraiment bouleversante de Jésus : trouvera-t-il la foi à son retour sur terre ? 

Jésus a-t-il un doute sur la fidélité de l’Eglise et des Chrétiens ? Veut-Il dire que l’Eglise aura “peut-être” disparu de la société ? L’Eglise sera-t-elle à ce point persécutée, qu’on ne la verra plus apparaître visiblement dans notre société ? Les églises et la Croix auront-elles disparu de nos cités ? Il est vrai que certains esprits inquiets pourraient le penser, devant tant de persécutions, et devant la montée en force des ennemis de l’Eglise. 

Mais reprenons-nous : si la question de Jésus-Christ devait nous mettre dans cette inquiétude, elle ne serait pas de Lui. Au contraire Jésus veut par là nous alerter, nous aider à rester en éveil, à être de ces vierges sages qui savent entretenir leurs lampes avec la foi et les œuvres de charité (cf. Mt 25:1-13).

C'est à chacun de nous que Jésus pose cette question, comme pour nous inviter instamment à L'attendre ; préparons-nous à son retour, soyons de ceux qui garderont la foi et qui seront prêts à accueillir Jésus Christ.

 

*       *       * 

Jésus veut en même temps nous expliquer ici pourquoi certains d’entre nous ne sont pas toujours exaucés : c’est parce que notre foi n’est pas totale. L’homme se donne aux plaisirs, et oublie facilement le jugement qui l’attend. La Foi, celle que Dieu attend de nous, manquera chez certains, et saint Paul le dit (1Tm 4:1-2) Il y aura aussi de faux prophètes (Mt 24:24). C’est pourquoi il est urgent pour chacun de nous de ne pas s’endormir sur notre fausse justice. Ce sera le thème de la prochaine parabole du Christ, du pharisien et du publicain, que nous lirons dimanche prochain.

 

*       *       *

Notre supplique sera d'autant plus efficace qu'elle exprimera l'ouverture de notre cœur à la volonté de Dieu : que serait cet appel à l'aide, si nous maintenions fermée à clef la porte de notre cœur ? Au contraire, faisons bien nôtre la Prière du jour : Fais-nous toujours vouloir ce que tu veux.

 

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2 octobre 2022 7 02 /10 /octobre /2022 23:00

 

28e dimanche ordinaire - C

 

Une lecture et l’évangile de ce jour nous mettent en présence de lépreux. La lèpre, dans l’histoire d’Israël, revêt une importance singulière, au point que le Lévitique y consacre deux chapitres entiers, l’un pour la maladie elle-même - y compris la “lèpre” qui s’attaque aux vêtements, aux objets en tissus ou en cuir, et aux murs d’une maison -, l’autre pour la purification (Lv 13 et 14).

Dans la Loi de Moïse, si c’est au prêtre de reconnaître la maladie officiellement, c’est parce que cette maladie extérieure suppose une maladie intérieure grave ; être lépreux est pour ainsi dire être hérétique : la personne ou la chose en question est “impure”, c’est-à-dire qu’elle doit être exclue de tout contact, voire de la communauté. 

Le texte du Lévitique considère par “lèpre” diverses affections cutanées qui ne sont pas ce que nous appelons aujourd’hui la lèpre, mais qui requièrent de la part des personnes touchées des sacrifices particuliers grâce auxquels elles redeviendront “pures” et pourront être réadmises dans la communauté. Elles ne seront pas pour autant guéries de leur lèpre extérieure, mais le mal intérieur que représente cette affection, sera expié.

 

La lèpre est vraiment une affection très pénible ; l’altération de l’épiderme des personnes ou des murs d’une maison, fut considéré comme une altération de la beauté des créatures de Dieu, comme quelque chose qui mine de l’intérieur l’être ou l’objet et lui enlève sa belle apparence. Une sorte de corruption intérieure. Pendant des siècles, une interprétation radicale du livre du Lévitique prescrivait l’éloignement total et définitif des lépreux hors des habitations ; les malades devaient agiter une clochette pour avertir la population de s’éloigner. Une véritable malédiction pesait sur ces malheureux.

