Gerasimos du Jourdain
† 475
Gerasimos naquit au 5e siècle en Lycie (act. Turquie d’Asie, S) de parents assez aisés.
Il fut consacré à Dieu dès son berceau. Jeune encore, il partit pour la région d’Egypte qu’on appelle la Thébaïde, où vivaient beaucoup d’ermites, et, après cette première expérience, revint dans sa province d’origine.
Vers 451, il vint à Jérusalem, où il vénéra les Lieux Saints et se fixa dans le désert proche de la Mer Morte.
Or à cette époque, un certain moine d’Egypte nommé Théodose, créa pas mal de désordres par son attachement à la doctrine d’Eutychès : expulsé d’Alexandrie, installé en Palestine, soutenu par l’impératrice détrônée Eudoxie, il avait réussi à se faire sacrer évêque de Jérusalem, en lieu et place du légitime Juvénal. Gerasimos, qui n’avait pas encore une grande formation théologique, fut gagné par la parole vigoureuse de l’hérétique. Par bonheur, après avoir rencontré Euthyme, un saint et savant moine, il comprit son erreur, et résolut de quitter la région.
Vers 455 donc, il se transporta plus haut le long du Jourdain et fonda une laure, où il essaya de concilier la vie érémitique et cénobitique. Qu’on en juge.
Les disciples habiteraient des cellules assez éloignées l’une de l’autre pour ne pas se gêner en priant ou en chantant, autour d’un bâtiment central où se trouvait l’église et le noviciat. Les novices suivaient la Règle de Théodose le Cénobiarque (v. 11 janvier) ; une fois formés, les moines habitaient l’une des soixante-dix cellules prévues pour eux : elles s’adossaient à des grottes et étaient recouvertes de branches.
Les moines pouvaient prier et chanter à haute voix, du lundi au vendredi, organisant eux-mêmes leur prière et leur travail manuel ; le samedi, ils quittaient leur cellule, la laissant ouverte pour que les passants pussent observer leur pauvreté ; ils gagnaient le bâtiment central, chantaient ensemble l’office à l’église et assistaient à la liturgie le dimanche : ces deux jours, ils mangeaient des aliments cuits et prenaient un peu de vin dans un réfectoire commun ; le soir ils dormaient dans un grand dortoir.
Ces deux jours-là, ils rendaient compte à l’higoumène (supérieur) de leur emploi du temps ; ils faisaient alors provision d’eau et de palmes et regagnaient leurs cellules. Défense d’allumer du feu ou une lampe dans la cellule, sous peine de regagner le bâtiment des novices.
L’amitié entre Gerasimos et Euthyme perdura. Le témoin oculaire qui écrivit la Vita de Gerasimos, Quiriacos (v. 29 septembre), raconte que le 19 janvier 473, Gerasimos vint le trouver à la cuisine et lui enjoignit de l’accompagner immédiatement : il venait d’apprendre par quelque signe surnaturel qu’Euthyme allait mourir et voulait l’assister.
Le même Quiriacos nous raconte une histoire vraiment touchante, illustrant la sainteté de notre héros. Durant une de ses sorties sur les bords du Jourdain, un lion s’approcha de lui, traînant la patte et gémissant de douleur. Gerasimos lui retira «l’épine du pied», au sens propre de l’expression, et soigna la plaie. Réconforté et reconnaissant, le lion suivit Gerasimos jusqu’à sa cellule et devint à sa façon un frère fidèle : on lui confia la garde de l’âne du monastère et il devait le conduire au pâturage. Un jour, le lion rentra tout honteux, tête basse : l’âne avait disparu ! On crut que la pauvre bête avait cédé à son instinct naturel et, dans sa faim, avait dévoré son compagnon ; pour le «punir», on le chargea de remplacer l’âne et de traîner le charriot du bois et de l’eau. Mais un jour, le lion aperçut une petite caravane de chameaux suivis par son cher compagnon, qu’en fait on lui avait volé. Il se précipita, et tira l’âne par la longe, mettant ainsi en fuite le chamelier voleur, et tirant derrière lui les chameaux et leur chargement. On admira alors la probité du lion. Quiriacos ne nous dit pas quel nom les moines donnèrent à leur cher compagnon fidèle.
Lorsque Gerasimos mourut, le 5 mars 475, le pauvre lion fut inconsolable et se laissa mourir sur la tombe de son maître.
Saint Gerasimos est commémoré le 5 mars dans le Martyrologe Romain.