Thomas Hélye
1180-1257
Thomas naquit vers 1180 à Saint-Pierre-de-Biville (Manche), de Hélye et Mathilde, gens simples qui eurent un autre fils, Guillaume. Il ne serait pas invraisemblable que le patronyme de Thomas fût le prénom même de son père
Après ses études, il fut professeur, très attentif au bien et à la culture de ses élèves et dirigea une école à Cherbourg (1225).
Déjà, il s’imposait de longs temps de prière. Guéri après une grave maladie, il adopta un régime franchement austère : bure de toile grossière, cilice ; dans un tel acoutrement, ses cheveux en bataille, il montrait assez quel dédain il avait du monde.
Après la mort de ses parents, il laissa à son frère tout son héritage, se contentant seulement de ce qu’il en recevait pour vivre. Et même, Guillaume le «grondait» de ne pas manger le pain de froment qu’il lui servait.
Thomas veillait, prenait la discipline, jeûnait. La nuit, il restait en prière à l’église, où il se flagellait, rentrait à la maison juste pour un bref repos et repartait à l’église pour l’office du matin. Trois fois par semaine, il jeûnait au pain et à l’eau ; les autres jours, il prenait un peu de soupe avec du pain d’orge, très rarement de la viande ou du poisson.
Tout cela ne pouvait manquer d’arriver aux oreilles de l’évêque, qui appela Thomas ; il lui rappela que la pauvreté n’empêchait pas la propreté, puis l’envoya étudier à Paris en vue du sacerdoce ; Thomas fit d’abord le pèlerinage de Rome puis de Compostelle, étudia et fut ordonné prêtre.
Aux mortifications précédentes, le nouveau prêtre ajouta maintenant la prédication, les missions, dans les deux diocèses de Coutances et d’Avranches. L’évêque l’obligea à prendre, même en carême, des légumes quatre jours par semaine, parfois un peu de poisson. Quand il se déplaçait, il ne voulait être à charge de personne, prenant ce qu’on lui offrait, simplement pour ne pas mourir de faim, et repartait sans attendre.
La nuit, il priait l’office des défunts à l’église, puis les sept psaumes de la pénitence, les quinze psaumes graduels avec les litanies, puis sept petits psaumes (comme il les appelait) et encore quelques prières. Puis il envoyait son clerc dormir ; il le rappelait vers minuit pour prier l’office des lectures (matines, comme on l’appelait).
Il prêchait jusqu’à trois fois le dimanche et les fêtes. Pratiquement tout le diocèse l’entendit prêcher. Après la prédication et la messe, il confessait, jusqu’à minuit parfois, toujours à jeun. On l’attendait avec impatience ; une des âmes qui s’attacha à lui fut une certaine Alice, femme du baron de Bricquebec.
Jeune, il se flagellait avec des verges ou une courroie ; prêtre, il le fit avec des ajoncs ou du houx ; parfois il s’enfonçait dans un buisson épineux qu’il rencontrait sur son passage ; quand il éprouvait quelque tentation charnelle, il se piquait jusqu’au sang, qu’on voyait couler sur ses pieds. A l’office, il était debout ou agenouillé ; à la messe, il pleurait longuement après la consécration ; un jour, confia-t-il à Alice, une goutte de sang coula avec ses larmes.
A un ami qui l’invitait, il fit remarquer : Tu manges trop ! Donne aux pauvres.
L’apostolat itinérant de Thomas dura quelque vingt-deux années, toujours à pied, et pieds-nus à la fin de sa vie ; quelquefois à cheval pour ne pas être en retard.
Quand il fut malade et dans l’impossibilité de célébrer, il demanda qu’on sonnât les cloches à l’élévation et à la communion, pour qu’il pût s’unir à la liturgie. Sa dernière communion fut très solennelle : l’Eucharistie lui fut portée au milieu de nombreux prêtres et clercs qui chantaient.
Il écrivit à tout le clergé du diocèse pour lui demander le secours de ses prières ; à Alice, il écrivit ce mot : Je voudrais vous faire savoir que je vais à la cour du paradis, où je serai votre procureur.
Il passa ses derniers jours chez Gauvin, sieur de Vauville, se faisant lire les récits évangéliques sur l’Incarnation et la Passion. Au moment suprême, il pria le clerc présent de répéter le verset du psaume : In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum, redemisti me, Deus veritatis (Ps 30:6).
Le confesseur de Thomas affirma qu’il n’avait jamais péché mortellement. Thomas mourut ainsi le 19 octobre 1257.
En 1794, ses reliques furent mises en sûreté par les habitants du village.
En 1859, le culte du bienheureux Thomas fut confirmé.