(C’est le norvégien Hansen qui trouva le bacille de la lèpre en 1874. Cette maladie très pénible présente des cas plus ou moins graves, pas toujours contagieux et pas non plus toujours incurables)

Un jour, François d’Assise passait près d’un lépreux et en eut instinctivement quelque répulsion ; se reprenant, il alla à sa rencontre et l’embrassa fraternellement. Au XIXe siècle, le belge Damien De Veuster voulut aller sur la petite île Molokaï (Hawaï), où le gouvernement reléguait les lépreux en les abandonnant à leur sort fatal ; ce missionnaire y fit grand bien, et y finit ses jours, gagné à son tour par la contagion. (Il semble qu’il ait été contaminé après qu’un petit lépreux ait joué avec sa pipe, car le père Damien fumait la pipe, un peu par habitude, mais aussi pour éloigner les insectes par la fumée. Damien-Jozef De Veuster a été béatifié en 1995, canonisé en 2009 et sa fête est le 15 avril ; s. François d’Assise est fêté le 4 octobre).

 

 

*       *       *

 

Le personnage de notre première lecture, le général Naaman, un Syrien (donc un “étranger”), ne devait pas souffrir d’un cas “contagieux” de lèpre, puisqu’il conservait sa place de militaire à la tête des armées et aussi qu’on ne l’a pas rejeté à son entrée en Israël. Ce que nous lisons aujourd’hui ne donne que l’essentiel du chapitre 5 du deuxième livre des Rois ; l’histoire de cet homme est très belle et vaut la peine d’être lue intégralement.

Après avoir d’abord refusé le conseil du prophète, ce militaire va quand même se baigner sept fois dans le Jourdain, et recouvre la peau d’un petit enfant ; guéri, il perd ainsi son “impureté” : c’est la récompense de son humilité à suivre les conseils du prophète Elisée.

 

*       *       *

 

Les dix lépreux de l’évangile sont dans une situation différente : neuf sont juifs, un est samaritain (donc aussi “étranger”) ; mais ils sont tout autant exclus de la vie communautaire : ils se tiennent à distance et supplient Jésus qui, appliquant la loi du Lévitique, leur prescrit d’aller se montrer aux prêtres. On le sait, Jésus n’est pas venu abolir la loi, mais la porter à son accomplissement (Mt 5:17). Ici, cet accomplissement se fera quand l’homme guéri viendra alors aux pieds de Jésus la face contre terre en lui rendant grâce. Encore une fois, c’est l’humble obéissance à Jésus qui vaut à cet homme la guérison totale. 

Saint Luc avait relaté précédemment (9:51) que les Samaritains n’avaient pas voulu recevoir Jésus ; aujourd’hui, Jésus guérit justement un Samaritain, rendant ainsi le bien pour le mal. On le sait, Luc aime montrer la clémence de Jésus, la miséricorde divine, comme il l’a fait avec la parabole du Fils prodigue (15:11-32).

L’évangéliste ne dit pas que les neuf autres n’aient pas conservé la grâce de la guérison au moins physique ; rien ne donne à douter qu’ils aient entendu parler de l’attitude du Samaritain et qu’ils se soient à leur tour rendus auprès de Jésus. Pourquoi pas ? Mais l’attitude de Jésus nous prouve bien que la maladie de la lèpre, souvent, cache une autre maladie, intérieure, une maladie que seul le Fils de Dieu peut guérir : Ta foi t’a sauvé, lui dit simplement Jésus.

Le général Naaman aussi exprima les sentiments d’un converti : Je ne veux plus, dit-il, offrir ni holocauste ni sacrifice à d’autres dieux qu’au Seigneur Dieu d’Israël (cf. 2R 5:17). Sa foi est déjà tellement ancrée dans son cœur, qu’il veut prélever une bonne quantité de terre de cet endroit pour l’emporter dans son pays et établir sur cette terre l’autel de ses nouveaux sacrifices. Il se dit serviteur du prophète.

Il faut aussi admirer l’attitude du prophète Elisée, qui refuse les présents apportés par Naaman. Il les refuse, pour que Naaman comprenne bien que c’est la grâce de Dieu qui a opéré dans son cœur, et non la puissance du prophète. Ici, Elisée nous rappelle qu’il n’est à son tour que le serviteur de Dieu, le serviteur inutile dont on parlait dimanche dernier. En revanche, Dieu punira très sévèrement la cupidité du serviteur personnel d’Elisée, Géhazi, qui moyennant deux gros mensonges, essaie d’accaparer pour lui un peu des présents offerts par Naaman : c’est lui qui est alors couvert de lèpre (2R 5:20-27).

