29e dimanche ordinaire - C
Je t'appelle, mon Dieu, car tu peux me répondre. Le psaume 16 ouvre ainsi la liturgie de ce dimanche. Voilà une prière confiante, une supplique intense : Dieu est notre refuge sûr. Nous allons méditer sur la prière confiante à Dieu.
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Moïse demande l'aide de Dieu, il s'offre lui-même pour l'obtenir, il supplie, il lève les mains, et quand il n'en peut plus il se fait aider : grâce à Aaron et Hour, Moïse garde les bras élevés. Cet homme qui intercède pour son peuple, les bras étendus, est déjà une figure du Sacrifice du Christ, qui lèvera ses bras en croix pour tout Son peuple.
Chaque fois que nous prions pour quelqu’un, un malade, un ami, une quelconque autorité, nous sommes des Aaron qui soutiennent les bras de nos Moïse, mais nous pouvons aussi être des Moïse, en levant nous aussi nos bras vers Dieu.
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Il s’agit aussi de la prière confiante dans le psaume 120, un des psaumes graduels que chantaient les pèlerins en marche vers Jérusalem. De la plaine, ils "levaient les yeux" vers les montagnes, vers Jérusalem, vers le Seigneur, attendant de Lui sa protection contre toutes les embûches de ce voyage, car le chemin de Jéricho à Jérusalem était infesté de voleurs, prêts à dévaliser les braves pèlerins (on se rappellera la fameuse parabole de l’homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho (Lc 10:30) ; mais aussi protection contre les embûches spirituelles, celles qui jalonnent notre voyage terrestre.
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Depuis plusieurs dimanches nous parcourons les deux lettres de s.Paul à Timothée, le disciple très cher de l’Apôtre, fidèle entre tous. Le passage d'aujourd'hui est une exhortation à la lecture approfondie de l'Ecriture. Non pas que Timothée l’ignorât, puisque, dit saint Paul, il la connaît depuis (son) plus jeune âge. Mais Paul l’exhorte à ne pas l’oublier, et il nous exhorte tous, et chacun d’entre nous, à lire l’Ecriture Sainte, dont tous les passages sont inspirés par Dieu. Nous y trouverons beaucoup d’exemples de prière, ne serait-ce que La prière que nous a enseignée le Seigneur.
Il est vrai que beaucoup de passages du Texte sacré nous apparaissent obscurs, étonnants, parfois vraiment incompréhensibles… Probablement, Dieu ne veut pas que nous les comprenions tout de suite, comme le dit Jésus à ses Apôtres : J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant (Jn 16:12). Mais croyons bien que la lumière se fera peu à peu, comme l’éponge qui se laisse progressivement gonfler par l’eau qu’elle absorbe.
D’autres fois, c’est que notre cœur est fermé à la Lumière : nous voudrions faire entrer le soleil, mais nous maintenons fermés les volets ! Notre âme est trop pleine de nos pensées terrestres, humaines, et il n’y a pas de place pour le divin. Notre première pensée, en ouvrant le Livre inspiré, doit être : Quel enseignement Dieu veut-il me donner en ce moment ?
Lisons l'Ecriture, relisons-la, méditons-la ; surtout l'Evangile, que saint Dominique savait par-cœur ! C’est l’enseignement direct de Jésus.
Et n’oublions pas que certains autres textes de l’Ecriture sont réellement “faciles” à lire, parce qu’ils sont davantage historiques, comme les Actes des Apôtres, ou, dans l’Ancien Testament, les livres de Josué, des Juges, de Samuel, des Rois, des Chroniques. Les passages des Prophètes, ou des Psaumes, ou de l’Apocalypse, auront certes besoin d’explications, mais ne doivent pas nous rebuter, car ils nous conduiront toujours vers la Vérité. N’avons-nous pas souvent le “courage” de lire des livres véritablement rébarbatifs, pour préparer nos examens ou nos conférences ? Et nous renoncerions à approfondir l’Ecriture ?
Puisqu’il s’agit aujourd’hui de la prière, cherchons dans l'Ecriture des exemples de prière confiante, et apprenons à prier Dieu comme ces saints personnages ont prié : comme Abraham devant Sodome (Gn 18:23-33), comme Moïse dont il est question aujourd’hui, comme Esther (Est 14), comme aussi le jeune Salomon pour obtenir la sagesse (Sg 9)… comme Jésus qui priait parfois toute la nuit (cf. Lc 6:12) et qui, humblement, s’effaçait devant la volonté de Son Père, à Gethsémani (Lc 22:42).
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L'évangile du jour revient sur l'efficacité de la prière instante. Jésus prend l’exemple un peu déconcertant d’un juge qui finit par faire justice envers cette brave femme, simplement pour qu’elle cesse de lui casser la tête. Il faut noter ce que Jésus dit de cet homme : il est tellement injuste, qu’il ne respecte ni Dieu ni même les hommes, ce qui sous-entend un état d’esprit véritablement, foncièrement mauvais. Pourtant il finit par céder. Mais Dieu n’est pas un juge humain ! Si un juge humain finit par écouter cette femme bon gré mal gré, à plus forte raison notre Père céleste, qui est bon, exaucera promptement ses enfants.
Saint Jean Chrysostome (fêté le 13 septembre) commente ainsi : Si la prière assidue a pu faire de ce juge cruel un homme doux, que ne sera-t-il pas du Bon Dieu ! Et de faire remarquer quelle force a la foi, quand on voit des juges injustes et même méchants devenirs bons et miséricordieux.
