Anjezë Gonxhe Bojaxhiu
1910-1997
Anjezë (Agnès) naît en Albanie le 26 août 1910, à Skopje, de parents commerçants et catholiques. Elle a une sœur et un frère aînés : Age et Lazare.
Son père, Kol (Nikola), gère plusieurs entreprises en bâtiment, vend des produits pharmaceutiques. Il est de la région nord de l’Albanie. Fait relativement rare pour une région sous l’influence ottomane, Kol tient à ce que ses enfants fréquentent l’école ; à la maison, ils aident aux travaux domestiques et reçoivent leur éducation religieuse de leur mère.
Celle-ci, qui se nomme Drâne, leur montre l’exemple de la charité chrétienne. Son mot d’ordre est : Quand vous faites du bien, faites-le comme une pierre que vous jetez à la mer, claire réminiscence de l’Évangile, quand Jésus-Christ donne ce conseil : Quand tu fais l’aumône, que ta gauche ignore ce que fait ta droite (Mt 6:3). Les pauvres trouvent leur place à la table familiale. Drâne recommandera à Agnès : Ma fille, n’accepte jamais une bouchée qui ne soit partagée avec d’autres.
Agnès fait sa première communion à cinq ans et demi, et reçoit la confirmation à six ans.
Au lendemain de la pénible Guerre mondiale, le père d’Agnès meurt d’un malaise en 1919 ; les entreprises font faillite, Drâne doit ouvrir un atelier de couture pour subvenir aux besoins de la famille. Mais la foi reste forte : tous participent activement à la vie paroissiale (veillées de prières, offices, chorale). Agnès est soprano à la chorale, elle joue au théâtre, elle apprend la mandoline.
Vers douze ans, Agnès ressent l’attirance pour la vie religieuse, mais hésite plusieurs années, car si elle aime la solitude, elle n’a pas une bonne santé et est sujette à des rhumes chroniques.
Par le père jésuite Franjo Jambrekovic, elle s’intéresse aux missions. Après un pèlerinage au sanctuaire marial de Letnice, elle se décide pour la vie consacrée.
Sa mère accepte volontiers (tandis que le frère, Lazare, trouve cela du “gâchis”).
Agnès quitte l’Albanie en 1928 et rejoint à Dublin (Irlande) les Sœurs de Notre-Dame de Lorette, chez qui elle apprend l’anglais ; en fin d’année, elle rejoint l’Inde pour faire son noviciat.
La pauvreté locale l’effraie : Si les gens de nos pays voyaient ces spectacles, ils cesseraient de se plaindre de leurs petits ennuis, écrit-elle à un journal de son village.
Elle fait son postulat et son noviciat à Darjeeling. En 1931, elles fait ses vœux temporaires et prend alors le nom de Mary-Teresa, pour se mettre sous le patronage de Thérèse de Lisieux, canonisée récemment et proclamée patronne des missions.
Elle travaille quelques mois dans un dispensaire au Bengale, puis devient enseignante à Calcutta de 1931 à 1937. Elle a des classes de trois-cents enfants, qui ont tôt fait de l’appeler Ma, Mère.
En 1937, elle prononce ses vœux définitifs.
Elle est directrice à l’école Sainte-Marie de Calcutta, réservée aux classes sociales supérieures. Mais elle fréquente les bidonvilles, cherchant à consoler les plus démunis.
En 1946, elle perçoit comme un appel céleste très clair : elle doit sortir de son couvent pour aller vivre au milieu des pauvres. C’est le 10 septembre 1946.
Elle tombe malade et reçoit des soins pour un début de tuberculose. Elle médite et mûrit son appel. L’évêque demande à Rome l’autorisation de l’exclaustration pour Mary-Teresa : cette autorisation est accordée par Pie XII, pour un an.
Elle se confectionne un sari bleu et blanc et se sépare avec difficulté de ses Consœurs, avec cinq roupies en poche.
Elle reçoit une formation d’infirmière à Patna, revient quatre mois après et loge chez les Petites Sœurs des Pauvres.
Elle commence à donner des leçons dans la rue, dès le 21 décembre 1948 ; dix jours plus tard, ils sont plus de cinquante. Elle cherche un local, elle leur explique ce qu’est un savon, et à quoi ça sert. Elle ouvre une école dans un bidonville.
Elle préfère ne pas dépendre non plus des Petites Sœurs des Pauvres : elle trouve un logement de fortune, prie et fait de l’enseignement, elle mendie.
Dès 1949, d’anciennes élèves la rejoignent. L’évêque prolonge l’autorisation de l’exclaustration. Les vocations arrivent, à qui Teresa demande d’achever leurs études supérieures. Elle écrit une première Règle pour les “Missionnaires de la Charité”, nouvelle congrégation qui voit sa naissance officielle le 7 octobre 1950, jour de la fête de Notre-Dame du Rosaire.