L’attitude de Naaman, qui emporte de la terre d’Israël pour y bâtir chez lui le nouvel autel, inspirera plus tard sainte Hélène, quand elle eut retrouvé la Croix du Seigneur près de Jérusalem : elle emporta de la terre de Jérusalem pour y construire à Rome la basilique qui depuis s’appelle “Sainte Croix à Jérusalem”, là où se trouve un important morceau de la Croix du Christ, ainsi qu’un long morceau de celle du Bon Larron (s.Dismas).

 

*       *       *

 

La conversion de Naaman, syrien, et celle du samaritain reconnaissant de l’évangile, sont à l’origine du choix du psaume 97 : Le Seigneur (.…) a révélé sa justice aux nations… La terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu. C’est un chant nouveau, parce que Dieu veut étendre le salut aux hommes de toutes les nations : la nation choisie d’Israël devait préparer la venue du Messie ; désormais l’Evangile doit être annoncé partout. Acclamez le Seigneur, terre entière !

 

*       *       *

 

La deuxième lecture semble ne pas avoir de rapport direct avec tout ce qui précède ; ces temps-ci, l’Eglise nous fait lire les “petites épîtres” de saint Paul, à Philémon d’abord, à Timothée ensuite. Ce dernier, ainsi que Tite, étaient parmi les meilleurs disciples de Paul, qui les exhorte paternellement à une fidélité constante, même dans les souffrances. Paul est en ce moment enchaîné à Rome et recevra bientôt la couronne du martyre - il le sait, cf. 2Tm 4:6 ; Timothée, lui, le jeune évêque à Ephèse, ne mourra pas martyr (Ce n’est pas absolument avéré. Actuellement, s.Timothée est fêté avec la couleur blanche des Confesseurs, en même temps que s.Tite, le 25 janvier).

, mais aura sa part de souffrances, d’épreuves diverses, de déceptions aussi, dans l’annonce de l’Evangile de Jésus-Christ. Saint Paul l’encourage : on n’enchaînera pas la parole de Dieu !

L’apôtre Paul rappelle cependant à Timothée l’importance des textes sacrés : par là s’acquiert la sagesse qui conduit au salut par la foi. 

Le lépreux de l’évangile a été sauvé par sa foi. Naaman a cru et il fut sauvé. Nous sommes peut-être nous aussi des Naaman : n’avons-nous pas parfois refusé de nous plonger… dans les eaux profondes et purificatrices de la miséricorde de Dieu ?

 

*       *       *

 

Admirons la force de nos frères du Moyen-Orient et de l’Orient, où la religion chrétienne est tellement frappée par la persécution ouverte et déchaînée, justement dans ces pays qui ont été le berceau de la foi judaïque et chrétienne.

De même que la parole de Dieu n’est pas enchaînée, de même Dieu est toujours près de nous par la grâce qui nous devance et nous accompagne. Même si cette grâce ne fait jamais défaut, notre désir de la recevoir nous la fait demander encore plus instamment aujourd’hui pour faire le bien sans relâche, selon les termes de la Prière. 

Il est certain nous avons besoin de cette grâce divine pour résister aux embûches. Saint Paul nous rassure : Dieu ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces (1Co 10:13) ; et saint Pierre : Le Seigneur sait délivrer de l'épreuve les hommes pieux (2Pt 2:9). 

C’est la dernière demande de la Prière du Seigneur : Délivre-nous du mal !

 

 

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1 octobre 2022 6 01 /10 /octobre /2022 15:54

 

27e dimanche ordinaire - C

 

Au fur et à mesure que nous approchons de la fin de l’année liturgique, les textes sacrés attirent notre attention davantage sur la fidélité et la persévérance.

Persévérer n‘est pas toujours très facile, quand on rencontre des épreuves. Il est même assez fréquent d’entendre des réflexions de ce genre, à propos de la prière, mais surtout en temps de calamité : “Est-ce que Là-haut, on s’occupe un peu de nous ?” 

Cette question assez impertinente n’est pas nouvelle, et il semble qu’elle soit aussi celle du prophète Habacuc (1) : Combien de temps vais-je t’appeler au secours ? Dieu répond au prophète : d’une part, que les Chaldéens seront bien le fléau qui punira les pécheurs, mais d’autre part aussi, oui, que Dieu lui-même va intervenir, et bientôt. 

Mais le temps de Dieu n’est pas le temps de l’homme. Avant que Cyrus permette aux Juifs de rentrer d’exil, il passera encore une soixantaine d’années. Quant au Sauveur promis, la venue du Messie adviendra… six siècles plus tard ! 

