Ioannis de Ioannina
1522-1546
L’Epire, cette région du nord de la Grèce, fut sous la domination ottomane depuis le XVe siècle jusqu’au début du XXe siècle. Elle est maintenant en grande partie divisée entre la Grèce, la Bulgarie et l’Albanie. C’est dans cette région que sévit le fameux Ali Pacha au XIXe siècle.
La plus importante ville de l’Epire s’appelle en grec Ioannina, Ianina en bulgare et Ianinë en albanais.
Ioannis était né en 1522 à Terovo, près de Ioannina, où il vivait avec ses parents. Il était tailleur. Après la mort de ses parents, il vint à Constantinople et ouvrit une boutique de tailleur, qui fut florissante.
Là, ou peu avant d’y arriver, il renonça à l’Islam et devint chrétien. En revanche, beaucoup de marchands quittèrent le christianisme pour adhérer à l’Islam, par pure convenance. Ioannis ne se priva pas de le leur reprocher. Il fut aussitôt dénoncé pour avoir “abandonné la religion de Mahomet”.
Il se savait menacé, mais se sentait heureux de mourir pour le Christ. Il rencontra son père spirituel, qui l’aida à se préparer à la mort par la prière et le jeûne. La nuit du Vendredi Saint, il se vit en rêve au milieu des flammes. Le lendemain il reçut l’Eucharistie et la bénédiction du prêtre.
Au moment où il se rendit sur la place du marché, il fut invectivé par les autres marchands. On le tortura, on le battit avec des verges et des cannes de fusil, puis on le mit en prison.
Le lendemain, jour de Pâques, on l’amena pour le torturer encore, mais lui de toutes ses forces chanta Le Christ est ressuscité des morts, et adressa à ses tortionnaires ces mots enthousiastes : Faites tout ce que vous voulez pour m’envoyer le plus vite possible dans l’autre Vie. Je suis l’esclave du Christ, je marche derrière le Christ, pour Lui je meurs ! Puissé-je vivre avec Lui.
On le chargea de chaînes et on le conduisit à l’endroit du bûcher. Quand le feu fut allumé, il s’y jeta courageusement. Mais un voisin craignit pour sa propre maison, et fit éteindre le feu. On retira du feu Ioannis à moitié brûlé, et on alluma un autre bûcher plus loin, où Ioannis se précipita de lui-même. Des Grecs intervinrent alors et soudoyèrent les officiers, leur demandant de décapiter l’homme pour lui épargner plus de souffrances. C’est ainsi que Ioannis fut décapité, le 18 avril 1546, à vingt-quatre ans.
On jeta son corps et la tête dans le feu.
Ioannis n’est pas commémoré dans le Martyrologe Romain, mais sa mémoire est retenue dans un calendrier d’Epire, au 18 avril et les Orthodoxes le commémorent à cette date, sous le vocable de Ioannis le Jeune.
C’est un des très nombreux cas de musulmans convertis au christianisme, persécutés par leurs coreligionnaires ou même leurs familles, qui ne leur permettent pas de renoncer à l’Islam. Le phénomène est d’autant plus triste et injuste qu’il perdure encore de nos jours, malgré tout ce qu’on proclame en fait de droits de l’homme, de tolérance et de liberté de conscience.