Pierre de Luxembourg
1369-1387
Il n’est pas commun de mourir Cardinal de la Sainte Eglise à dix-huit ans et consommé en sainteté ! Il y a des âmes d’élection et d’exception.
La famille de Luxembourg était de très haute noblesse, étant apparentée à l’empereur et aux rois.
Guy de Luxembourg, bon Français et bon Chrétien, avait épousé Mahaut de Châtillon dont il eut sept enfants parmi lesquels on connaît Valéran, Robert, Jeanne, André ; l’avant-dernier, Pierre, naquit dans des circonstances dramatiques.
Un violent incendie venait de se déclarer dans le château de Ligny-en-Barrois, où ils résidaient alors, le 20 juillet 1369 ; Mahaut n’eut que le temps de se réfugier dans une grosse tour encore debout, où elle accoucha. Pierre fut baptisé dès le lendemain.
Guy mourut au combat en 1371 et Mahaut mourut deux ans plus tard. Elle eut encore le temps de mettre au monde son benjamin, André. Le petit Pierre fut recueilli par sa tante, au château de Saint-Pol.
Pierre ne s’entendait pas bien avec son frère aîné, Valéran ; ils avaient tous deux hérité de leur père un caractère entier, vif, nerveux, de sorte qu’ils pouvaient facilement arriver à l’affront. Pierre était direct : tout petit, il avait menacé de faire brûler vif un domestique qui n’obtempérait pas assez vite à son goût.
Le garçon apprit en grandissant à se dominer, à grandir dans la foi et la piété ; il y entraîna sa sœur Jeanne. Cette dernière poursuivra sa route dans l’amour de Dieu ; elle renonça à se marier et finira ses jours dans une sainte démarche : en 1430, elle essayait de détourner son neveu, Jean de Luxembourg, de vendre Jehanne d’Arc aux Anglais. C’est peut-être ce douloureux échec qui la conduisit à la mort.
A huit ans, en 1377, Pierre fut envoyé à Paris pour ses études, en compagnie de son frère André, avec un domestique nommé Mayet. Comme il l’avait fait pour sa sœur Jeanne, Pierre exhorta André à se sanctifier ; pour l’obliger à se lever un peu plus tôt, il lui jetait une poignée de gros sel dans le lit… Mayet reçut aussi ses exhortations : Si tu ne te confesses jamais, lui dit Pierre, tu ne sauras jamais quand il le faudra, mais si tu en prends l’habitude, tu sauras bientôt quoi dire au prêtre. Voici un franc d’or, prends-le et va te confesser. Mayet obéit !
Notre jeune garçon continuait sa route dans l’amour de la perfection. Il devint servant de messe à Notre-Dame, et regrettait de ne pouvoir assister à l’office de matines que les jours de fête. Il se confessait chaque jour. Bon élève, travailleur, obéissant, il préférait la prière au jeu : on le découvrit un jour en train de méditer dans une tour de Notre-Dame ! Mais il ne jouait pas le «petit saint» et prenait le temps de se distraire avec des camarades : il chantait et dansait, il jouait au jeu des échecs qui force l’esprit à arraisonner, mais ne jouait jamais aux dés.
Il poursuivit ses études au collège de Navarre.
On était à l’époque du triste Schisme d’Occident. Même de grands et doctes personnages pensaient que le pape d’Avignon était légitime. On a vu que s. Vicente Ferrer (v. 5 avril) opinait pour le pape d’Avignon. On s’explique facilement que Pierre de Luxembourg, adolescent, fût simplement partisan de ce pape, sans se poser la question théologique ou canonique de la primauté de Rome sur Avignon.
Le «pape» Clément VII ne pouvait ignorer ce jeune noble. Il le nomma chanoine de Notre-Dame de Paris. Pierre accepta d’emblée, non pour l’honneur, mais pour participer plus complètement à l’office du chœur. Il resta humblement «petit clerc» et refusa de recevoir les ordres, même avec dispense. Clément VII octroya encore d’autres titres à Pierre : archidiacre de Dreux, de Bruxelles, chanoine de Cambrai ; ce cumul profita surtout aux pauvres, auxquels Pierre distribuait de larges aumônes.
Pierre fit le vœu de chasteté et s’imposa une règle de vie de plus en plus sévère. Jamais plus de cinq heures au lit, et plutôt moins parfois ; flagellation sans pitié ; une corde aux reins. On ne découvrit ces détails que par hasard, ou après sa mort.
En 1384, d’entente avec le roi de France, Clément VII le nomma évêque de Metz. Pierre en fut navré, mais préféra accepter pour ne blesser personne. La même année, Clément VII le créa cardinal et l’ordonna diacre.
Comment un diacre pouvait-il être évêque ? Pierre fit tout ce qui était en son pouvoir pour administrer le diocèse : visites pastorales, rappel à l’ordre des clercs qui s’absentaient de leurs bénéfices, réconciliation avec les partisans de l’autre pape. Mais pour la liturgie, il s’en remettait à son auxiliaire, un dominicain, Bertrand.
La même année cependant, Pierre dut s’absenter pour assister son frère Robert mourant. Quand il voulut rentrer, l’empereur y avait installé son propre candidat à la place de Pierre ; il fallut l’intervention armée de son frère Valéran pour rétablir l’ordre. Mais l’année suivante, une émeute de la population fit encore intervenir l’armée de Valéran, mais Pierre préféra se retirer de la place. Il vint à Paris, où il retrouva des amis et assista avec réconfort aux offices des Religieux célestins ou chartreux.
En 1386, le pape d’Avignon l’appela en Avignon. Pierre céda de bonne grâce, mais ne s’y plaisait pas. Il demanda à Dieu de le libérer de ce monde et fut exaucé : un ulcère à la jambe l’empêcha de sortir. Ses mortifications augmentaient encore : elles furent peut-être la cause de la «maladie» qui devait bientôt l’emporter.
Il nourrissait le grand projet d’aller trouver le roi de France pour mettre fin aux hostilités avec l’Angleterre, et aussi pour alléger les trop lourds impôts qui opprimaient les peuples. Il aurait pu en effet parler facilement avec tous les princes d’Europe, dont il était parent. Seule sa mauvaise santé l’en empêcha.
Il faut signaler aussi qu’il nourrissait une grande dévotion envers Notre-Dame et qu’il en défendit volontiers l’Immaculée Conception.
A partir de 1387, il passa à Villeneuve-les-Avignon, de l’autre côté du Rhône, où le climat campagnard était meilleur. Il s’alita définitivement le 24 juin et mourut saintement le 2 juillet, quelques jours avant ses dix-huit ans.
Des miracles suscitèrent vite le procès de béatification de Pierre. Il n’aboutit qu’en 1527 : il se trouve que c’est le vrai pape Clément VII qui la proclama.
Proclamé céleste patron d’Avignon, le bienheureux Pierre de Luxembourg est mentionné au 2 juillet dans le Martyrologe.