Dieu veut que l’homme apprenne à être patient, à se soumettre, à accepter la volonté de Dieu, humblement. Tandis que Le juste vivra par sa fidélité, l’insolent au contraire n’a pas l’âme droite (ou aussi, suivant les versions : ne mènera rien à terme). On aura plaisir à lire la longue prière du prophète qui clôt la prophétie (Ha 3) : une belle prière de soumission à la toute-puissance de Dieu.

 

*       *       *

 

Saint Paul reviendra plusieurs fois sur cette fidélité du juste (cf. Ro 1:17 ; Ga 3:11 ; He 10:38). Aujourd’hui, comme depuis plusieurs dimanches, c’est à Timothée qu’il adresse ces recommandations. C’est ici la deuxième lettre à Timothée, que Paul a dû lui envoyer peu de temps avant d’être mis à mort à Rome. 

Dans la première (1Tm 4:12), Paul évoquait le jeune âge de Timothée ; ici, il lui demande de réveiller le don de Dieu qu’il a reçu : sans préciser ce qui a pu “s’endormir”, Paul demande à Timothée de “ressusciter” ce don, comme s’il voulait l’exhorter à bien continuer sa marche, avec fidélité, jusqu’au bout, sans se relâcher. Rien n’exclut que Timothée, au milieu des difficultés, ait un peu perdu de sa ferveur, ou qu’au contraire il se soit laissé gagner par la fougue de son jeune âge et ait connu quelque précipitation dans ses décisions ; un peu plus bas dans le texte, Paul lui recommande bien en effet de fuir les passions de la jeunesse (2Tm 2:22).

Reste que les recommandations de Paul valent pour chacun de nous, prêtres et évêques, mais aussi laïcs : dominer la peur, garder l’esprit de la force ; rendre témoignage au Seigneur, sans honte ; accepter notre part de souffrances ; conserver pure la doctrine. 

 

*       *       *

 

L’invitation du psaume 94 qui relie ces deux lectures, est justement ce qu’on appelle chaque jour dans le Bréviaire le psaume invitatoire, qui demande instamment à chacun de bien écouter l’appel de Dieu : Ne fermez pas votre cœur ! Crions de joie pour le Seigneur ! Entrez, prosternez-vous ! Ce psaume commence la prière du matin, en nous invitant justement à laisser derrière nous la nuit, le sommeil, au propre et au figuré, tout assoupissement, et à raviver notre foi en Dieu. 

 

*       *       *

 

La foi, reprend Jésus… Le grand arbre dont Il parle est, dans le texte, un mûrier, et l’on sait bien quelle difficulté il y a à éradiquer un tel buisson ! Telle est la puissance de la foi, si nous l’appuyons fermement en la puissance de Dieu. Saint Jean Chrysostome a fait remarquer que le grain de sénevé et le buisson qui se développe ensuite, évoquent bien le grain de foi dont nous avons besoin pour développer la puissance du don de Dieu ; le Vénérable Bède dit à son tour que la foi peut être modeste, intérieure, mais doit être aussi très ardente.

Il faut relever que Luc reprend ici une expression de Matthieu (Mt 17:20), où Jésus cependant parlait de commander à une montagne de se jeter dans la mer ; l’image est la même que le mûrier. Mais il est intéressant aussi de relier cette réponse à ce qui précède : en Matthieu, les disciples demandent à Jésus pourquoi ils n’ont pas pu chasser le démon épileptique et c’est là que Jésus leur reproche leur peu de foi. Ils faisaient leur apprentissage ; plus tard, ils accompliront à leur tour des miracles ; et même de plus grands (Jn 14:12b).

Les Saints ont eu cette foi, cette confiance absolue en la puissance de Dieu, avec une soumission totale à Sa volonté divine, et en furent récompensés. Deux exemples entre mille : 

Sainte Scholastique avait reçu son frère saint Benoît un soir ; l'heure passait et Benoît voulait regagner son monastère ; mais Scholastique, qui connaissait l’heure de sa mort prochaine, le prie de rester encore un peu ; lui de protester ; sans rien dire, elle se recueille quelques instants, et voici des cataractes d'eau qui empêchent Benoît de s'en aller. Puisque tu n'as pas voulu, lui explique-t-elle, je me suis adressée à Dieu, et il m'a exaucée. Ils purent ainsi continuer de parler de Dieu toute la nuit, et elle mourut en effet le lendemain (2). 