Ne pouvant faire admettre à l’hôpital un mourant qui s’éteint dans ses bras, elle obtient un local pour assister les plus pauvres mourants : Nirmal Hriday, Maison au cœur pur, Foyer pour mourants abandonnés. Cette présence semble faire concurrence au proche temple hindou de Kaligat, une émeute éclate, mais la police protège Teresa ; peu après, un tuberculeux, rejeté comme intouchable, est recueilli par les Sœurs, ce qui conduira à établir de meilleures relations avec les hindous.
Une maison est achetée, où les religieuses doivent vivre dans l’extrême pauvreté ; Teresa refuse même l’aide du Vatican.
Un jour, Teresa découvre un malheureux enfant, dévoré par un chien. Elle ouvre alors un orphelinat le 24 novembre 1955 : Nirmala Sishu Bavan.
Toute sa vie, Teresa militera pour la Vie et s’opposera à l’avortement. Lors de la remise du Prix Nobel de la Paix, elle déclarera que le monde ne connaîtra pas la paix, tant qu’on y permettra l’avortement. Elle cherche à éduquer les femmes à la contraception naturelle, et à faire adopter les enfants des femmes qui, sinon, voudraient avorter.
La charité des Sœurs se tournera bientôt vers les lépreux, exclus du fait de la croyance au mauvais karma. Teresa envoie des ambulances pour soigner les lépreux là où ils sont.
Mère Teresa s’adjoint les Coopérateurs souffrants, personnes malades qui s’unissent dans la prière aux missionnaires de la Charité.
L’aide arrivera peu à peu : du Premier Ministre du Bengale, des laïcs aussi. Teresa est invitée à la BBC.
Dès 1959, c’est l’expansion en-dehors de Calcutta : Ranchi, New Dehli (en présence du premier ministre Nehru), Jansi, Agâ, Asansal, Bombay, où une polémique s’enflamme contre Teresa, parce qu’elle y avait ouvertement critiqué l’extrême pauvreté qui y régnait. Mais en 1962, le président indien la décore de la Padma Shri pour toute son œuvre.
En 1963, l’hôpital pour lépreux de Calcutta est détruit, et Teresa veut en construire un à Asansol. Le pape Paul VI, en visite en 1965, lui offrira sa limousine… qu’elle mettra aux enchères pour financer la construction.
La même année 1963 voit la fondation de la branche masculine des Missionnaires de la charité, approuvés en 1967. Ils s’implanteront en Amérique latine à la demande de Paul VI.
Les religieuses, elles, s’implantent en Haïti, aux Philippines, au Yémen, au Bengladesh, en Tanzanie, dans les pays de l’ancienne URSS, à Rome. Dans le Yémen musulman, Mère Teresa est invitée par le Premier Ministre lui-même à ouvrir des cours de couture et à s’occuper de lépreux. On la surnomme Mère sans frontière.
En 1969, la congrégation est reconnue de droit pontifical. Ouverture d’une maison à New York et d’un noviciat à Londres.
1976 : fondation de la branche des contemplatives, les Sœurs du Verbe, qui consacrent leur temps à la prière pour les pauvres. Première maison à New York.
Teresa reçoit le prix Balzan en 1978, le prix Nobel de la paix en 1979, la médaille de la Liberté en 1985, des mains du président Ronald Reagan. D’autres reconnaissances suivront aussi.
Mère Teresa intervient partout où la charité la conduit, à Beyrouth, à Bhopal, à New York, en Albanie, son pays natal… C’est à New York qu’elle ouvre le premier foyer pour victimes du sida.
Un premier arrêt cardiaque en 1989 n’empêche pas qu’on la réélit supérieure, un deuxième arrêt cardiaque en décembre 1991, et une tumeur à l’estomac auront raison de cette personne à la santé “fragile”, qui s’éteint le 5 septembre 1997, à Calcutta où elle était revenue.
Cette géante de la Charité connut une très longue nuit de la foi, dans l’aridité de la solitude, de l’inquiétude, du manque de consolation intérieure. C’est là qu’on mesure tout le mérite de sa persévérance. Mère Teresa est ainsi une grande mystique, au même titre que Thérèse d’Avila ou que Jean de la Croix.
Les musulmans bengali l’appellent Zinda Pir (Sainte Vivante), le Dalaï-Lama l’avait en profond respect.
A la mort de Mère Teresa, les religieuses sont près de quatre-mille, avec plus de six-cents maisons dans cent-vingt-trois pays.
Mère Teresa fut béatifiée en 2003, avec une exception aux lois de l’Église qui d’ordinaire attend une vingtaine d’années pour béatifier. L'année 2016 verra sa canonisation.
Elle est inscrite au 5 septembre dans le Martyrologe romain.