Etienne-Théodore Cuenot
1802-1861
Etienne-Théodore naquit au Bélieu (Morteau, Doubs) le 8 février 1802, aîné des onze enfants d’une famille de paysans très pauvres. Quand il voulut aller au séminaire, sa mère n’avait rien d’autre que sa robe de mariée, qu’elle tailla pour lui confectionner un habit correct.
Le garçon en eut toujours une vive reconnaissance. Quand il sera ordonné prêtre, il offrira à son tour une belle robe à sa mère.
Il passa par les Petits séminaires de Ouvans, Cerneux-Monnot, Ornans, puis les Grands séminaires de Luxeuil et Besançon.
Voici une anecdote assez significative du personnage et de l’état d’esprit des ecclésiastiques de l’époque. Etienne-Théodore était assez passionné d’horlogerie, comme cela est traditionnel en Franche-Comté. Ayant besoin de certaines pièces introuvables dans son village, il voulut aller en Suisse les y trouver : du Bélieu à la frontière suisse, il n’y a qu’un pas. Mais en Suisse, la soutane n’était pas admise, et Etienne-Théodore jugea opportun de mettre un habit laïque pour s’y rendre. Nous n’aurions rien à y redire, mais à l’époque cela fut jugé «inadmissible», et les Supérieurs émirent alors des «réserves» sur la vocation authentique de leur séminariste.
Etienne-Théodore rejoignit alors le séminaire d’Aix-en-Provence, géré par les Religieux de la Retraite Chrétienne (une fondation comtoise), où il fut ordonné prêtre en 1825. Puis il demanda à être admis aux Missions Etrangères de Paris (MEP) en 1827.
De là, il fut envoyé au Tonkin en 1828, où il exerça un apostolat intense, malheureusement entravé par la maladie, jusqu’en 1833.
Ayant repris ses activités, il fut contraint par la persécution de se réfugier au Siam, où il administra la communauté de Chantaboun pendant un an.
En 1834, il se retira à Singapour : c’est là que Mgr Tabert le sacra évêque coadjuteur en 1835, et il repassa clandestinement en Cochinchine.
Nommé Vicaire apostolique pour la Cochinchine et le Cambodge, en vingt-six ans d’épiscopat, il rouvrit deux séminaires, ordonna plus de cinquante prêtres vietnamiens. Il put aussi traduire en vietnamien l’Imitation de Jésus-Christ et quelques parties de la Bible.
Il eut la joie de recevoir en 1839 un Bref pontifical qui louait la conduite des Chrétiens de Cochinchine. La même année, il recevait l’autorisation de se choisir son propre coadjuteur.
C’était une mesure prudente. Mgr Tabert mourut en effet en 1840, et Mgr Cuenot lui succédait comme Vicaire apostolique.
Il convoqua un synode à Go-thi en 1841, et consacra Mgr Lefebvre comme coadjuteur.
Quoique réduit à un quasi immobilisme, il écrivait beaucoup pour stimuler le courage de ses prêtres et de ses fidèles. Il fit commencer l’évangélisation des territoires de l’ouest et rédigea scrupuleusement les actes des confesseurs et martyrs de Cochinchine.
En 1844, il demanda à séparer son immense territoire en deux régions, se réservant seulement la Cochinchine orientale.
En 1846, il ordonna Mgr Pellerin comme coadjuteur.
En 1854, c’est le dévouement des fidèles qui lui évita l’arrestation. On lui conseillait de s’éloigner, mais il ne voulait pas abandonner son troupeau. Une anémie cérébrale commença.
La persécution s’accentua. En 1861, il se réfugia à son tour chez une chrétienne de Go-boi. Il resta sans manger pendant un jour et demi dans une cachette très étroite, et se livra spontanément, le 28 octobre.
Il fut relégué à Bin Ɖịnh dans l’écurie des éléphants de guerre, enfermé dans une cage étroite, véritable instrument de supplice auquel il succomba le 14 novembre 1861. Le lendemain arrivait l’ordre de le décapiter.
Un édit ordonna ensuite de faire disparaître les corps des Occidentaux. On exhuma le corps du saint évêque martyr, qui n’avait pas été atteint par la corruption, malgré le temps passé en pleine terre, sans cercueil. Le corps fut jeté au fleuve et n’a jamais pu être retrouvé.
Mgr Etienne-Théodore Cuenot fut béatifié en 1909 et canonisé avec les Martyrs du Vietnam, en 1988.