Et cet autre miracle, bien moins connu, d'un malade gravement atteint qui, avant d'aller à Lourdes, annonçait à tous ses amis qu'il reviendrait guéri. Lors de la procession du Saint Sacrement, il ne compte que les secondes qui le séparent de la guérison… mais le Saint Sacrement passe sans le guérir. Alors, plein de foi, il s'adresse à Jésus présent dans l'Hostie : "Tu n'as pas voulu me guérir ? Je vais le dire à ta Mère !" Le prélat qui porte le Saint Sacrement l'entend, s'arrête une seconde (on imagine sa stupeur !), se retourne et bénit derechef le malade. Qui guérit aussitôt. On ne connaît rien d’autre sur la “sainteté” de cet homme, mais on peut affirmer avec certitude que sa foi a été entière.

 

Revenant donc à notre mûrier, on l’a aussi comparé à la passion du Christ : de même que ces ronces produisent un fruit rouge, de même les coups, les épines, les clous, feront jaillir le Sang rédempteur. 

Quant à “arracher” ce mûrier et le jeter en mer, certains y ont vu la mission des apôtres consistant à “retirer” le message évangélique du milieu des Juifs qui ne l’acceptaient pas, pour le jeter dans la “mer” des païens ; ou encore à chasser le diable et le précipiter dans l’abîme. 

Quoi qu’il en soit, après avoir suggéré aux Apôtres quelle force, quelle autorité les animeront grâce à la foi, Jésus leur recommande immédiatement après de rester modestes, humbles. 

Ainsi aussi, à saint Augustin de Cantorbury, qui convertissait beaucoup d’Anglais grâce à ses miracles, le pape Grégoire le Grand recommanda d’éviter toute tentation de présomption. 

On aurait pu supposer, ensuite, que l’enseignement de Jésus sur les serviteurs quelconques fût sans rapport avec ce qui précède. Mais le docte évangéliste qu’est Luc n’a pas accumulé des réflexions et des enseignements épars, qu’il a réunis au hasard dans son évangile. Tâchons humblement de comprendre.

Au début de l’exemple que donne Jésus, on pourrait rester dubitatif sur la conduite de ce maître apparemment égoïste, sans cœur pour son serviteur fatigué. Mais Jésus ne fait que prendre un exemple de la vie courante de son époque, où sévissait l’esclavage (encore que même de nos jours, cette conduite soit plus fréquente qu’on ne le dise…), mais sans la justifier pour autant. Il veut nous dire ceci : si vous êtes capables de vous soumettre à un tel maître, sachez à plus forte raison reconnaître devant Dieu que vous n’êtes que des serviteurs quelconques (le texte latin dit : inutiles). 

C’est simplement une pressante invitation à persévérer humblement dans l’accomplissement de notre travail, conscients de coopérer au champ immense de l’Eglise, sous le regard de Dieu, qui nous réserve notre juste récompense dans le monde à venir.

Avant d’être glorifié dans la victoire de la résurrection, Jésus a pratiqué l’humilité à son degré absolu : en s’abaissant à l’indignité d’un scélérat, il s’est vraiment fait un serviteur quelconque, considérant qu'il ne faisait que son devoir

De la foi qui transporte les montagnes, Jésus a dit ailleurs :  

En vérité, oui, je vous le dis : si vous demandez quelque chose au Père en mon nom, il vous le donnera. Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom, demandez et vous recevrez, pour que votre joie soit pleine (Jn 16:23-24).

Que demandons-nous justement aujourd’hui dans la Prière ? 

D’abord nous exprimons un acte de foi en Dieu : Il nous comble bien au-delà de nos désirs ! Ensuite, eh bien, nous comptons sur sa miséricorde - car nous sommes pécheurs - et même si notre culpabilité ou notre modestie nous empêche de parler, du moins notre confiance nous aidera à demander la grâce divine : qu’Il augmente en nous la Foi !

 

 

 

1 Le prophète Habacuc, dont le nom devrait être plus exactement Ambakoum, écrivait aux alentours de 600 avant Jésus-Christ.

2 Sainte Scholastique est fêtée le 10 février ; s.Benoît, le 11 juillet.

 

 

 

 

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19 décembre 2015 6 19 /12 /décembre /2015 00:00

4e dimanche de l’Avent - C

 

 

La première lecture de ce quatrième dimanche d’Avent est extraite cette année du prophète Michée, un contemporain du prophète Isaïe, donc du huitième siècle avant Jésus-Christ. 