Le même Chrystostome ajoute ensuite : Quelle dignité de parler ainsi avec Dieu ! La prière nous unit aux Anges, dont la charge est de prier sans interruption, qui nous apprennent à oublier notre condition humaine et à remplir notre esprit d’une telle rapidité et d’une telle sainte crainte, que nous n’ayons plus de regard vers les choses présentes mais que nous nous sentions comme en présence des Anges, en train d’accomplir le même sacrifice d’action de grâce avec eux.
Saint Augustin (fêté le 28 août), quant à lui, compare cette Veuve à l’Eglise qui attend du Christ qu’Il lui rende la justice, qu’Il intervienne enfin pour éliminer tous les maux, toutes les injustices. Mais ces maux sont multiples, et dureront malheureusement jusqu’à la fin des temps, car ils sont liés à la condition humaine. Jusqu’à la fin de notre vie nous connaîtrons les tentations les plus diverses, jusqu’à la fin des temps les hommes éprouveront des tribulations de toutes parts, des injustices sociales, des maladies, des épidémies, des accidents, des persécutions… Tout cela, l’homme ne peut l’éviter ; mais tous, nous pouvons éviter le péché, et c’est ce qui est le plus important, peut-être même le plus difficile.
Notre prière instante doit nous faire espérer et croire sans cesse qu’avec Jésus, et seulement Lui, nous serons libérés du mal. Rappelons-nous la prière qui suit le Notre Père à la Messe : c’est bien au Seigneur qu’on demande de nous délivrer de tout mal… du péché… des épreuves, dans l’espérance de l’avènement de Jésus-Christ, à qui, répond l’assemblée, appartiennent le règne, la puissance et la gloire.
L’expression de Jésus : toujours prier, ne doit pas s’entendre au sens de quelque attitude permanente, qui exclurait par exemple le travail manuel nécessaire à la vie quotidienne. Effectivement, il y eut de ce genre d’esprits tordus que saint Paul reprend vertement : Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Or nous entendons dire qu’il en est parmi vous qui vivent dans l’oisiveté, ne travaillant pas du tout mais se mêlant de tout. Ceux-là, nous les invitons et engageons dans le Seigneur Jésus Christ à travailler tranquilles et à manger le pain qu’ils auront eux-mêmes gagné (2Th 3:10-12).
Toujours prier veut dire : avec persévérance, à différents intervalles, comme l’insinue le psaume de David : Sept fois le jour, je te loue pour tes justes jugements (Ps 118:164).
C’est pourquoi l’Eglise nous a habitués à «faire la prière» le matin et le soir ; ce n’est pas en soi une «obligation», mais c’est le moyen d’apprendre à rester en union avec Dieu ; il y a aussi l’Angelus, le chapelet, et mille autres dévotions parmi lesquelles on peut choisir celles qui nous conviennent le mieux.
Par la persévérance dans la prière, notre esprit s’accoutume peu à peu à l’inspiration de l’Esprit de Dieu, et se laisse plus facilement modeler par la sainte Volonté divine. Il faut croire que ce que Dieu nous accordera sera pour notre bien, et que ce ne sera pas forcément ce qu’on avait demandé au départ.
Croire, oui. Mais vient alors cette question vraiment bouleversante de Jésus : trouvera-t-il la foi à son retour sur terre ?
Jésus a-t-il un doute sur la fidélité de l’Eglise et des Chrétiens ? Veut-Il dire que l’Eglise aura “peut-être” disparu de la société ? L’Eglise sera-t-elle à ce point persécutée, qu’on ne la verra plus apparaître visiblement dans notre société ? Les églises et la Croix auront-elles disparu de nos cités ? Il est vrai que certains esprits inquiets pourraient le penser, devant tant de persécutions, et devant la montée en force des ennemis de l’Eglise.
Mais reprenons-nous : si la question de Jésus-Christ devait nous mettre dans cette inquiétude, elle ne serait pas de Lui. Au contraire Jésus veut par là nous alerter, nous aider à rester en éveil, à être de ces vierges sages qui savent entretenir leurs lampes avec la foi et les œuvres de charité (cf. Mt 25:1-13).
C'est à chacun de nous que Jésus pose cette question, comme pour nous inviter instamment à L'attendre ; préparons-nous à son retour, soyons de ceux qui garderont la foi et qui seront prêts à accueillir Jésus Christ.
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Jésus veut en même temps nous expliquer ici pourquoi certains d’entre nous ne sont pas toujours exaucés : c’est parce que notre foi n’est pas totale. L’homme se donne aux plaisirs, et oublie facilement le jugement qui l’attend. La Foi, celle que Dieu attend de nous, manquera chez certains, et saint Paul le dit (1Tm 4:1-2) Il y aura aussi de faux prophètes (Mt 24:24). C’est pourquoi il est urgent pour chacun de nous de ne pas s’endormir sur notre fausse justice. Ce sera le thème de la prochaine parabole du Christ, du pharisien et du publicain, que nous lirons dimanche prochain.
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Notre supplique sera d'autant plus efficace qu'elle exprimera l'ouverture de notre cœur à la volonté de Dieu : que serait cet appel à l'aide, si nous maintenions fermée à clef la porte de notre cœur ? Au contraire, faisons bien nôtre la Prière du jour : Fais-nous toujours vouloir ce que tu veux.