On reste frappé de la précision de cette prophétie, citant explicitement Bethléem, d’où sortira celui qui doit gouverner Israël, et dont les origines remontent aux temps anciens, à l’aube des siècles

Bien sûr, pour certains Juifs, cette prophétie avait un goût strictement politique et humain : ce nouveau chef devait faire battre en retraite l’occupant romain. Mais pour les âmes spirituelles, il s’agissait du Sauveur promis, l’Envoyé de Dieu, le vrai Berger qui mène ses brebis en sécurité et leur apporte la paix, le Messie qui instaurait la nouvelle naissance.

Quand les Rois Mages, peu après la naissance du Christ, chercheront le Roi qui vient de naître (Mt 2:2), les grands prêtres et les scribes répondront sans ambage qu’effectivement il devait naître à Bethléem, citant la prophétie de Michée.

 

*       *       *

Le psaume 79 qui suit n’est pas à proprement parler un psaume prophétique, car il semble s’appliquer à la situation d’Israël après le sac de Jérusalem au 6e siècle.

Mais une interprétation biblique de cette supplique peut très bien coïncider avec la venue du Sauveur en Israël, cette Terre Promise qui fut (et reste encore, hélas !) le théâtre de tant de combats, d’invasions, d’exils, de larmes. 

Aujourd’hui, la liturgie n’a gardé que quelques versets de ce psaume, les plus significatifs pour notre “Vigne”, l’Eglise, qui a tant souffert à travers les siècles d’attaques humaines, externes et internes.

Mais il s’agit aussi de notre vigne personnelle intérieure, car chacun de nous est un champ où Dieu veut cultiver une vigne fructueuse, abondante, et dans laquelle malheureusement nos fréquentes tentations et nos chutes gâtent les fruits et parfois même détruisent la récolte.

 

*       *       *

C’est à un autre psaume (Ps 39:7-9) que fait allusion la deuxième lecture, extraite de la Lettre aux Hébreux.

De cette longue supplique à Dieu, saint Paul (ou un de ses plus proches collaborateurs) cite trois versets qui s’appliquent véritablement à la mission du Christ sur terre : Tu m’as fait un corps (c’est l’Incarnation) ; Me voici, pour faire ta volonté (ce sera la constante prière de Jésus sur terre, qui culminera à Gethsémani : Non pas ma volonté, mais la tienne (Mt 26:39).

 

*       *       *

Enfin, l’évangile du jour nous fait revivre la rencontre de Marie et d’Elisabeth.

Marie vient de concevoir Jésus après le départ de l’Ange à Nazareth, et Elisabeth est enceinte de Jean-Baptiste depuis six mois. Devant ce signe de Dieu, qui permet ces deux miracles (car Elisabeth était âgée et stérile, et Marie conçoit maintenant sans l’intervention de l’homme), ces deux saintes femmes exultent, comme le petit Jean-Baptiste qui tressaille de joie dans le ventre de sa sainte mère : ensemble ils se réjouissent de l’arrivée du Sauveur. 

Elisabeth improvise ces sublimes paroles que répéteront, à sa suite, des millions et des millions de bouches : Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni, tandis que Marie chante le Magnificat, que toutes les personnes consacrées reprennent chaque soir à la fin de Vêpres.

C’est saint Luc qui nous raconte tous ces détails historiques, dans le premier chapitre de son évangile. On sait qu’il a connu personnellement Marie, et donc qu’il en a reçu des confidences, des explications extrêmement précises et indubitables. 

 

*       *       *

Le dernier mot d’aujourd’hui sera une invitation à bien examiner la Prière du jour et à l’apprendre par cœur : c’est l’oraison-même qui clôt l’Angelus, cette prière très ancienne que les chrétiens ont eu coutume d’élever à Dieu matin, midi et soir, pour commémorer avec action de grâce l’Incarnation, la Passion et la Résurrection de Jésus-Christ. Cette belle prière toute simple pourrait très facilement retrouver sa place dans nos habitudes quotidiennes.

Voici comment se prie l’Angelus :

 

L’ange du Seigneur porta l’annonce à Marie.

Et elle conçut du Saint Esprit.             Je vous salue, Marie…

Voici la servante du Seigneur : 

Qu’il me soit fait selon ta parole.            Je vous salue, Marie…

Et le Verbe s’est fait chair.

Et il a habité parmi nous.                Je vous salue, Marie…

Prions. Que ta grâce, Seigneur, se répande en nos cœurs : par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’incarnation de ton Fils bien-aimé, conduis-nous par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par le Christ notre Seigneur. Amen.

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